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Les exonérations de charges dans le collimateur

Dossier | publié le : 01.06.2009 | M. D.

Contrepartie de leur caractère solidaire, les allégements de charges sur les contrats collectifs sont à nouveau l’objet de polémiques. Coûteux pour la Sécu, inéquitable, ce mécanisme pénalise certaines mutuelles.

Les exonérations de charges sociales et fiscales attachées aux contrats collectifs obligatoires sont régulièrement pointées du doigt. Cette fois, la polémique sur leur bien-fondé est repartie de plus belle à la faveur du rapport 2008 de la Cour des comptes, qui a chiffré le manque à gagner pour la Sécurité sociale : les aides attribuées aux couvertures complémentaires santé représentent 7 milliards d’euros, dont presque 5 milliards pour les seuls contrats collectifs obligatoires. Si Éric Woerth, le ministre du Budget des Comptes publics, dans sa présentation du PLFSS 2009, a ramené ce montant à 3,1 milliards d’euros, la légitimité de ces exonérations n’en est pas moins remise en cause. L’épilogue du feuilleton juridique autour de l’article 4 de la loi Évin, avec l’arrêt de la cour d’appel de Lyon en janvier qui a définitivement sanctionné l’application laxiste des assureurs complémentaires faisant du collectif (lire LSM n° 99), a enfoncé le clou… dans la droite ligne du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, qui avait rappelé en 2005 que la légitimité du statut social et fiscal des contrats d’entreprise était liée à leur caractère solidaire, notamment envers les retraités et les chômeurs.

Crédit d’impôt. Est-ce un nouvel empiétement des institutions de prévoyance et des assureurs sur les plates-bandes mutualistes ? Les avis sont partagés. Alors que certains craignent de voir les contrats collectifs sortir des frontières du contrat de travail, Daniel Lenoir, directeur général de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF), veut croire que les mutuelles, championnes de la mutualisation, ont toutes les armes pour rebondir. Reste que la FNMF a ressorti des cartons, en vue de son prochain congrès (du 4 au 6 juin 2009), sa proposition d’un crédit d’impôt pour tous les contrats, en substitution du système d’exonérations actuel. « Il faut harmoniser le système d’aides aux couvertures complémentaires santé, c’est une question d’équité, argumente Daniel Lenoir. Les effets combinés de la loi Fillon et des normes IFRS [normes internationales d’information financière] ont abouti à une concentration des aides à la complémentaire sur certaines populations. »

Par définition, les contrats collectifs obligatoires, concernant avant tout les salariés des moyennes et grandes entreprises, couvrent surtout les actifs du privé, entre 30 et 60 ans, en contrat à durée indéterminée et bien souvent cadres. Reste qu’il faut relativiser le caractère inéquitable des exonérations, selon Mathias Matallah, du cabinet Jalma. « La vraie inégalité réside dans la participation de l’employeur dans le privé, dont ne bénéficient pas les fonctionnaires et peu les salariés de PME. En outre, pourquoi les retraités, qui contribuent seulement à un cinquième de leurs dépenses, devraient-ils bénéficier d’avantages fiscaux ? » Chez les assureurs, on se contente de dénoncer la tentation hégémonique des mutuelles sur le marché de la santé. Si les mutuelles conservent 57 % du marché de la santé, leur part a reculé ces sept dernières années, au bénéfice des sociétés d’assurance, alors que les institutions de prévoyance résistent mieux, avec même un redressement notable depuis 2007, d’après les chiffres du Fonds CMU.

La mise en œuvre de la loi Fillon relative aux contrats collectifs et obligatoires, qui a conduit certaines entreprises à transformer leur couverture facultative en contrat obligatoire – quitte à repasser des appels d’offres –, a effectivement privé les mutuelles de certains marchés. Du côté de l’Association diversité et proximité mutualiste (ADPM), on refuse le tout-collectif dans l’entreprise, qui pénalise les petites et moyennes mutuelles. Dans une lettre au président de la République début 2008, l’ADPM a demandé que le système d’exonérations actuel soit étendu et assoupli pour que les adhérents de contrats individuels bénéficient d’une déductibilité du revenu des cotisations santé, mais aussi que les PME aient la possibilité de mettre en œuvre une aide directe à l’acquisition d’une complémentaire santé par leur salarié, déduite du montant de leurs charges. Sans succès. Elle a donc porté plainte devant la Commission européenne contre ces aides favorisant les assureurs complémentaires proposant des contrats collectifs obligatoires en santé. Quant aux mutuelles de fonctionnaires, elles déplorent une hémorragie de leurs adhérents en lien avec la loi Fillon. « Le dispositif défavorise clairement les mutuelles qui font de l’individuel », vitupère Jean-Pierre Moreau, président de la Mutuelle nationale territoriale (MNT). Nombre de conjoints de salariés du privé sous couverture obligatoire ont en effet préféré résilier leur contrat santé individuel –  ce qui représente 2 000 à 3 000 résiliations par an à la MGEN, contre 200 000 en tout à ce jour à la MNT. Une distorsion de concurrence d’autant plus déloyale quand elle s’exerce entre mutualistes que, selon Jean-Pierre Moreau, « le collectif, qui se négocie entre l’opérateur et l’employeur, va à l’encontre de la démocratie mutualiste, incarnée lors du vote en assemblée générale par l’axiome un homme = une voix ».

Une population mieux couverte. La réaction des partisans du collectif ne s’est pas fait attendre. « La FNMF se doit de défendre les exonérations dont bénéficient les contrats collectifs obligatoires, déjà mis à mal par l’article 4 de la loi Évin et l’article 14 de l’ANI, sans compter la crise », s’insurge François Desportes, directeur général de la mutuelle Mieux-Être. Selon lui, la proposition de la Mutualité risque de donner l’occasion au gouvernement de revenir sur les exonérations ou de baisser le plafonnement actuel –  une façon de présenter l’opération comme une mesure sociale. « Ces exonérations sont la contrepartie du caractère obligatoire des contrats collectifs, qui vise à une meilleure couverture de la population en assurance santé », souligne Jean-Louis Faure, délégué général du Centre technique des institutions de prévoyance, rappelant que cela conduit à une mutualisation plus large permettant aux contrats d’entreprise d’être en moyenne moins chers de 20 à 30 % par rapport aux contrats individuels. « Le coût des exonérations – et le gain que représenterait leur suppression – doit être relativisé », dit-il, car, en l’absence d’allégement de charges sociales, les employeurs verseraient probablement des sommes moins importantes à leurs salariés de manière que la charge sociale brute soit équivalente. Alain Rouché, directeur santé à la Fédération française des sociétés d’assurances, renchérit : « Si la Sécu devait assumer les garanties offertes par ces contrats, le financement public qui en résulterait serait bien supérieur au montant des exonérations. »

Auteur

  • M. D.