Depuis le début des années 70, nous avons cessé de vivre sous le signe du progrès social. Cette grande transformation constitue la trame du livre de Robert Castel. Le salarié est désormais confronté à un monde où l’avenir est de plus en plus incertain. Cette mutation a fait exploser le compromis social sur lequel s’était bâti le capitalisme industriel. Depuis une bonne trentaine d’années, nous sommes entrés dans un autre univers, dans lequel l’incertitude augmente de manière virtuellement exponentielle, « parce que les régulations collectives font défaut pour maîtriser tous les aléas de l’existence ». L’État social lui-même, obligé de réduire son champ d’intervention, n’est plus capable de contrôler ces incertitudes. Une telle situation met l’ensemble du salariat en danger et explique peut-être les formes d’action désespérées qui ont fait leur réapparition avec la crise. Comment et pourquoi en est-on arrivé là ? C’est l’objet des textes réunis dans cet ouvrage. Les uns décrivent le processus de dérégulation du travail et la remise en cause rampante du droit du travail, la précarisation de la jeunesse, ou l’ébranlement du modèle d’intégration porté par l’État social. Les autres explorent le thème de la « désaffiliation », développé ici sous forme métaphorique. Robert Castel revient, pour finir, sur un autre concept qu’il a contribué à populariser, celui de propriété sociale, en montrant à l’inverse le tragique de la condition de « l’individu hypermoderne », avec l’émergence des deux figures de « l’individu par défaut », dont l’illustration extrême est le SDF, et « l’individu par excès », comme le sont devenus certains traders, détachés du reste du corps social. Avec les conséquences que l’on découvre aujourd’hui.