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LYON Une tradition sociale aujourd’hui menacée

Côté social | publié le : 01.06.2009 | S.B.

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LYON Une tradition sociale aujourd’hui menacée

Crédit photo S.B.

Berceau de la pensée humaniste, Lyon cultive le dialogue plus que la conflictualité. Une pratique de plus en plus mise à mal par l’internationalisation de l’économie locale.

Indécrottables traminots ! Fin avril, à l’occasion de l’inauguration de la ligne de tramway reliant le plateau des Minguettes (à Vénissieux) au 8e arrondissement de Lyon, les salariés des Transports en commun lyonnais (TCL) ont lancé leur énième mouvement de grève. Histoire de peser sur l’explosive renégociation de leur statut social. Réputée pour sa conflictualité, la filiale de Keolis fait néanmoins figure d’exception dans la métropole rhodanienne. Berceau de la pensée sociale et humaniste, nourrie au biberon du catholicisme social et des écrits du comte de Saint-Simon et de Charles Fourier, l’agglomération se distingue par sa modération et son sens du dialogue. La force de son capitalisme familial, incarné par un patronat chrétien et paternaliste, la rapproche du modèle lillois. L’anti-Marseille, en quelque sorte.

Fort de cet esprit progressiste, Lyon a vu naître quantité d’institutions à caractère social. Premières mutuelles, premières caisses d’épargne, premiers conseils de prud’hommes… Sans oublier les ONG, tels Handicap International ou Bioforce, et les associations, comme Habitat et Humanisme. Dans le domaine des ressources humaines aussi, la métropole a innové. La première agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail, Aravis, y a vu le jour voilà vingt ans. Et l’association nationale, l’Anact, y a d’ailleurs son siège. « C’est assez significatif de cette culture régionale de la concertation et du dialogue social », note le directeur d’Aravis, Laurent Balas. Autre naissance, d’origine patronale cette fois, celle d’Entreprise & Personnel, en 1969. « L’initiative en revient à quelques DRH avant-gardistes, ceux de Berliet, Merlin Gerin et BSN, qui voulaient comprendre les signaux faibles traversant la société française », précise Martine Le Boulaire, directrice du bureau lyonnais d’Entreprise & Personnel.

Les institutions ne sont pas en reste. Du conseil régional à la communauté d’agglomération du Grand Lyon, de nombreuses instances et commissions favorisent les échanges entre patronat, syndicats et décideurs publics. « Sur les questions économiques, d’emploi ou de formation, il y a au conseil régional une vraie volonté politique de coconstruction », reconnaît Bruno Bouvier, leader de la CGT rhônalpine. Signe de la maturité des acteurs locaux, les organisations syndicales travaillent entre elles en bonne intelligence. Et sont, aussi, capables de dialoguer avec le patronat lyonnais, au sein duquel la CGPME du charismatique François Turcas, candidat UMP lors des dernières municipales, pèse plus que le Medef. Des chefs d’entreprise qui, toutes couleurs confondues, coopèrent sans heurt avec le maire socialiste, Gérard Collomb.

SEB, Renault Trucks, BioMérieux, Boiron… La métropole rhodanienne peut compter sur quelques entreprises emblématiques pour porter des politiques sociales et RH innovantes et haut de gamme. Mais cette culture humaniste se perd. La faute à la globalisation. « La plupart des entreprises très enracinées localement se sont fondues dans des groupes internationaux », analyse le consultant Luc Chaize. « L’évolution de l’économie met à mal cette tradition. Les patrons ne sont plus forcément lyonnais », abonde Pierre Héritier, fondateur du laboratoire social Lasaire, installé à Saint-Étienne. Malgré ses cinq pôles de compétitivité et son activité économique très diversifiée, le Grand Lyon abrite très peu de centres de décision stratégique. Rhône-Poulenc, Pasteur Mérieux, RVI, Jet Services, Lipha… La liste est longue des entreprises historiques qui, au gré des réorganisations capitalistiques, ont perdu tout ou partie de leur autonomie. Et donc de leur identité.

Ce que confirment les prestataires RH. Pourtant rhônalpin, le cabinet Ariane Conseil, spécialisé dans l’emploi des travailleurs handicapés, traite davantage avec des sièges sociaux parisiens qu’avec des décideurs lyonnais. Idem pour BLConsultants, positionné sur le conseil en management de haut niveau. « Le Grand Lyon ne représente plus que 20 % de notre chiffre d’affaires. On réalise la majorité de nos missions à Paris ou en Europe », confie son directeur, Jean Brunet-Lecomte, ancien président des Entrepreneurs et dirigeants chrétiens (EDC). Résultat, les spécificités lyonnaises s’effritent à mesure que l’activité économique de la métropole s’internationalise. Le prix à payer, sans doute, pour espérer rivaliser économiquement – et pas seulement footballistiquement – avec Milan ou Barcelone.

57 communes

1 300 000 habitants

Taux de chômage fin 2008 (Rhône) : 7 %

Source : Insee.

Auteur

  • S.B.