Les pouvoirs publics ont mis fin à un régime généreux profitant notamment à des personnes souffrant de problèmes psychiques.
Aux Pays-Bas, les maladies du travail etnotamment le stress sont pris très au sérieux. Une loi généreuse sur l’invalidité au travail (WAO), adoptée en 1967, a permis toutes sortes d’abus. Les invalides à plus de 35 % pouvaient en effet toucher 70 % de leur salaire sans travailler, pendant deux ans à la charge de l’employeur, et parfois pendant des années, l’État prenant ensuite le relais. Avec 900 000 invalides partiels ou complets, sur une population active de 9 millions de personnes, les Pays-Bas comptaient, en 2005, le plus grand nombre d’invalides au travail parmi les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Paradoxe : dans le pays d’Europe qui par ailleurs consomme le moins de médicaments, 10 % de la force de travail se trouvait en invalidité… « C’est comme si nous avions connu la guerre ou une terrible épidémie », commente Philip de Jong, professeur d’économie à l’université d’Amsterdam. En réalité, le tiers des personnes déclarées invalides par leur médecin, avec confirmation de l’Agence nationale pour l’emploi (CWI), souffre de problèmes psychologiques ou de stress.
Pour mettre fin aux abus, une nouvelle loi sur la réinsertion des invalides (WIA) n’indemnise plus que les invalides complets (plus de 80 % d’invalidité) à hauteur de 75 % de leur salaire. Tous les autres doivent continuer à travailler et se contenter d’indemnités réduites. Résultat probant : seulement 18 000 personnes ont été déclarées invalides en 2006, contre 80 000 l’année précédente. Les syndicats, de leur côté, s’inquiètent des éventuels effets pervers de la réforme. « Il n’est pas question de laisser s’installer la négligence envers le stress ou le surmenage, qui comptent parmi les principales causes de congé maladie longue durée », affirme un porte-parole de la Fédération des syndicats néerlandais (FNV). Cette centrale, la plus importante du pays, dispose depuis 2000 d’un bureau des maladies du travail (Bureau Beroepsziekten, BBZ), qui a soutenu quelque 300 salariés depuis sa création dans leurs démarches judiciaires.
Employeur condamné pour pression. Plusieurs victoires, considérées comme des avancées, ont été remportées ces derniers mois par le BBZ. Une cour d’appel de Bois-le-Duc a par exemple estimé le 8 octobre qu’un cabinet d’expert-comptable était bien responsable du surmenage d’un de ses salariés, après vingt-cinq années de semaines à soixante heures. En août, l’assurance chômage (UWV) a été contrainte de verser 300 000 euros d’indemnités à un salarié souffrant de surmenage parce qu’il n’avait pas été bien conseillé. Quant à la compagnie d’assurances Nieuwe Hollandse Lloyd, elle a été condamnée en août 2007 à verser 237 000 euros à un consultant de 46 ans déclaré invalide à 100 % en 2003 à cause d’une « pression inacceptable au travail », conjuguée à un manque total de soutien de sa hiérarchie. Ces affaires restent relativement rares aux Pays-Bas et toujours très remarquées.
10 % d’invalides au travail sur une population active de 9 millions de personnes en 2005 : un record absolu au sein de l’OCDE
Les transformations des modes d’organisation du travail produisent des effets contradictoires sur la santé mentale, estime le rapport du Centre d’analyse stratégique. Car, si elles peuvent permettre un enrichissement des emplois, davantage d’opportunités de responsabilité et de reconnaissance, elles font également peser de grands risques sur la santé mentale des travailleurs.