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Politique sociale

Les sportifs, champions du syndicalisme

Politique sociale | publié le : 01.11.2009 | Grégory Danel

Le sport se professionnalise et se syndicalise. Prestataires de services, défenseurs d’intérêts catégoriels, ses syndicats battent des records d’adhésion.

Certains amassent des rémunérations à faire pâlir bien des traders et on les imagine mal développer un sens du collectif au-delà du traditionnel 4-4-2 ou de l’attaque-défense. Et pourtant… Malgré l’avènement du sport spectacle et le développement du « mercenariat », le sportif de haut niveau se syndique. Bien sûr, il n’est pas question pour Yoann Gourcuff de tenir une permanence SUD chez les Girondins de Bordeaux. Mais, comme 85 % de ses congénères, le joueur français le mieux payé de Ligue 1 (310 000 euros net par mois, selon l’Équipe) adhère à l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP). Sans atteindre les sommets du foot, les taux de syndicalisation dans le rugby (70 % avec Provale), le basket (70 % avec l’Union des basketteurs professionnels, le SNB) et le handball (50 %, avec l’Association des joueurs professionnels de handball, AJPH) laissent songeur dans un pays où le score sur l’ensemble des salariés peine à atteindre les 8 %.

Résolument apolitique, le syndicalisme vu par les sportifs professionnels sert avant tout à défendre des intérêts catégoriels. « Le sport est un monde assez fermé et les grandes centrales syndicales, qui, jusqu’à ces derniers temps, s’en sont complètement désintéressées, ne connaissent pas du tout les spécificités d’organisation du sport », observe Jean-Pierre Karaquillo, juriste et patron du Centre de droit et d’économie du sport de Limoges. Certes, la CGT n’était pas très loin lorsque fut créée l’UNFP en 1961, mais, depuis, si les confédérations côtoient les sportifs, c’est presque par accident au sein de la branche sport et animation.

« Nous sommes des esclaves. » Ces syndicats corporatistes bénéficient d’une très forte adhésion des sportifs à leurs structures et à leurs mots d’ordre. En 2008, à l’appel de l’UNFP, les footballeurs ont été à deux doigts de faire grève et de priver la France d’un PSG-OM pour une sombre histoire de représentativité au sein du conseil d’administration de la Ligue de football. Jimmy Briand, un jeune attaquant, pouvait alors benoîtement déclarer : « Je n’ai entendu parler de rien. Mais comme je fais partie de l’UNFP, je suivrai le mouvement. […] Si un mouvement est déclenché, c’est qu’ils ont de bonnes raisons. » Et si les sportifs sont si attachés à leurs syndicats, c’est que leur situation n’a pas toujours été rose. « Nous sommes des esclaves », lançait en 1963 le footballeur Raymond Kopa, jetant une lumière crue sur les relations sociales presque moyenâgeuses qui, longtemps, ont régi le sport de haut niveau.

Lorsque Jean-Claude Cucherat, secrétaire général de l’Union nationale des cyclistes professionnels, s’est penché pour la première fois, au milieu des années 90, sur les relations entre employeurs et salariés dans le monde du vélo, il a tout simplement été « effaré ». Cet ancien cadre de la métallurgie, qui a passé vingt-cinq ans dans les conseils de prud’hommes n’avait rien vu de comparable à cet univers « complètement inégalitaire », sans contrat de travail, sans couverture sociale ni salaire minimum, où on revendiquait s’affranchir du Code du travail comme du code de la route. Les vertus de l’amateurisme cachaient un système où les joueurs étaient payés pour jouer et « pas pour l’ouvrir », rappelle, pour sa part, Sylvain Deroeux, président de Provale.

Portés par la professionnalisation et la mise en place d’une convention collective du sport en 2005, les syndicats de joueurs ont, au cours de la dernière décennie, fait du sportif un salarié comme un autre… ou presque. Les notions de durée du travail, de repos hebdomadaire, de travail du dimanche ou de nuit demandant une vision parfois très extensible des règles du travail. Mais alors que les cyclistes professionnels ne bénéficiaient d’aucun statut, ils sont désormais assimilés à des cadres itinérants, travaillant deux cent dix-huit jours par an avec six semaines de congés payés. Question rémunération, un minimum conventionnel de branche a été créé (son montant : 1 281,50 euros en septembre 2009). Après, il existe des conventions collectives spécifiques aux différents sports. Les rugbymen professionnels, par exemple, ne peuvent percevoir moins de 3 000 euros brut mensuels.

Aide à la reconversion. Les syndicats ont aussi développé toute une gamme de services : gestion de patrimoine via des sociétés ad hoc, assurance, caisse de prévoyance, assistance juridique, stages pour sportifs au chômage et, surtout, aide à la reconversion. « Dès la première année de professionnalisme, au terme d’un bilan de compétences, on finance une reconversion », indique Jean-Claude Cucherat, de l’UNCP. Car, pour un Thierry Henry, combien de sans-grade ? « Dans le handball, le salaire moyen atteint 3 000 euros. Un joueur sur deux ne jouera pas plus de trois ans en première division », note Marc-Olivier Albertini, président de l’AJPH.

Si on ne risque pas de voir un cortège de footeux défiler entre République et Nation – l’UNFP a usé de son droit de grève une seule fois, en 1972 –, les syndicats de joueurs ne s’interdisent rien. Mais misent avant tout sur le dialogue social pour faire avancer leurs propositions tout en sachant que les retransmissions sportives leur offrent des moyens de pression. Leur seule crainte, désormais, c’est de ne pouvoir peser au sein de la branche. Car s’ils règnent en maîtres sur les terrains, ces syndicats catégoriels risquent, eux aussi, d’être fragilisés par les nouvelles règles de représentativité issues de la loi du 20 août 2008.

1,9 % des droits de diffusion multimédia du football français (668 millions d’euros pour quatre saisons) est reversé à l’UNFP, qui est un précurseur en matière de financement. La doyenne et la plus puissante des unions de sportifs a en effet été à l’origine des vignettes de joueurs Panini. Moteur, elle a aussi permis à l’ensemble des sportifs français d’être en avance sur l’Europe dans le domaine social.

Auteur

  • Grégory Danel