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Enquête

Le droit du travail à la carte divise les syndicats

Enquête | publié le : 01.05.2009 |

Le recours croissant au volontariat interpelle l’action collective. Deux analyses du phénomène et de ses conséquences sur la négociation collective et sur le rôle des syndicats.

MARYSE DUMAS Secrétaire confédérale de la CGT

“Le volontariat banalise les atteintes au Code du travail”

Que vous inspire le recours croissant au volontariat ?

Le volontariat est le moyen employé pour banaliser les atteintes aux protections collectives contenues dans le Code du travail. Lequel est présenté comme le seul obstacle à la liberté des salariés, alors qu’il la garantit. C’est une imposture.

Mais certains salariés sont « volontaires » pour faire des heures sup ou travailler le dimanche…

Les salariés aspirent surtout à un meilleur salaire, or on assiste à un tassement des grilles salariales. La majorité des salariés au smic le resteront jusqu’à leur retraite. Ils prennent donc les solutions à portée de main pour améliorer leur niveau de vie. De plus, le prétendu volontariat des uns a souvent des répercussions sur l’organisation du travail des autres.

Vous semblez refuser la réalité d’une poussée de l’individualisme chez les salariés ?

Au contraire. L’aspiration des salariés à être reconnus et valorisés pour leur apport personnel est légitime. Mais cela suppose des garanties collectives afin que les aspirations individuelles ne se transforment pas en concurrence exacerbée. Quelle marge pour un volontariat réel à travailler jusqu’à 70 ans quand les annuités nécessaires pour une retraite complète ne cessent de s’allonger, que la pénibilité des conditions de travail n’est toujours pas prise en compte et que les entreprises se débarrassent de leurs seniors à la moindre occasion ?

Assiste-t-on à un recul de la négociation collective ?

Oui. Les lois Aubry avaient suscité une multiplication des accords et des adhésions syndicales. Il n’y a pas eu de phénomène équivalent après la loi du 20 août 2008 qui autorise un employeur à signer directement un accord modifiant le forfait jours d’un cadre en l’absence d’un accord collectif.

Que devient le rôle des syndicats dans ce contexte ?

Il est toujours de se battre pour améliorer le socle des garanties collectives et interprofessionnelles afin de permettre une reconnaissance des droits de l’individu au travail. Mais le contenu des propositions syndicales doit évoluer. C’est le sens de notre proposition de sécurité sociale professionnelle.

MARCEL GRIGNARD Secrétaire national de la CFDT

“Il est normal que les espaces de choix se développent”

Le recours au volontariat des salariés se développe. Est-ce une tendance inéluctable ?

C’est une conséquence de l’individualisation des relations de travail, qui accompagne depuis trente ans l’évolution des organisations et des technologies. Cette individualisation percute certaines règles collectives qui ne répondent plus à la diversité des situations individuelles et des aspirations. En ce sens, le développement d’espaces de choix pour les salariés et de situations de volontariat apparaît normal.

Est-ce un progrès ou une régression ?

C’est un progrès, lorsque le recours au volontariat autorise un choix individuel là où il n’y en avait pas. Le salarié n’est-il pas le mieux placé pour décider de son âge de départ à la retraite ? Lui seul peut arbitrer entre ses besoins financiers et l’occupation de son temps. En revanche, en matière d’heures supplémentaires, le choix individuel non seulement risque de toucher le travail des autres salariés, mais il est biaisé. La relation de gré à gré ne s’effectue pas sur une base égalitaire : c’est l’employeur qui autorise ou non le surplus d’heures. L’exercice de la liberté individuelle ne doit pas porter préjudice à l’individu ni générer de contraintes pour l’environnement ou remettre en cause les garanties collectives.

L’espace de la négociation collective ne s’en trouve-t-il pas réduit ?

C’est certain. Mais une négociation collective qui produirait un droit uniforme pour tous ne remplit pas, non plus, son rôle dans la société actuelle. Aujourd’hui, l’objectif de la garantie collective est d’assurer un cadre permettant l’autonomie de chacun. C’est pourquoi la CFDT a soutenu la création de la rupture conventionnelle. Il fallait s’adapter : 90 % des ruptures de CDI se faisaient hors Code du travail. Avec cette rupture d’un commun accord, un cadre précis de garanties est créé sans amputer le choix individuel.

Cela modifie-t-il le rôle des syndicats ?

Cette évolution n’est pas facile pour les syndicats français, très attachés à la primauté de la défense collective. Ils sont en retard dans la prise en compte de ces choix individuels.