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Politique sociale

Les écoles de la deuxième chance ont une cote d’enfer

Politique sociale | publié le : 01.10.2009 | Stéphanie Cachinero

Conçues pour offrir des pistes à des jeunes en échec mais pas pour leur trouver un emploi, ces structures trouvent crédit auprès des politiques.

Drôle d’endroit pour une école. Au beau milieu des entreprises et entrepôts du parc de Courtabœuf, dans l’Essonne, un cube géant de brique abrite depuis l’été dernier les stagiaires en formation professionnelle d’une nouvelle école de la deuxième chance (E2C). La deuxième du département. Car, depuis 1997, année d’ouverture de la première E2C tricolore à Marseille, le projet d’Édith Cresson, alors commissaire européenne, a fait des petits. Aujourd’hui, les E2C, ce sont 52 sites répartis dans 13 régions (qui assument le financement à hauteur de 40 % en moyenne) et 30 départements pour 5 860 stagiaires. Un « parcours » dure, généralement, cinq à six mois. Son coût est compris entre 5 000 et 7 000 euros annuels par bénéficiaire, selon le gouvernement. Cette estimation s’élève à 8 100 euros, d’après un rapport d’information parlementaire du 18 mars 2009.

Légalement, les E2C accueillent des « adolescents » de 15 à 25 ans. Mais il n’est pas si rare d’y croiser des individus ayant dépassé le quart de siècle, à l’image de Stéphane, Nancéien de 31 ans. Il rêve d’être scénariste, et devrait prendre, après l’E2C, la direction de l’Institut européen de cinéma et d’audiovisuel. Sans bac, il n’aurait jamais imaginé s’inscrire en licence.

Les E2C s’avèrent être un réel tremplin pour ceux qui ont décroché du système classique, qui se sont perdus en route, après une rencontre fatidique avec un « conseiller de désorientation », comme les appelle Stéphane. À l’E2C, les enseignements sont individualisés, dispensés en petits groupes. « Si une jeune fille veut devenir coiffeuse, nous insistons plus sur les pourcentages, le rendu de la monnaie. Pour un futur mécanicien, l’apprentissage sera plus technique », précise Anne-Marie Lachal, directrice de l’E2C d’Auvergne. Le programme de base se focalise sur les fondamentaux : les maths, le français, l’informatique. Mais pas seulement. « J’apprends à faire mon CV, à écrire une lettre de motivation, à parler au téléphone. On simule même des entretiens d’embauche », raconte Emmanuelle, 22 ans, E2C de l’Essonne.

Le tableau noir banni. Il y a aussi du théâtre. L’expression scénique donne à ces jeunes le moyen de vaincre leur timidité et d’acquérir plus d’aisance à l’oral. Avec l’art de la calligraphie, ils deviennent plus soignés et consciencieux. Ils se chargent, par ailleurs, de projets « citoyens », en partenariat avec des associations. Ainsi, les stagiaires de l’E2C de Clermont-Ferrand ont rencontré des lycéens, sous l’égide de l’association Aides. Les jeunes parlent aux jeunes, et les sensibilisent aux risques du sida. Cette démarche pédagogique bannit le tableau noir. L’E2C, « ce n’est surtout pas une école bis. On ne fonctionne pas du tout comme dans le milieu scolaire. On a un statut de formateur, on n’est pas des profs », rappelle Yann, à l’E2C de Clermont-Ferrand. Ce dispositif apporte un cadre, un rythme nécessaires à une bonne hygiène de vie. « Être ici, ça m’a aidée à me structurer dans ma tête. Maintenant, je sais pourquoi je me lève le matin. Je vais donner tout ce que j’ai et ne pas lâcher », s’enthousiasme Yael, 21 ans, mère de deux enfants, de l’E2C de l’Essonne.

Plébiscitée, la formule marque des points. Depuis l’adoption, le 5 mars 2007, de la loi sur la prévention de la… délinquance, le nombre d’E2C n’a cessé de croître. Ainsi, en 2006, il y avait 22 écoles et 2 669 stagiaires. L’année suivante, on en dénombrait respectivement 35 et 3 713. « On utilise de plus en plus l’outil E2C », constate Carole Nouhen, de la mission locale de Clermont-Ferrand.

Et ce n’est pas fini. Avec la crise économique qui frappe de plein fouet les jeunes et un taux de chômage des 15-24 ans alarmant (21,2 % selon l’OCDE), ministres et secrétaires d’État, de Laurent Wauquiez à Fadela Amara en passant par Martin Hirsch, se pressent aux inaugurations d’écoles de la deuxième chance. L’État compte même mettre la main au portefeuille pour seconder les régions, compétentes en termes de formation professionnelle. Une aide globale de 28 milliards d’euros sera concédée cette année. Conditionnée toutefois par un apport, à parts égales, des conseils régionaux. L’objectif pour 2010 : arriver à 12 000 places ; puis 15 000 en 2012. Mais, avertit Yann, « si on accroît le nombre de jeunes, il faut augmenter le nombre de formateurs. Pour le moment, c’est un référent pour 12 stagiaires ».

Face à des jeunes en grande difficulté, élever ce seuil serait une hérésie, « c’est la qualité qui s’en ressentirait », ajoute-t-il. Le gouvernement rassure et promet 45 000 « contrats d’autonomie » dans les trois ans à venir. Soit 45 000 travailleurs sociaux qui iront directement à la rencontre des jeunes.

Pas d’illusions. L’erreur serait néanmoins de croire que ces structures puissent endiguer la déferlante du chômage à venir. Elles ne sauraient, à elles seules, résoudre les problèmes d’insertion et d’employabilité. En outre, leur finalité n’est pas de donner la possibilité de trouver immédiatement un emploi à la sortie mais d’acquérir les bases pour éventuellement intégrer un autre organisme de formation. Les chiffres sont d’ailleurs éloquents. En 2008, 62 % des stagiaires ont connu une « sortie positive » : vers l’emploi ou vers une formation qualifiante. Concrètement, 6 % d’entre elles ont abouti à la signature d’un CDD de plus de six mois et 6 % à un CDI. Les précaires CDD de moins de six mois représentent pas moins de 17 % des entrées sur le marché du travail. Pour ce qui est de la formation qualifiante, record battu : 18 %. Les contrats de travail en alternance représentent 13 % et les contrats aidés, 2 %. Mais, « quand vous partez de rien, les E2C, c’est déjà une perspective d’avenir », rétorque, pleine d’espoir, Fadela Amara, secrétaire d’État chargée de la Politique de la ville.

150 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans aucun diplôme ou sans qualification.

15 000 stagiaires devraient être accueillis dans les écoles de la deuxième chance en 2012, espère le gouvernement. Elles en comptent aujourd’hui moins de 6 000.

Auteur

  • Stéphanie Cachinero