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Enquête

La mobilité professionnelle sera la norme

Enquête | publié le : 01.03.2009 | Anne Fairise

Transformations du marché du travail obligent, l’extension de la mobilité est inéluctable. Les moins qualifiés en pâtiront, à moins d’une politique volontariste de flexicurité.

Inutile d’interroger la génération Y : l’avenir est à la mobilité ! 78 % des jeunes pensent qu’ils auront jusqu’à cinq employeurs et 13 % estiment qu’ils en comptabiliseront plus encore, selon PricewaterhouseCoopers, qui a interrogé des diplômés américains, anglais et chinois. Les Français n’auraient pas dit le contraire. À l’horizon de cinq ans, 54 % des jeunes actifs souhaitent avoir quitté leur employeur, selon une récente étude Ifop. En moyenne, les jeunes connaissent trois employeurs pendant leurs sept premières années d’activité, note de son côté le Cereq, les plus mobiles l’étant… malgré eux. Faute de qualifications. On est loin du mythe du cadre mobile. « Les changements d’emploi concernent une part plus importante de non-qualifiés que d’ingénieurs ou de cadres », note Thomas Amossé, chercheur au Centre d’études de l’emploi. D’un côté, donc, les jeunes et les non-qualifiés vivent les mobilités professionnelles de plein fouet. De l’autre côté, les salariés en CDI cultivent une stabilité parmi les plus importantes d’Europe : 44 % ont plus de dix ans d’ancienneté.

Le gène de la mobilité sera-t-il mieux réparti en 2020 ? C’est le cœur des réflexions actuelles. Car une chose est certaine : les mobilités vont s’accroître sous le coup des transformations du marché du travail. Les experts du Centre d’analyse stratégique (CAS) et de la Dares les ont dessinées. Sans minimiser les tensions provoquées par les arrivées moins fournies de jeunes et les départs à la retraite encore importants. Sans oublier le boom des services aux personnes, assorti d’emplois peu qualifiés et flexibles. Ni de dépeindre les rangs plus fournis de cadres. Problème, seuls les plus qualifiés sortiront leur épingle du jeu. « Dans le scénario noir, où coexistent des pénuries de main-d’œuvre et un chômage élevé, la situation des moins diplômés s’aggrave, surtout pour les jeunes hommes, avec un risque d’enfermement dans le chômage ou les emplois précaires », tranche Yves Chassard, chef du département travail au CAS. À moins d’une action volontariste de l’État et des partenaires sociaux pour « favoriser les mobilités qualifiantes ».

« La question est de savoir si la société se contente d’une régulation par le marché, comme aux États-Unis, qui a engendré des inégalités croissantes entre qualifiés et non-qualifiés, ou si elle contient ces inégalités en développant une flexicurité inspirée du modèle danois, par l’organisation des transitions professionnelles, avec une indemnisation élevée du chômage et des contreparties, notamment des efforts de formation », résume Pierre-Michel Menger, directeur de recherche au CNRS. Un choix pas indolore pour les finances publiques : « Un modèle offensif de flexicurité porterait à 3 % du PIB les dépenses publiques pour l’emploi, contre 2,3 % aujourd’hui et moins de 1 % dans un modèle libéral », poursuit-il. Reste l’inconnue de la crise. Pour Bernard Gazier, professeur d’économie à Paris 1, elle risque de ralentir la marche vers la flexicurité engagée à « tout petits pas » par l’Hexagone avec l’accord de janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail ou celui de janvier sur la formation professionnelle. Certitude, en tout cas, pour Pierre-Michel Menger, l’imbrication entre diverses formes d’activités prévaudra demain. « La discontinuité d’activités, vécue par les intermittents, va se diffuser. Le travail par projets produira une autre vision de la mobilité. Elle ne sera plus un choc, mais une autre normalité. » Pas de soucis pour la génération Y : elle a biberonné de la flexibilité.

25 % des actifs sont mobiles chaque année (sortie du chômage, nouvel employeur ou nouveau poste).

Source : rapport « France 2025 ».

Le home cinéma

La trouvaille technologique qui lui succédera en 2020 dans les pots de départ n’est pas encore inventée. Mais on sait d’ores et déjà que les nouveaux retraités seront très nombreux (près de 650 000 départs par an) et qu’ils mettront en péril la protection sociale (moins d’un actif pour un retraité). La France se stabilisera alors autour de 28 millions d’actifs, malgré l’augmentation du taux d’activité des femmes et… des seniors. En 2020, cela fera dix ans que les Français auront été autorisés à rester au boulot jusqu’à leur 70e anniversaire !

Le home cinéma

Cet équipement high-tech est la valeur montante des cadeaux de départ à la retraite.

Un salaire toujours plus individualisé

Outre les bonus, les éléments non monétaires, comme la santé, auront tendance à devenir variables.

FIXE

Mieux calibrée ! L’individualisation des rémunérations va, selon Bernard Marty, de Hay Management Consultants, pousser à la révision de la partie fixe du salaire. « Celle-ci sera mieux adaptée au niveau réel de responsabilité. Les entreprises ne raisonneront plus par classes de rémunération, avec des fourchettes variant de plus ou moins 10 %. » Résultat : un fixe revu à la baisse ou à la hausse.

VARIABLE

Apanage des commerciaux, puis des cadres, le bonus va continuer de se généraliser. Mais c’en est terminé des montants très élevés. La tendance est plutôt à la stagnation (1,5 mois de salaire pour les cadres). Éric Wuithier, directeur associé chez Towers Perrin, croit à une diversification des pratiques selon les profils d’entreprises : un maintien d’une politique de bonus élevé dans les grandes sociétés mondialisées, des régimes d’intéressement collectif plus développés dans les entreprises fonctionnant en réseau, etc.

ÉLÉMENTS NON MONÉTAIRES

Mutuelle, prévoyance santé, investissement en formation, usage gratuit d’une voiture propre : les éléments non monétaires de la rémunération seront valorisés et prendront une plus grande importance, notamment dans les sociétés privilégiant des « pratiques de rémunération socialement plus acceptées », selon Éric Wuithier. Qui imagine aussi une plus grande variabilité de ces éléments de rémunération, à l’image de ce qui existe en Grande-Bretagne. « L’entreprise offrira une couverture sociale de base (mutuelle, etc.) applicable à tous. Au-delà de ce socle, elle rétribuera selon les désirs du salarié, qui se servira à la carte en fonction de l’évolution de ses besoins.

RÉMUNÉRATION TOTALE

Variable ! Finis, les salaires se bonifiant d’année en année. Une conséquence de l’individualisation du temps de travail et des mobilités accrues, qui ne seront plus synonymes de gain systématique sur la fiche de paie. D’autant qu’à certains moments le salaire interviendra en complément de revenus de transfert, comme dans le cumul emploi-retraite.

ENTRETIEN AVEC DENIS SEGRESTIN, RESPONSABLE DU PROGRAMME DOCTORAL DU CENTRE DE SOCIOLOGIE DES ORGANISATIONS DE SCIENCES PO
“Il faut réapprendre à dessiner l’entreprise-réseau”

Quelle sera, en 2020, l’architecture des entreprises ?

L’organisation en réseau, qui se substitue depuis les années 80 au modèle de l’entreprise intégrée des Trente Glorieuses, va continuer à se diffuser, dans tous les secteurs, en se diversifiant. La firme-réseau recouvre déjà des réalités multiples : depuis la sous-traitance traditionnelle jusqu’à la fragmentation des tâches de conception et de production aux quatre coins du monde, en passant par les nouvelles formes de partenariat dans les pôles de compétitivité.

Il est frappant que les consultants ouvrent davantage encore la notion de réseau en y incluant les communautés d’experts ou la mutualisation de services, dans ou hors de l’entreprise.

Que révèle cette diversité ?

L’activité économique éclate aujourd’hui en des architectures complexes où se dilue la frontière entre l’interne et l’externe de la firme. Nous sommes dans l’invention de structures où s’entrecroisent les organisations et les relations contractuelles. Même les praticiens ne maîtrisent pas bien ce qu’ils inventent. Il faut réapprendre à dessiner l’entreprise-réseau.

Que faites-vous de l’organisation matricielle ?…

Le principe, consistant à mettre les salariés à l’intersection de plusieurs hiérarchies, est malmené par l’incroyable prolifération des procédures, qui est la contrepartie systématique à l’autonomie des unités. Chaque entité produit des procédures, mais personne n’a de vision globale. Tracer ces procédures sera peut-être un moyen de dessiner les organisations de demain.

Propos recueillis par Anne Fairise

Auteur

  • Anne Fairise