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Idées

Quel est l’impact de la réforme de l’Inspection du travail ?

Idées | Débat | publié le : 01.04.2009 |

Fusion des services de l’Inspection, mise en œuvre d’un plan de modernisation avec des effectifs supplémentaires, création des nouvelles directions régionales… Ces réformes d’ampleur seront-elles bénéfiques à l’Inspection du travail ? Les réponses du directeur général du Travail, de la porte-parole de l’association L611-10 et du secrétaire national d’un syndicat catégoriel.

Jean-Denis Combrexelle Directeur général du Travail

La mission fondamentale de l’Inspection du travail est de contribuer à l’application du droit du travail. La permanence de cette mission implique une réflexion continue sur les conditions dans lesquelles elle est exercée et une adaptation de l’organisation et des modes d’intervention. L’évolution très forte du contexte économique et social a amené l’État à affirmer une politique du travail sur tous les aspects de la relation de travail : relations individuelles, collectives, rémunération, santé et sécurité au travail, lutte contre le travail illégal sous toutes ses formes, avec un objectif central : l’effectivité du droit. En 2006, le plan de modernisation et de développement de l’Inspection du travail, engagé au terme d’une consultation très large et approfondie des agents, de leurs représentants et des confédérations syndicales, a souligné le caractère généraliste et territorial de l’Inspection du travail tout en en renforçant les moyens. Entre 2007 et 2009, ce sont au total 540 postes d’agents de contrôle qui ont été créés dans un contexte pourtant marqué par la diminution du nombre de fonctionnaires.

La mise en place d’une ligne hiérarchique claire conjuguant pilotage et appui aux agents de contrôle se concrétise par la création en 2006 de la Direction générale du travail, autorité centrale de l’Inspection du travail au sens des conventions internationales du travail, ainsi que du Conseil national de l’Inspection du travail, organe consultatif qui conforte les garanties accordées aux agents dans l’exercice de leur mission. La recherche d’un équilibre entre l’action individuelle des agents de contrôle et l’action collective, le souci de valoriser l’activité de l’Inspection du travail constituent la trame de l’action engagée par le ministère du Travail. Une réflexion sur l’organisation territoriale la plus adaptée à l’efficacité optimale des contrôles est ouverte, en concertation avec les agents concernés. Ce mouvement est amplifié avec la fusion des quatre services de l’Inspection du travail (travail, agriculture, transports, affaires maritimes), qui accroît la lisibilité du système français et permet d’envisager une politique de contrôle plus homogène. Cette évolution qualitative et quantitative donne à l’Inspection du travail une dimension qui doit lui permettre de trouver toute sa place dans les futures directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

Sylvie Catala Membre du conseil d’admi­nistration de l’association L611-10, association d’inspecteurs et contrôleurs du travail

La mission de l’Inspection du travail est simple : faire respecter l’ordre public social, renseigner et conseiller sur le droit du travail. Cette conception de l’Inspection du travail a conduit à la construction d’un service public en prise constante avec la réalité et la complexité du monde du travail. Ce service public est aujourd’hui remis en cause par la réforme de l’Inspection du travail. Depuis 2006, la Direction générale du travail (DGT) met en œuvre une politique dont l’objectif assigné est une meilleure effectivité du droit, objectif qui n’est pas contestable. Cette politique passe par la programmation chiffrée de l’action de l’Inspection et par des campagnes de contrôle. Ainsi, chaque année, la DGT lance des campagnes qui portent sur des thèmes tels que l’égalité professionnelle, l’amiante ou encore les intermittents du spectacle. Ces campagnes, qui sont fonction de l’actualité médiatique ou politique, ne conduisent pas à une meilleure effectivité du droit. Ce n’est pas parce que durant deux mois l’Inspection du travail privilégie les contrôles portant sur l’amiante que la question de la sécurité sur les chantiers de désamiantage est réglée. Le respect du droit du travail demande un investissement un peu plus sérieux en temps et beaucoup de persévérance. Ces campagnes permettent juste de mettre sur la place publique des chiffres visant à montrer que l’État fait quelque chose dans des domaines sensibles.

La logique est la même pour les programmes d’action. Les contrôles imposés par la DGT se traduisent par des croix dans des tableaux, ce qui permet surtout la remontée de statistiques. Cette logique comptable à visée politico­médiatique, qui s’accompagne d’une évaluation des agents en fonction des objectifs chiffrés des programmes d’action, est de nature à brouiller la notion même d’ordre public social. La rigidité du système est susceptible d’affecter la capacité d’adaptation de l’Inspection à l’évolution constante du monde du travail et donc sa réactivité face à des pratiques délictuelles nouvelles. Enfin, l’exécution de cette politique s’accompagne d’une réorganisation des services conduisant progressivement à une spécialisation de l’Inspection par secteur d’activité, voire par entreprise, dans les transports. Cette spécialisation et la mise en œuvre de la politique du travail risquent de mener à la disparition du service public de proximité, sorte de commissariat de quartier du social, que constitue la section d’Inspection du travail.

Dominique Maréchau Directeur adjoint du Travail, secrétaire national du SNU TEF FSU

En mars 2006, la forte mobilisation des états généraux de l’Inspection du travail a mis en lumière la situation dégradée de ce service public : légitimité contestée par la dérégulation libérale, manque cruel d’effectifs (1 300 agents de contrôle pour 1,5 million d’entreprises et 15 millions de salariés), émiettement en plusieurs services, dont certains sous l’autorité de ministères économiques étrangers aux missions d’Inspection du travail. Gérard Larcher a alors annoncé un plan de modernisation et de développement de l’Inspection du travail (PMDIT) avec la création de 700 emplois en quatre ans. Puis, fin 2007, François Fillon a décidé la fusion des quatre principaux services de l’Inspection dans le cadre de la révi­sion générale des politiques publiques. Faut-il en conclure que les demandes de l’Inspection du travail ont été entendues ? Non, car ces réformes sont beaucoup plus ambivalentes qu’elles n’y paraissent.

Avec le PMDIT, le ministère a voulu faire d’une pierre trois coups : répondre aux agents soutenus par l’opinion et fortement mobilisés à la suite du drame de Saussignac, riposter au Conseil d’État qui a mis en cause le ministère dans le scandale de l’amiante et orienter l’action des inspecteurs vers ce qu’il considère comme le principal : la santé au travail et la lutte contre le travail illégal. Or les créations de postes se font aujourd’hui par redéploiement interne et la répartition géographique s’est opérée sans négociation ni règles claires et communes. Les ratios ont été très inégalement améliorés et l’on est loin de la création des 240 sections qui paraissaient être un minimum. Par ailleurs, la pression croît pour que les agents se concentrent sur les priorités gouvernementales, au détriment des réalités locales et du traitement de la demande sociale.

Quant à la fusion des services de l’Inspection, cette réforme logique, qui dormait dans les tiroirs depuis 1976, était très attendue. Mais le contexte de chasse aux emplois publics pèse sur sa mise en œuvre car on rogne sur tout : emplois non transférés, sections supprimées, relogements « au chausse-pied ». Au total, les agents ne se reconnaissent guère dans ces réformes, présentées comme une réponse à leurs difficultés. La faute n’en revient-elle pas aux intentions réelles de leurs initiateurs, si éloignées des attentes de l’Inspection du travail pour un droit du travail protecteur des salariés et des moyens humains à la hauteur des missions de préservation de l’ordre public social ?