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Idées

La crise et le modèle social français

Idées | Bloc-notes | publié le : 01.11.2009 | Rose-Marie Van Lerberghe

LA PROTECTION SOCIALE COMME AMORTISSEUR

La crise que nous traversons n’a pas seulement des conséquences sur l’emploi. Elle en a, et en aura aussi, sur la protection sociale et, plus largement, sur ce qu’il est convenu d’appeler notre modèle social. À court terme, l’ensemble de la protection sociale a un effet considérable d’amortisseur de la crise. Une bonne partie de la population – les retraités, les fonctionnaires, ceux qui étaient déjà indemnisés par l’assurance chômage, les bénéficiaires du RMI ou d’autres revenus d’assistance – n’a pas vu son pouvoir d’achat affecté, sinon positivement par le recul de l’inflation, ce qui a permis d’éviter une chute brutale de la consommation et donc de la croissance. Il en va un peu de la protection sociale comme de l’État : la crise les a réhabilités de façon spectaculaire et a jeté les « thèses libérales » aux orties.

LA QUESTION DU FINANCEMENT

Le déficit de la Sécurité sociale a plus que doublé entre 2008 et 2009 et devrait dépasser 30 milliards d’euros en 2010. Il s’ajoute à celui du budget de l’État, qui atteint des sommes astronomiques. Dans ce contexte, les marges de manœuvre qui pouvaient encore exister avant la crise ont disparu. C’est la raison du report permanent du cinquième risque qui figurait pourtant dans les promesses de campagne. On avait un temps espéré y affecter l’excédent de la branche famille, lequel s’est transformé lui-même en déficit. De même, on avait caressé l’idée d’un transfert d’une partie des cotisations de l’assurance chômage vers les retraites. Toutes ces pistes ont été balayées ; mais, dans le même temps, la préoccupation de ne pas « casser » le retour de la croissance rend difficile, sinon impossible à court terme, une augmentation des cotisations. De même, l’amputation des revenus de remplacement risquerait de peser sur la sortie de crise. C’est comme cela qu’il faut interpréter le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qui ne comporte que des « mesurettes », comme l’augmentation, modeste, du forfait hospitalier.

LE RENDEZ-VOUS SUR LES RETRAITES

Le retour à la croissance ne suffira pas à résorber les déficits. Le gouvernement a décidé de s’attaquer d’abord au dossier des retraites dans la mesure où, contrairement à l’assurance maladie, les décisions prises concernant les prestations n’ont pas d’effet immédiat mais s’étalent sur des années. En France, les retraites, comme tous les revenus de substitution, n’ont pas été touchées par la grâce de la répartition. Mais, du fait de l’allongement de la durée de vie, le rapport entre bénéficiaires et cotisants va passer de 1 à 3 aujourd’hui à 1 à 2 en 2050, ce qui laisse présager une charge accrue sur les générations futures, qui s’ajoutera à celle résultant de l’accumulation des déficits actuels. La crise avec les milliards prêtés aux banques ont anesthésié la sensibilité de nos concitoyens et de nos dirigeants aux déficits. En 2009, les dépenses de l’État ont été deux fois plus importantes que ses recettes sans que cela ait l’air d’émouvoir personne. Ou plutôt si : le taux d’épargne des ménages est en train de s’accroître encore. Les Français seraient-ils dépensiers à titre collectif et économes à titre individuel ?

Auteur

  • Rose-Marie Van Lerberghe