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Enquête

Indemnités XXL contre minimum légal

Enquête | publié le : 01.06.2009 |

Le chèque-valise est perçu par les salariés comme la réparation d’une injustice. Mais grandes et petites entreprises n’ont pas les mêmes moyens de verser des surprimes.

Face à la somme qu’ils vont percevoir, les licenciés économiques ne sont pas égaux non plus. Au-delà des indemnités légales, la convention collective dont ils dépendent est un premier élément discriminant. Un employé des métiers de la boucherie, par exemple, partira, s’il a moins de dix ans d’ancienneté, avec 1/10 de son salaire mensuel par année passée dans l’entreprise, alors qu’un cadre de la presse obtiendra un mois complet. « J’ai vingt-trois ans d’ancienneté, raconte Daniel, directeur financier dans une petite mutuelle, je pars avec seulement sept mois et demi de salaire. » Mais, aujourd’hui, ce sont en fait les primes supralégales – appelées aussi primes à la valise – qui font la différence tout en alimentant une surenchère ultramédiatisée, comme on l’a vu ces derniers mois. Dans l’ordre du jour des négociations, syndicats et salariés en font un point important, voire le seul point important. Ils n’hésitent pas à placer d’emblée la barre très haut. Chez Amora, les syndicats ont commencé par réclamer 400 000 euros par personne pour une prime de préjudice qui s’élève finalement à 50 000 euros.

Dernier recours. « Il y a une certaine impuissance des salariés face à des mouvements de délocalisation, analyse le chercheur Jean-Michel Denis. Quand les conflits sont au bout du bout, les gens n’attendent plus rien si ce n’est un peu plus d’argent pour partir. L’argent est le dernier recours, c’est une nouvelle donne sur le plan syndical, dans des situations jugées comme perdues d’avance. » Le chèque-valise est aujourd’hui perçu comme la rançon d’une forme de préjudice, la réparation tangible d’une injustice sociale, quitte à ce que cette revendication prenne parfois une dimension revancharde : « J’ai trente-quatre ans de maison, je devrais partir avec 20 000 euros, s’insurge un “Conti”. À ce niveau, c’est de l’argent de poche. Il va falloir que l’entreprise paie ! »

Du côté des entreprises, l’argent peut se révéler le moyen le plus efficace de boucler un plan de départs sans faire trop de vagues. « Les grands groupes qui ont les moyens de surenchérir achètent la paix sociale et ménagent ainsi leur image », constate Rachel Beaujolin-Bellet. Le problème reste que les grands groupes – riches, qui plus est – sont minoritaires et que la grande majorité des PME n’a pas les moyens de s’aligner. Pourtant, la course à l’échalote est bel et bien lancée : « Une fois que les salariés d’un même bassin d’emploi ont fait leur propre benchmark, ils comparent et surenchérissent », explique un représentant du Medef de l’Oise. Une nouvelle forme de chantage se met ainsi en place, des deux côtés de la barrière, d’ailleurs. Ainsi, la direction de La Barre Thomas, sous-traitant automobile breton, proposait une prime de 7 000 euros à ceux qui acceptaient de partir avant le 28 février…

Chez C & K (composants électroniques), les candidats au départ s’en vont avec 25 000 à 30 000 euros.

Chez Loxam (sous-traitant automobile), dans le cadre d’une rupture conventionnelle, les salariés qui partent touchent 2 000 euros.

Ce qu’on voulait, c’est garder notre emploi, affirment les délégués syndicaux. Le pognon nous intéressait pas ! » Après trois mois de « bras de fer » avec la direction, l’intersyndicale est parvenue à tripler les indemnités supraconventionnelles. Au-delà de vingt ans d’ancienneté, les salariés partiront avec 50 000 euros. Si la production reprend jusqu’à fin juillet, ils toucheront également une « prime de bonne fin » de 2 500 euros.