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Idées

Les régimes de retraite par capitalisation ont-ils encore de l’avenir ?

Idées | Débat | publié le : 01.03.2009 |

La crise financière, qui a fait fondre de plus d’un tiers les fonds de pension aux États-Unis, donne des arguments aux adversaires de la retraite par capitalisation. Cette débâcle remet-elle en cause ce mode de financement des retraites ? Les réponses du patron du Fonds de réserve pour les retraites, de la présidente de la Cnav et du délégué général d’une association de promotion des fonds de pension.

Raoul Briet Président du conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites

La crise financière que nous traversons rappelle, pour qui l’avait oublié, les vertus de la diversification. Et pas seulement pour la gestion de l’épargne, mais aussi pour le système de retraite dans son ensemble… Le « tout capitalisation », avec la volatilité qui s’y attache, est incompatible avec la sécurité et la régularité attendues d’un revenu de remplacement. La retraite n’est, en effet, pas assimilable à une opération d’épargne financière. C’est un contrat social entre générations qui vise à assurer un revenu stable et sûr après la cessation d’activité. C’est dire que si la capitalisation a un avenir – et elle en a un, avant comme après la crise –, c’est comme complément du socle représenté dans notre pays par les régimes en répartition.

Pour autant, ce serait une erreur de considérer que la crise financière épargne les régimes en répartition. Elle s’est en effet prolongée en une crise économique profonde, si bien qu’aujourd’hui ces régimes sont durement touchés : l’alourdissement accéléré des déficits de la Cnav et la disparition prématurée des excédents de l’Agirc-Arrco sont là pour en témoigner. Plus fondamentalement, les circonstances actuelles ne changent rien à la tendance longue qui affecte les régimes en répartition : une baisse continue du rendement qu’il est difficile de stopper et, plus encore, d’inverser et, corrélativement, une érosion continue et très préoccupante de la confiance des générations les plus jeunes quant à la capacité des régimes existants à leur assurer une retraite adéquate. C’est dire que le débat doit être posé en termes de complémentarité et de dosage de cette complémentarité et que capitalisation et répartition ont partie liée : sans croissance économique soutenue et soutenable à long terme, pas de retraite solide.

À cet égard, il ne faut pas oublier que la technique de la capitalisation favorise l’émergence d’investisseurs financiers de long terme (fonds de pension ou fonds de réserve) qui peuvent contribuer positivement à un développement économique durable. Non seulement ils peuvent jouer un rôle de stabilisation dans les périodes de crise compte tenu de leur horizon long. Mais, au-delà, ils peuvent, en se comportant en investisseurs responsables, c’est-à-dire en prenant en compte les dimensions « environnement, social, gouvernance » dans leur politique d’investissement, favoriser une croissance économique plus régulière et saine.

Danièle Karniewicz Présidente du conseil d’administration de la Cnav

Le débat opposant répartition et capitalisation semblait dépassé, il revient avec la crise financière. Plus personne n’envisage de transformer les régimes par répartition en fonds de pension. Mais la référence au modèle des trois piliers de retraite demeure et porte en germe des risques majeurs liés à la prépondérance de la capitalisation pour financer le revenu des retraités. Certains misent sur le marché, et donc sur les fonds de pension, à côté d’un régime collectif en répartition qu’ils rêvent de réduire à la portion congrue. Or les fonds de pension ne constituent pas une solution viable. La volatilité des marchés financiers et la chute sévère de la valeur des actifs sont incompatibles avec la stabilité indispensable à un régime de retraite. Les prestations sociales en répartition sont des amortisseurs en cas de crise économique, alors que les rentes fluctuant avec le marché décuplent les effets de la crise. Les systèmes en répartition sont certes touchés par la baisse des cotisations assises sur une masse salariale qui diminue, mais l’impact est sans commune mesure avec ce que provoque l’instabilité des marchés financiers sur les fonds de pension. Le caractère mondial de la crise actuelle prive les fonds de pension de toute solution d’investissement puisque aucune place boursière n’est épargnée ; mais la capitalisation n’est jamais la solution, même en dehors d’une période de crise financière majeure. Elle ne répond pas aux problèmes soulevés par l’évolution démographique. La hausse du nombre des retraités par rapport aux générations en âge de travailler et de consommer entraîne une baisse du prix des actifs financiers, et donc une baisse des rentes. Confrontée aux mêmes réalités démographiques et économiques que la répartition, la capitalisation subit des contraintes spécifiques liées au risque d’investissement, aux incertitudes sur l’inflation et sur l’évolution des taux d’intérêt.

Les choix en matière de placements financiers sont trop complexes pour que l’on puisse décider rationnellement. La capitalisation fait peser le risque sur l’individu sans apporter le moindre élément amortissant les conséquences des aléas de la vie. Elle comporte d’importants coûts de gestion et de marketing dès lors qu’elle fonctionne en milieu concurrentiel. Enfin, elle permet aux acteurs politiques de se défausser de leurs responsabilités, le marché étant le seul responsable des fluctuations des retraites. Et les citoyens sont les seules victimes !

Lionel Tourtier Délégué général de l’Association française professionnelle de l’épargne retraite

Abordons cette question sans idéologie, car rien n’est simple en matière de retraite. En France, nous avons opté pour la répartition, dont l’équilibre est soumis à de fortes contraintes démographiques et économiques. Pour le régime de base (le premier pilier destiné à assurer un revenu minimal vital), le déficit se situerait cette année à 5 milliards d’euros (voire 10 ?), niveau qui ne devait être atteint qu’en 2010 ! Cela remet en cause les hypothèses du COR. Sans nouvelle réforme structurelle, le trou sera largement au-dessus des 45 milliards en 2050… La situation est également préoccupante à terme pour l’Agirc et l’Arrco, qui constituent un cadre intermédiaire avec le deuxième pilier, l’épargne retraite collective. À base de points, ces régimes sont relativement uniques, la plupart des pays ayant un système limité à trois piliers (le troisième étant l’épargne individuelle). L’Agirc et l’Arrco enregistrent une baisse continue de leur rendement : 100 euros cotisés aboutissent à environ 7 euros de pension par an ! Or ils concernent un tiers de la retraite totale pour les non-cadres et deux tiers pour les cadres. De plus, la chute de la Bourse affecte leurs réserves financières. Là aussi, il faut de nouvelles mesures imposant des sacrifices. Enfin, la loi Fillon a mis en place des formules d’épargne retraite collective : Perp, Pere, Perco, art. 83, art. 39. Le nombre d’épargnants est faible. L’impact sur l’épargne constituée est très variable selon l’âge, la durée des versements, le niveau d’abondement de l’entreprise, la déductibilité fiscale, etc. Concernant les fonds de pension à l’étranger, la situation est grave : les pertes, selon l’OCDE, seraient de 5 000 milliards de dollars. Mais il faut nuancer selon le type de fonds. Le risque, pour les régimes à prestations définies, porte d’abord sur l’entreprise, qui assure la couverture des engagements. Si elle fait faillite, le risque est transféré au salarié. Pour les fonds à cotisations définies, le salarié porte intégralement le risque dès l’origine. Pour ceux en âge de prendre leur retraite, l’effet de la crise est dramatique. Pour les plus jeunes cotisants, c’est au contraire une aubaine ! En effet, ils vont investir dans des actifs très décotés, gages de plus-values futures dans une perspective de trente à quarante ans. Ce que nous enseigne la crise, c’est qu’il faut revoir nos dispositifs et, plutôt que d’opposer les deux techniques, répartition et capitalisation, il faut les conjuguer en améliorant information, régulation, gestion et gouvernance.