Baisse des donations, des revenus d’investissement et des dotations de l’État… Les prestigieuses universités sont en manque de fonds.
Charles B. Reed, le président de The California State University (CSU), a eu beau insister sur le rôle crucial de l’université dans la formation de forces vives pour redresser l’économie de l’État, rien n’y a fait… Pour la deuxième année consécutive, la Californie a réduit le budget alloué à l’université publique. Moins 600 millions de dollars entre la rentrée 2008 et la rentrée 2010 sur un budget total (pour les deux années) de 9,3 milliards de dollars. Or, avec 23 campus, environ 450 000 étudiants et 47 000 personnels enseignants et administratifs, CSU est le plus grand réseau universitaire de tout le pays. Les deux tiers de son budget dépendent de l’État dirigé par Arnold Schwarzenegger. La prestigieuse université publique University of California, Los Angeles (UCLA) ne se porte guère mieux. Pour elle aussi, la part allouée par la Californie est revue à la baisse : – 70 millions de dollars entre 2008 et 2010. Même si, sur un budget de 4,2 milliards de dollars, l’État ne participe qu’à hauteur de 15 %, cette part finance les salaires des enseignants et les infrastructures. Sans eux, de nombreux programmes de recherche doivent être interrompus.
Le budget des universités américaines repose en partie sur les revenus d’investissement. Celui de CSU a chuté de 40 % cette année. L’université a dû vendre à Wall Street 470 millions de dollars d’obligations sur trente ans à un taux de 5,4 %. « C’est ce que nous avons pu faire de mieux », s’excuse presque Charles B. Reed. L’université la plus riche du monde n’est pas épargnée… Les choix d’investissement de Harvard (Massachusetts) ont longtemps été vus comme un modèle du genre car très diversifiés… Les forêts, le gaz et le pétrole ont permis à l’établissement privé de prospérer malgré les difficultés des marchés financiers. Ses réserves étaient valorisées à près de 37 milliards de dollars au 1er juillet 2008. En juin prochain, elles devraient avoir perdu environ 30 % de leur valeur. Or un tiers du budget de Harvard repose sur les produits de ces réserves ! Celui de Princeton (New Jersey) a baissé de 11 % en 2008 et l’université prévoit une chute de 25 % pour 2009. C’est là toute la limite du système des universités privées. Là où les budgets des institutions publiques dépendent des financements d’État et des frais d’inscription et de scolarité, ceux des universités privées dépendent parfois à 50 % de la santé des marchés…
Dons en berne. Les donations, récoltées grâce à des levées de fonds quasi permanentes, représentent un autre pilier du budget des universités publiques et privées. Depuis septembre, les fondations réduisent le montant de leurs dons et de nombreux particuliers suspendent leurs versements en attendant des jours meilleurs. Même les anciens élèves (alumni), traditionnellement généreux envers l’université qui leur a permis de réussir, donnent moins. Les levées de fonds ont rapporté 481 millions de dollars à l’UCLA en 2008. Son porte-parole, Phil Hampton, affirme que le nombre de dons est inchangé cette année mais que leur montant a chuté. Objectif : lever 425 millions de dollars en 2009.
Avec la crise, les universités reçoivent de plus en plus de demandes d’aide financière venant d’élèves de classe moyenne. Malgré des budgets réduits, les universités tentent de maintenir, voire d’augmenter le nombre de boursiers. À l’UCLA, 60 % des étudiants reçoivent déjà une aide. « Jusqu’à présent, mes parents m’aidaient financièrement en payant mon abonnement de téléphone portable et l’assurance de ma voiture. Mais mon père est conseiller financier et il connaît de grosses difficultés. J’ai déjà droit à un prêt à taux zéro à l’UCLA de 12 000 dollars sur neuf mois mais je suis venue en demander un autre, cette fois avec taux d’intérêt, car je n’ai pas le choix », explique Fiona, étudiante en PhD éducation. Sur le campus, une équipe de crise a été constituée en janvier pour identifier tout étudiant en difficulté et lui fournir des bons d’alimentation ou encore des prêts à court terme à des taux préférentiels.
Afin de compenser ces restrictions budgétaires, les universités vont augmenter leurs frais d’inscription et de scolarité à la rentrée prochaine… + 10 % à CSU, + 9,3 % à l’UCLA, la plus forte hausse jamais appliquée sur le campus. Dans les universités privées, où les frais sont déjà très élevés, la note sera moins salée : + 2,9 % à Princeton, la plus faible depuis 1966, car l’université dit préférer couper dans ses dépenses « plutôt que de faire porter ce fardeau aux familles », explique la présidente, Shirley M. Tilghman.
Embauches gelées. Chaque établissement tente de trouver une solution… De nombreux chantiers de construction ont dû être brusquement abandonnés faute de financement. Stanford doit réduire son budget (800 millions de dollars) de 15 % l’an prochain. À la rentrée 2009, CSU va accueillir 10 000 étudiants de première année de moins. À l’instar de CSU et de l’UCLA, de nombreuses institutions ont demandé à leurs professeurs de réduire leurs déplacements. C’est le cas de Stanford. Quant à l’université privée de Cornell (État de New York), elle a gelé les embauches de personnel enseignant et administratif. À CSU, plusieurs centaines d’emplois de secrétaires, de techniciens, de bibliothécaires sont laissés vacants. Les salaires des dirigeants sont bloqués. « Les professeurs assistants (teaching assistants) et les professeurs vacataires (lecturers) seront les premiers touchés par les coupes, explique une responsable de département à l’UCLA. Nous allons nous séparer de ceux qui ont un autre emploi à côté. Comme nous aurons moins d’enseignants pour donner les cours mais aussi pour faire passer les examens et les corriger, les contrôles ne seront plus que des QCM et nous aurons une machine qui corrigera les copies. La qualité sera évidemment diminuée. Or, si tous les salaires de tout le personnel de l’université étaient réduits de 1 %, nous ne supprimerions aucun poste. Mais les professeurs titulaires sont intouchables, donc les coupes ne se font que sur les vacataires, les administratifs et les factures (électricité, chauffage, eau…). »
Professeur de communication titulaire à l’UCLA, Tim Groeling ressent les coupes de manière indirecte. « Nos classes sont plus chargées, parfois plus de 300 élèves, car les professeurs vacataires sont moins nombreux. Par ailleurs, nous devons maintenant cotiser à notre plan de retraite alors que, jusqu’à présent, seul l’employeur cotisait. Mais je préfère largement travailler ici et être dans ma situation que de travailler à General Motors ! »
L’éducation est l’une des priorités du plan de relance de Barack Obama. Les universités espèrent un vrai coup de pouce du gouvernement fédéral. Le plan prévoit une hausse du financement des Pell Grants, des bourses pour les étudiants le plus en difficulté. Il va aussi permettre d’étendre le nombre d’élèves éligibles aux programmes de travail étudiant. Des fonds sont également attendus pour des programmes de recherche laissés en suspens. Mais les dirigeants des universités misent surtout sur une amélioration des marchés de l’immobilier et de l’emploi.