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Vie des entreprises

Syndic cherche pros des RH

Vie des entreprises | Zoom | publié le : 01.09.2009 | Sabine Germain

À mesure que le marché se concentre, les entreprises de services immobiliers, qui gèrent copropriétés et locations, professionnalisent leur management. Elles ont du pain sur la planche.

Qu’un enfant se rêve plus volontiers astronaute que gestionnaire de copropriété semble dans la nature des choses. Il est en revanche plus difficile de comprendre pourquoi une profession à l’abri de la crise, qui permet à des bac + 2 expérimentés de gagner jusqu’à 5 000 euros par mois, peine autant à recruter. Les employeurs ont longtemps incriminé « les médias » et la mauvaise image qu’ils donnent de leur profession. Ils commencent toutefois à se remettre en question.

Premier indice : en 2007, Foncia, Citya, CDSI Immo de France, Loiselet & Daigremont, Sagéfrance et Sergic ont créé l’Institut international de l’immobilier (III) en partenariat avec l’ESC Pau. Objectif : proposer, en marge des formations classiques aux métiers de la transaction immobilière, des formations de niveau bachelor (bac + 2) et master (bac + 5) aux métiers de la gestion locative, de la gestion de copropriété, de la comptabilité « mandant » et de la direction d’agence. « Les jeunes diplômés continuent néanmoins à préférer la transaction à la gestion immobilière », constate Laurent Derote, manager du conseil en recrutement Hudson Immobilier & Construction.

Un secteur révolutionné

Second indice : les entreprises musclent sérieusement leurs équipes RH. Le groupe Nexity est allé chercher Sophie Audebert au sein du groupe AGF pour lui confier la gestion RH de sa filiale Lamy ; Delphine Serin a quitté le groupe Auchan pour devenir DRH de Tagerim ; Caroll Le Fur a été consultante chez Mercuri Urval avant de prendre la DRH de Foncia. Quant à Serge Déglise, fondateur et P-DG d’Oralia, il envisage sérieusement de créer un poste de DRH : avec 350 salariés, ce ne sera sans doute pas du luxe…

Cette volonté de professionnaliser le recrutement et le management découle de la concentration qui a révolutionné le secteur ces dix dernières années : fin 2005, le groupe Nexity a absorbé Lamy pour donner naissance au numéro deux du marché ; début 2007, le groupe Banque populaire a acquis le poids lourd du marché, Foncia. Parallèlement, les entreprises indépendantes (Loiselet & Daigremont, Tagerim, Oralia…) ont absorbé des petits cabinets ancrés localement pour accélérer leur montée en puissance. Ce qui explique aujourd’hui le clivage entre deux entreprises ultrastructurées, avec des process de gestion largement industrialisés (Lamy et, surtout, Foncia), et des entreprises plus artisanales, organisées en réseau d’une quinzaine d’agences de 10 à 50 salariés qui sont loin de favoriser l’implantation syndicale.

Difficile, dès lors, de s’opposer aux impératifs de productivité qui mettent à mal la proximité nécessaire entre les syndics et les propriétaires : « Les gestionnaires de copropriété sont dans une position intenable, estime Bruno Dhont, directeur général de l’Association des responsables de copropriété (qui fédère les clients des gestionnaires). Ils sont au service des copropriétaires, doivent tout faire pour que l’immeuble soit bien géré…, ce qui n’est pas simple quand ils administrent plusieurs dizaines d’immeubles et, surtout, quand ils doivent faire accepter aux copropriétaires des décisions dont ils savent pertinemment qu’elles ne sont pas dans leur intérêt. » Comme imposer des contrats de groupe pour la maintenance des ascenseurs. Bruno Dhont en est convaincu : si le turnover est aussi élevé dans la profession (jusqu’à 20 % par an), c’est parce que les gestionnaires ne se reconnaissent pas dans la déontologie de leur employeur.

Repenser missions et carrières

S’y ajoute la difficulté de proposer de véritables évolutions de carrière dans un ensemble de petites unités de gestion. « Un gestionnaire de copropriété junior voit, au fil des années, son portefeuille s’élargir, explique Delphine Serin, DRH de Tagerim. Il peut devenir directeur de copropriété, puis directeur d’agence. » Mais ce sont deux métiers qui requièrent des compétences très différentes. C’est pourquoi le groupe d’origine toulousaine repense les missions des gestionnaires et réfléchit à mieux répartir les tâches au sein du triumvirat « gestionnaire, comptable, assistant », qui restera la base de l’organisation.

Pour la profession, le chantier prioritaire reste toutefois la mise en place d’une politique salariale cohérente. « Afin de favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, nous n’hésitons plus à convoquer les assemblées générales de copropriété à 17 heures et nous sommes passés, en région parisienne, d’une reddition semestrielle à une reddition annuelle des comptes, explique Serge Déglise, P-DG d’Oralia. Le calcul est vite fait : avec une présentation des comptes semestrielle, un gestionnaire ayant 50 immeubles en portefeuille doit convoquer et animer 100 réunions par an, soit, en période de croisière, une par jour. Si ces réunions se terminent à 23 heures, il peut dire adieu à sa vie de famille. » Pour Bruno Dhont, la question pourrait être réglée très simplement : « Il suffirait de négocier une convention collective propre aux métiers des services immobiliers prévoyant une limitation hebdomadaire du nombre de réunions. Mais les employeurs n’ont jamais voulu de nouvelle convention collective. »

Il faut croire que les salariés trouvent aussi leur compte dans le flou actuel : « Chez Loiselet & Daigremont, un gestionnaire junior émarge à 23 000 euros brut annuels, explique ainsi Patrick Berzane, le DRH. Puis monte à 45 000 euros quand il est confirmé. Les plus expérimentés peuvent gagner jusqu’à 60 000 euros. À ce salaire de base s’ajoute la rémunération des AG, que nous payons en heures sup défiscalisées. Ce qui représente 400 à 500 euros en plus par mois. »

Confrontés à des difficultés de recrutement insolubles, les employeurs ont beaucoup pratiqué le débauchage, sans résister à la tentation de la surenchère salariale. Ce qui a totalement déséquilibré les grilles de salaires, certains juniors étant payés au même niveau que des seniors. « Nous devons impérativement revoir le système de commissionnement actuel, qui ne repose que sur des usages : les “rentrées d’immeuble” et les vacations pour AG nocturnes sont très bien rémunérées, alors que d’autres contraintes le sont beaucoup moins. Les rémunérations doivent favoriser l’esprit d’équipe et le sens du client », estime Delphine Serin, chez Tagerim. Ce ne sera probablement pas le chantier le plus facile…

Lamy*

4 200 salariés

850 000 lots gérés

437 millions d’euros de chiffre d’affaires*

* Ensemble du pôle services de Nexity

Tagerim Gestion

400 salariés

100 000 lots gérés

25 millions d’euros environ de chiffre d’affaires

Foncia

6 150 salariés

1 350 000 lots gérés

525 millions d’euros de chiffre d’affaires

Loiselet & Daigremont

300 salariés

110 000 lots gérés

30 millions d’euros de chiffre d’affaires

Auteur

  • Sabine Germain

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