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Côté social

Les valeurs sûres des RH manquent de sang neuf

Côté social | Management | publié le : 01.06.2009 | S. B.

Industrie pharmaceutique et métallurgie concentrent les entreprises lyonnaises emblématiques en matière de RH. Des sociétés qui, crise oblige, se serrent parfois la ceinture.

Attention, espèce menacée ! À Lyon, les entreprises qui innovent sur le plan des ressources humaines ont tendance à se raréfier. Faute de renouvellement du côté du secteur tertiaire. Avec ou sans son fondateur, Bruno Bonnell, l’éditeur de jeux vidéo Infogrames, ne s’est jamais distingué par ses politiques RH. Pas plus que le médiatique Jean-Michel Aulas n’a fait de Cegid une vitrine du social. Résultat : depuis l’éclatement de Rhône-Poulenc, l’innovation RH lyonnaise reste l’apanage d’une poignée d’entreprises, issues de l’industrie pharmaceutique et de la métallurgie.

Renault Trucks Le leader menacé

Le constructeur de camions reste le premier employeur privé du Grand Lyon, avec 5 150 salariés à Vénissieux et Saint-Priest. Des cols blancs, pour l’essentiel, qui conçoivent les moteurs « propres » du futur. Côté production, l’établissement lyonnais ne compte plus qu’un millier d’ouvriers, qui font de l’assemblage. Ou plutôt faisaient. Car la filiale de Volvo travaille actuellement au ralenti, pour cause d’effondrement du carnet de commandes. Cette année, la direction a prévu pas moins de 120 jours de chômage partiel. Un retournement très brutal : en 2008, le constructeur avait réalisé… une année historique ! Et donc versé, en participation et intéressement, près de deux mois de salaire à ses 10 500 salariés français.

Changement de décor total aujourd’hui. « Nous sommes lancés dans une opération survie, marquée par deux choix stratégiques majeurs : l’absence de plan social et le maintien des investissements en R & D », confie Gérard Amiel, DRH groupe. Réputé pour sa politique sociale haut de gamme, notamment en matière de conditions de travail, Renault Trucks a conclu, en février, un accord unanime améliorant l’indemnisation du chômage partiel. Un texte dont le constructeur automobile Renault s’est ensuite inspiré. Dans les usines de l’ex-Berliet, on croise les doigts pour que le marché reparte en 2010. Sinon, il y aura de la casse pour l’emploi…

Boiron Trente ans de chouchoutage

Le spécialiste de l’homéopathie fête cette année le trentième anniversaire de son accord social phare. Un texte qui définit les modalités d’intéressement du personnel aux gains de productivité. « C’est la pierre angulaire de notre édifice social. Il fixe le montant de l’enveloppe disponible pour augmenter les salaires et financer les innovations sociales », explique Emmanuel Blanc, DRH France. En 2008 et 2009, priorité aux rémunérations : les 2 800 salariés français, dont 1 100 travaillent à Sainte-Foy-lès-Lyon et Messimy, ont bénéficié de 4 % d’augmentation générale…

Horaires individualisés, retraite progressive, partage des résultats… Il fait bon travailler pour Christian Boiron, le président emblématique, qui répète à l’envi que « le social et l’économique sont indissociables et non hiérarchisables ». Une vision humaniste mais pas philanthropique. À la suite de l’absorption, en 2005, de son concurrent Dolisos, l’entreprise a remonté à deux cent treize jours son forfait pour les cadres, soit neuf jours supplémentaires. Cette année, Boiron a aussi revu à la baisse son système de préretraite progressive maison. En échange d’un Perco abondé.

Aldes De l’humanisme dans la ventilation

L’Atelier lyonnais d’emboutissage spécial (Aldes) a gardé son acronyme mais changé de métier. Créée en 1925 par le grand-père de l’actuel DG délégué, Stanislas Lacroix, l’entreprise s’est spécialisée dans la ventilation et la climatisation. Détenue à 100 % par ses fondateurs, cette grosse PME (1 266 salariés dont 823 en France) sise à Vénissieux incarne parfaitement le capitalisme à la lyonnaise : respect des hommes et paternalisme éclairé. En témoigne l’accord triennal 2009-2011 qui, conclu « dans un but d’harmonie sociale constructive », décline les grandes politiques de ressources humaines que la maison mène pour allier performance économique et « épanouissement » des troupes.

Parmi les principes forts, le maintien du pouvoir d’achat. « Lorsque le résultat courant est positif, on revalorise les salaires de base de tous les collaborateurs, dirigeants inclus, du montant de l’inflation », précise le DRH, José Félix. Une garantie qui n’a pas joué au début des années 2000, quand l’entreprise, malmenée par le rachat imprudent d’un fournisseur, a tangué. Autre mécanisme, la redistribution aux salariés de 10 % du résultat courant. Sur un mode totalement égalitaire : à temps de travail équivalent, cadres et ouvriers touchent la même somme.

BioMérieux Des fusions mais pas d’esbroufe

Quinze salariés en 1963, plus de 6 000 aujourd’hui, répartis dans 39 filiales et 150 pays… Le spécialiste du diagnostic biologique a bien grossi, à coups de fusions-acquisitions. « Certains membres du comité de direction ont aussi un bureau à Boston. Mais l’entreprise reste fortement attachée à ses racines régionales », assure Éric Bouvier, DRH groupe. Toujours présidé par Alain Mérieux, figure tutélaire du patronat lyonnais, le groupe emploie 2 500 salariés sur quatre sites rhônalpins, dont son siège de Marcy-l’Étoile.

Partage des bénéfices, bonus sur objectifs, protection sociale de haut vol… L’entreprise jouit d’une solide réputation RH. Sans verser dans la folie des grandeurs. Ici, pas de stock-options ni de programme massif d’actions gratuites… « On ne fait pas d’esbroufe. La société est gérée de façon extrêmement rigoureuse », insiste le DRH. L’entreprise, qui lance un nouveau plan mondial d’actionnariat salarié, œuvre à la globalisation de ses politiques RH. Parmi les cibles prioritaires : la formation. À l’automne, tous les collaborateurs ont ainsi suivi des sessions dédiées au management de la performance.

Groupe SEB Un socle social en construction

Le Groupe SEB fait partie des très rares multinationales (19 000 salariés) disposant d’un QG rhodanien, à Écully. Et tant pis si son acronyme signifie Société d’emboutissage de… Bourgogne ; et si la famille Lescure, détentrice de 43 % du capital, réside à Genève… Avec plus de 3 500 salariés dans la région, dont 700 dans l’agglomération lyonnaise, le spécialiste de l’électroménager pèse lourd dans l’emploi local. Et sait partager. L’an dernier, ses 6 000 collaborateurs français ont reçu pas loin de trois mois en intéressement et participation. « Philosophiquement, l’entreprise a toujours fait le choix d’associer les salariés aux fruits de la croissance », souligne Harry Touret, DRH groupe.

Simple holding voilà dix ans, la multinationale s’est évertuée, depuis, à bâtir un socle social commun à toutes ses sociétés (Calor, Moulinex, Tefal…). Respectueuse de ses troupes, elle n’hésite pas, néanmoins, à s’en séparer si son modèle économique l’impose. Entre 2006 et 2008, SEB a ainsi fermé trois sites dans l’Hexagone (890 postes supprimés), en mettant le paquet pour reclasser les salariés et réindustrialiser les territoires. « Notre devoir n’est pas de garantir l’emploi à vie mais l’employabilité », insiste Harry Touret. Bonne nouvelle, le groupe encaisse plutôt bien la crise, avec une baisse des ventes limitée à 5 % au premier trimestre 2009.

CLASSEMENT DES DIX PREMIERS EMPLOYEURS

1 LA POSTE 7 800 salariés

2 RENAULT TRUCKS 5 150 salariés

3 KEOLIS 4 300 salariés

4 SANOFI-AVENTIS 4 200 salariés

5 CRÉDIT AGRICOLE 3 000 salariés

6 AREVA 2 200 salariés

7 RHODIA 2 000 salariés

8 BIOMÉRIEUX 1 950 salariés

9 JTEKT 1 900 salariés

10 LYONNAISE DE BANQUE 1 000 salariés

Des clubs de DRH plus ou moins fermés

Trop de prestataires, pas assez de pairs… À Lyon, l’ANDRH ne fait pas le plein des voix parmi les directeurs des ressources humaines du cru. Un petit comité de quelques dizaines de dirigeants, où tout le monde se connaît peu ou prou. « Les DRH lyonnais changent de boutique, pas de région. La logique familiale prend souvent le pas sur la carrière », observe José Félix, DRH d’Aldes. Pour échanger, réfléchir, « réseauter », les professionnels des RH fréquentent d’abord leur syndicat professionnel. La Métallurgie rhodanienne anime, par exemple, un cercle RH d’une quinzaine de membres issus de Renault Trucks, Bosch, Aldes, Areva ou Fagor. Dans le secteur de la santé, l’Association des fabricants de l’industrie pharmaceutique de Rhône-Alpes (Afipral) fait de même.

Hors de leur branche, les DRH se retrouvent dans des structures moins officielles. Dans les bureaux d’Entreprise & Personnel, par exemple, pour peu que leur entreprise soit membre de l’association dirigée, à Lyon, par Martine Le Boulaire. Au siège du cabinet de conseil en management Algoé aussi, qui fait vivre un cercle de DRH animé par son senior manager Gilles Amiet. Dans l’un des deux groupes montés par le consultant Luc Chaize, enfin. « On n’y travaille pas sur des dossiers techniques. Ce sont des lieux de développement professionnel où les DRH posent leurs valises », précise le consultant, dont les adeptes se recrutent à la Lyonnaise de banque, Merck Serono, Adecco ou Sanofi.

Plus difficile à répertorier, enfin, les cercles informels d’échanges qui, recrutant par cooptation et bouche-à-oreille, ne font aucune promotion. Parmi ceux-ci, le Club des DRH de Rhône-Alpes. Une association montée voilà huit ans par Pascal Montagnon, DRH groupe de GL Events, réservée aux « numéros un » de la fonction, qui compterait une trentaine de membres, dont BioMérieux et Rhodia. Des infos difficiles à vérifier. « Ça marche par cooptation, on ne communique pas. C’est à la fois très amical et très sérieux », confie l’ancien président de la commission sociale du Medef rhodanien. Une discrétion typiquement lyonnaise…

Auteur

  • S. B.