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Marseille, côté social

La fronde chevillée au port

Marseille, côté social | Métropoles | publié le : 01.09.2009 | Éric Béal

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La fronde chevillée au port

Crédit photo Éric Béal

Par tradition, Marseille est davantage portée à la conflictualité qu’à la coopération. Un penchant qui peut compliquer le dialogue social dans les entreprises comme dans les rapports entre élus.

Blouses sans manches siglées CFDT, CGT ou FO. En juin dernier, une vingtaine de salariés d’Inter Sécurité Service tiennent une permanence autour d’une table, face aux voies, gare Saint-Charles. Cela fait plus de dix jours qu’ils ont cessé le travail et font signer une pétition pour forcer ce sous-traitant de la SNCF à verser leur salaire de mai. Même si le conflit a essaimé dans plusieurs gares de France, ces vigiles illustrent les particularités du climat social phocéen. « Coups de gueule et bras de fer », résume un observateur averti. La dernière grande grève de quarante-cinq jours de la Régie des transports de Marseille a beau dater de 2005, les grèves perlées ont perturbé le trafic des bus, trams et métros de février à avril.

Cette culture du conflit n’est pas l’apanage des acteurs sociaux. L’ancien maire Gaston Defferre a toujours refusé de s’allier à ses voisins communistes pour construire une communauté -urbaine. Ses successeurs n’ont pas plus réussi à séduire leurs voisins de droite ou de gauche. Jean-Claude Gaudin a beau appeler de ses vœux l’édification d’un Grand Marseille incorporant Aix, Aubagne, Martigues et Fos, les édiles concernés freinent des quatre fers. Résultat, la communauté urbaine Marseille Provence Métropole présidée depuis 2008 par le socialiste Eugène Caselli ne compte que 18 communes et affiche un déficit de recettes fiscales important par rapport à Lyon ou à Lille.

Pour autant, cette propension locale à la conflictualité se traduit différemment suivant les entreprises ou les institutions concernées. Fin juin, une quarantaine de salariés font irruption dans le bureau du directeur général du GPMM, le port de Marseille. Ils saccagent le mobilier à coups de haches et de barres de fer pour protester contre la mise en place de la réforme des ports. Indignation générale, mais le scénario n’est, hélas, pas nouveau. À l’inverse, la mairie se caractérise par une culture plus « cogestionnaire ». Majoritaire, FO est l’interlocutrice privilégiée de tous les maires depuis Gaston Defferre et réclame imperturbablement des embauches pour maintenir « la qualité du -service public ». Les revendications catégorielles sur les rémunérations et les conditions de travail créent des tensions, mais le nombre de grèves est très limité. Reste que les embauches à la mairie sont encore souvent réservées aux pistonnés, comme le relèvent Michel Samson et Michel Peraldi dans Gouverner Marseille (éd. La Découverte)…

En dépit d’un dialogue social plus organisé, les grandes en-treprises n’échappent pas au syndrome local. Ainsi, chez STMicro-electronics à Rousset, la CGT et la CFDT ont bloqué une chaîne de production par deux fois au cours des dix derniers mois pour appuyer une demande de prime. Côté patronal, l’antisyndicalisme a longtemps été revendiqué haut et fort. Encore aujourd’hui, certains membres de la CGPME ou de l’UPE 13, le Medef local, n’hésitent pas à affirmer qu’« il est impossible de travailler avec la CGT ».

L’absence de consensus n’est pas favorable à l’émergence d’institutions à caractère social, que ce soit pour trouver un toit ou un emploi. La métropole cosmopolite du Sud-Est ne s’illustre pas par les initiatives de ses responsables politiques en matière sociale. La ville est, en revanche, caractérisée par des réseaux informels d’entraide, notamment communautaires. « Marseille a toujours accueilli des immigrants. Les premiers installés trouvaient du travail aux compatriotes arrivés plus tardivement. Cette habitude perdure encore aujourd’hui », résume Damien Brochier, chargé de recherche au Centre d’études et de recherches sur les qualifications, délocalisé à Marseille en 1992. Le milieu associatif est très dense et réalise un gros travail d’aide sociale sur le terrain. « Lorsque les banlieues françaises ont explosé en 2007, les quartiers marseillais sont restés très calmes », note Jacques Rocca-Serra, maire adjoint chargé de l’emploi et des relations internationales.

Dans le domaine des ressources humaines, l’agglomération ne brille pas non plus par son originalité. Créée en 1987 par Pierre Bellon, fondateur du groupe Sodexo et Marseillais de naissance, l’Association Progrès du management ne compte, sur place, que neuf clubs en activité. « Lille en dénombre deux fois plus », précise Anne-Françoise Douix, sa coordinatrice régionale. Au niveau institutionnel, néanmoins, les mentalités semblent évoluer. Le succès de la candidature marseillaise au titre de capitale européenne de la culture en 2013 oblige, non sans couac, les élus du bassin d’emploi à accepter de coopérer.

Soucieux de voir Marseille profiter à plein des grands chantiers urbains en cours, les partenaires sociaux s’impatientent. « Lors des dernières municipales, l’UPE 13, la CGPME, FO, la CFTC et la CFE-CGC ont interpellé les candidats au sujet de l’absence d’un réseau unique de transports en commun, du manque de crèches et de logements », explique Stephan Brousse, le président de l’UPE 13 (voir page 53). Réélu, Jean-Claude Gaudin n’a pas toutes les réponses en main. Faute d’être le seul et vrai patron de l’agglomération phocéenne.

E.B.

Auteur

  • Éric Béal