Rares sont ceux qui, même à gauche, semblent vouloir rallumer la guerre des 35 heures, malgré le retour massif du sous-emploi lié à la crise économique. Françoise Favennec-Héry en fournit une explication en soulignant le triomphe de l’individualisation du droit de la durée du travail. Toutes les lois votées pour la faire évoluer collectivement se sont révélées décevantes sur le plan économique et complexes sur le plan juridique. Ce qui incline à revenir à une approche plus contractuelle et plus personnelle.
Les intellectuels proches de la revue ont tenté de deviner à quoi va ressembler l’homo numericus. L’historien Georges Vigarello disserte sur l’évolution de la culture technique provoquée par les nouveaux outils informatiques. L’auteur pointe quelques bouleversements majeurs : la technologie nous informe sur ce que nous devons faire ; à côté d’une virtualisation croissante des tâches se développe une sorte de « culte du corps » ; enfin, à la dépense de l’énergie a succédé le travail sur soi, ses sensations et ses pensées intimes. Un ensemble très original.
Il y a un peu plus d’un an, Nicolas Sarkozy nous avait promis la mise en place d’une « politique de civilisation » s’appuyant sur de nouveaux indicateurs du mieux-vivre. La promesse n’a pas survécu à la crise mais Florence Jany-Catrice et Rabih Zotti ont réfléchi à un indicateur de la santé sociale (ISS). C’est le Limousin qui se sort le mieux du test de l’ISS, confirmation qu’il n’y a aucune corrélation entre le PIB par habitant et l’ISS. Mais les deux auteurs se gardent d’aller au-delà de ce constat statistique.
Ce numéro donne la parole à quelques-uns des meilleurs sociologues du travail autour du livre de Michel Lallement le Travail, une sociologie contemporaine. Robert Castel insiste sur les bouleversements intervenus depuis les années 70 dans la manière dont le travail remplit sa « tâche » de socialisation. Et Michael J. Piore observe que le grand mouvement en cours est celui d’un retour du travail dans la sphère domestique, dont le processus d’industrialisation l’avait écarté.
Ce numéro spécial analyse les modèles sociaux européens face au défi de l’emploi. Jacky Fayolle qualifie la politique sociale menée depuis l’élection de Nicolas Sarkozy de « mix entre dogmatisme et pragmatisme », soulignant que « l’autre face du pragmatisme, c’est l’incohérence ». Michel Husson oppose deux modèles sociaux : l’un homogène, essayant d’assurer une progression uniforme des salaires dans le secteur exposé comme dans le non-marchand ; l’autre, dual, qui maximise la compétitivité du secteur marchand et le contenu en emplois du secteur protégé. Pour lui, rien ne permet d’affirmer que le degré de performance d’emploi d’un modèle est lié à son degré de flexibilité.
