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Les dangers qui guettent les salariés

Dossier | publié le : 01.03.2009 | Sarah Delattre, Sabine Germain

Les cancers professionnels n’en finissent pas de menacer. TMS et troubles psychosociaux explosent. Mais il y a aussi, des nanoparticules présentes dans les écrans plats aux ondes Wi-Fi, des risques dont on n’a pas encore pris la mesure.

Depuis le scandale de l’amiante et sous la pression d’une réglementation contraignante (responsabilité de l’employeur depuis 1991, document unique depuis 2001, application de Reach en 2008, etc.), les risques professionnels sont mieux identifiés et maîtrisés. Dans la droite ligne d’un rapport de l’Igas sur « la traçabilité des expositions professionnelles », le Sénat a adopté un amendement visant à créer un carnet de santé des travailleurs qui doit permettre de mieux suivre les expositions aux risques professionnels. Un dispositif qui sera intégré au projet de loi Grenelle I. Pour autant, les générations futures ne sont pas à l’abri de scandales ravageurs. Les risques professionnels reflètent l’évolution des activités.

L’amiante, par exemple, interdit en France en 1997, est une bombe à retardement qui constitue la deuxième cause des maladies professionnelles. Les troubles musculo-squelettiques (TMS), mal du siècle, progressent de 20 % par an. En parallèle émergent des risques professionnels dus à l’utilisation de nouveaux produits ou technologies. C’est le cas de ceux liés aux nanoparticules et à la téléphonie mobile, dont les effets potentiellement nocifs sur la santé sont difficiles à évaluer. Dans ces domaines, la législation est à inventer. Timidement, Grenelle II prévoit par exemple de renforcer l’encadrement réglementaire existant et de développer les recherches sur les ondes électromagnétiques. En attendant, le principe de précaution devrait s’imposer mais il se heurte bien souvent aux intérêts des lobbys industriels et à la schizophrénie des travailleurs consommateurs. Preuve d’une meilleure reconnaissance des maladies professionnelles, les sommes consacrées à leur indemnisation sont en augmentation constante depuis 1995 et atteignaient en 2006 plus de 1,73 milliard d’euros. Tour d’horizon des principaux risques qui menacent la santé des salariés.

APRÈS L’AMIANTE, LES FIBRES CÉRAMIQUES RÉFRACTAIRES

L’amiante est interdit depuis le 1er janvier 1997. Mais on n’en a pas fini avec les drames causés par cette roche fibreuse. En 2007, le nombre de maladies professionnelles reconnues par la CnamTS a fléchi pour la première fois : 6 292 cas ont été reconnus, c’est-à-dire 6,5 % de moins qu’en 2006. Mais cela ne doit pas faire illusion. Compte tenu du délai de latence des pathologies induites par l’amiante (une trentaine d’années) et des quantités de fibres restant confinées dans de nombreux bâtiments, l’Institut de veille sanitaire (InVS) estime que le pic de mortalité serait atteint entre 2020 et 2030 : on enregistrera alors chaque année entre 800 et 1 600 décès directement imputables à l’amiante. Sachant, comme l’a clairement affirmé une mission sénatoriale en 2005, que « le risque amiante est essentiellement un risque professionnel ».

Les pathologies de l’amiante ne sont pas toutes mortelles : les trois quarts des 6 292 maladies professionnelles reconnues en 2007 sont des lésions pleurales bénignes et des fibroses interstitielles pulmonaires (asbestoses). Mais 121 dégénérescences broncho-pulmonaires malignes, 390 mésothéliomes malins primitifs, 12 autres tumeurs pleurales primitives et 55 cancers broncho-pulmonaires primitifs ont également été reconnus en 2007. Ce qui place les pathologies liées à l’amiante au deuxième rang des maladies professionnelles (loin derrière les TMS), mais – et de très loin – au premier rang en termes de coût pour l’assurance maladie : 866,3 millions d’euros, c’est-à-dire 46,7 % du montant total des dépenses liées aux maladies professionnelles. Et ce n’est pas fini. « Les salariés des usines produisant de l’amiante n’ont pas été les seuls touchés, commente Michèle Guimon, ingénieure au département expertise et conseil technique de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Un tiers des malades de l’amiante vient du BTP. » Or ces populations sont difficiles à sensibiliser : d’une part, parce que, hormis sur les chantiers de désamiantage, le danger de l’amiante n’est pas toujours clairement perçu par les salariés ; d’autre part, parce que le secteur du BTP est constitué d’une kyrielle de PME avec lesquelles il est difficile de bâtir une politique de prévention. « Le nombre de pathologies liées à l’amiante ne diminuera que si ces entreprises sont plus actives en matière de prévention », prévient Michèle Guimon.

Entre-temps, un nouveau risque aura pris de l’ampleur, celui lié aux fibres céramiques réfractaires (FCR). Ces fibres isolantes, utilisées en lieu et place de l’amiante, sont à présent classées par les instances européennes cancérigènes de catégorie 2, autrement dit parmi les substances pour lesquelles il existe une forte présomption de cancérigénicité. Elles peuvent générer le même type de cancers pulmonaires que l’amiante. Les FCR sont, certes, moins répandues que ne l’a été l’amiante dans les années 70 et 80 : on n’a jamais consommé plus de 20 000 tonnes de ces fibres par an, alors que, pour l’amiante, on est monté jusqu’à 170 000 tonnes. À l’heure actuelle, 70 % des FCR ont été remplacées par d’autres fibres. Mais on en consomme toujours plus de 2 000 tonnes chaque année… S. G.

LA SOURDE MENACE DES CANCERS

Protéiformes et évolutifs, les produits CMR (pour cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques) font l’objet d’un classement régulièrement mis à jour et d’une réglementation rigoureuse. Depuis le décret du 28 septembre 2007, l’Inspection du travail hérite d’un pouvoir de contrôle renforcé et peut prononcer un arrêt temporaire d’activité. Mieux identifiés, les risques sont normalement mieux maîtrisés. « Ces dernières décennies, les choses se sont nettement améliorées, sauf dans les PME », note Raymond Vincent, responsable du laboratoire caractérisation des risques chimiques à l’INRS. Pourtant, selon des estimations de l’InVS, la part des cancers liés au travail se situe entre 3 et 6 %, soit entre 5 000 et 10 000 cas par an. D’après l’enquête « Surveillance médicale des risques » (Sumer) menée en 2002-2003, plus de 2,5 millions de salariés sont encore exposés à des produits CMR, soit 15,5 % des salariés. Parmi les expositions les plus courantes, celles aux gaz d’échappement diesel, aux poussières de bois, au trichloréthylène ou au formol. Les ouvriers de l’industrie chimique, de la réparation automobile, de la métallurgie, de l’industrie du bois, de la construction représentent 70 % des salariés exposés.

Parmi les établissements qui continuent d’utiliser des agents CMR, 40 % seulement ont procédé à une évaluation des risques liés à cet emploi. Dans 30 % des cas, la prévention se limite encore à l’attribution d’équipements de protection individuelle. Jugeant la situation préoccupante, le magazine Santé & travail a lancé un appel à la mobilisation contre les cancers professionnels. Il sera adressé au Conseil d’orientation sur les conditions de travail, qui succède au Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels. Les signataires sont favorables à un durcissement des sanctions encourues en cas d’infraction et appellent à la responsabilisation des donneurs d’ordres à l’égard des sous-traitants. Sur ce point, trois fédérations professionnelles, celles de la métallurgie (UIMM), de la chimie (UIC) et des fabricants de peintures (Fipec), ont signé en avril 2008 avec le ministère du Travail un accord sur la prévention des risques CMR qui vise à améliorer l’évaluation des risques, la substitution des produits dangereux et la protection des salariés dans les entreprises sous-traitantes. Le plan santé au travail 2005-2009 souhaite par ailleurs promouvoir le principe obligatoire de substitution des substances les plus dangereuses. S. D.

PAS DE RÉPIT POUR LES TMS

La courbe semble ne jamais devoir s’arrêter de monter : 2 000 cas en 1992, 5 000 en 1997, 21 000 en 2002, près de 34 200 en 2007… Le nombre de maladies professionnelles reconnues par la Cnam au titre du tableau 57 intitulé « affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail » augmente de 20 % par an depuis une dizaine d’années. Les troubles musculo-squelettiques regroupent toutes les maladies affectant les muscles, les tendons et les nerfs situés au niveau des articulations des membres supérieurs ou inférieurs. Simples douleurs et gênes lors de certains mouvements, ils peuvent devenir très invalidants.

Les troubles musculo-squelettiques sont naturellement liés à un risque biomécanique : gestes répétés, port de charges, travaux de force… Mais pas seulement : « Les facteurs environnementaux et les risques psychosociaux (perception négative de la situation de travail, manque d’entraide) peuvent également jouer un rôle important dans leur apparition, explique Jean-Jacques Atain-Kouadio, chef de projet TMS au département homme au travail de l’INRS. C’est pourquoi il est difficile de bâtir une stratégie de prévention. »

Au hit-parade des activités les plus génératrices de TMS reconnus en tant que maladies professionnelles, la CnamTS place l’industrie du bois au premier rang ; viennent ensuite le commerce alimentaire, l’industrie chimique et la plasturgie, la métallurgie et le BTP. Parallèlement, un réseau de surveillance épidémiologique mis en place par l’Institut national de veille sanitaire en 2002 dans les Pays de la Loire a fait apparaître que les ouvriers (qualifiés ou non qualifiés) et les professionnels des soins à la personne sont les plus exposés. Troisième source d’information, l’enquête Sumer de 2003 (menée conjointement par la Direction générale du travail et la Dares auprès de 50 000 salariés et de 1 800 médecins du travail) fait apparaître une tendance intéressante : les facteurs purement biomécaniques de TMS (position statique, gestes répétitifs, manutention manuelle, vibrations transmises aux membres supérieurs, contrainte posturale) sont en baisse. En revanche, d’autres facteurs progressent : rythme de travail de plus en plus soutenu, sollicitations extérieures, interruptions urgentes, travail haché… Si bien que le secteur tertiaire devient, lui aussi, pourvoyeur de TMS.

« Sans être pessimiste, je ne vois aucun signe d’amélioration à moyen terme, commente Évelyne Escriva, chargée du projet TMS à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). Pour enrayer les TMS, les entreprises ne peuvent se contenter de traiter les facteurs primaires. Elles doivent disséquer tous les process et repenser l’ensemble de leur organisation. » On en est encore loin… « Compte tenu de l’évolution de l’organisation du travail, on peut encore s’attendre à une sérieuse augmentation des TMS dans les dix ans qui viennent, confirme Jean-Jacques Atain-Kouadio. D’autant que tous les effets des efforts faits en matière de prévention risquent d’être réduits à néant par un phénomène inéluctable : le vieillissement de la population au travail. Or les TMS sont directement corrélés à l’âge des salariés. » S. G.

LA MONTÉE DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX

Y a-t-il un lien de cause à effet entre la forte médiatisation du stress et des suicides au travail et leur développement ? « Trop facile ! tranche Philippe Douillet, responsable du projet prévention des risques psychosociaux à l’Anact. La montée de ces risques est réellement liée à l’évolution de l’organisation du travail et à la croissance des activités de services, mettant le salarié directement en contact avec le client. La relation humaine est en effet un facteur important de risques psychosociaux. »

Ces derniers trouvent dans les injonctions contradictoires faites aux salariés un terreau idéal : exigence de rapidité et de qualité ; activités de services taylorisées, demandant un engagement psychique fort mais sans aucune autonomie… Encore peu reconnus en tant que maladies professionnelles, les risques psychosociaux se traduisent, selon une étude épidémiologique de l’InVS (menée en 2006 dans les Pays de la Loire, en Poitou-Charentes, Midi-Pyrénées et Paca auprès de 73 500 salariés), par des affections de l’appareil locomoteur (59 %), une souffrance psychique (21 %), des troubles de l’audition (6,5 %)… L’INRS a élaboré une grille d’analyse pour aider les entreprises à dépister les risques psychosociaux : en étudiant une batterie d’indicateurs liés au fonctionnement de l’entreprise (temps de travail, turnover, relations sociales, organisation du travail…) et à la santé des salariés (accidents du travail, maladies professionnelles, stress chronique, situations graves ou dégradées…), les acteurs de la prévention peuvent élaborer une démarche.

Malheureusement, la prise en charge des pathologies liées à ces nouveaux risques est encore trop souvent individuelle : « Mieux vaudrait s’attaquer à leurs causes profondes, liées à l’organisation du travail, à la culture d’entreprise, aux méthodes de management… plaide Philippe Douillet. Je suis frappé par la façon dont les risques psychosociaux affectent les cadres. Si même l’encadrement ne parvient plus à donner de sens à son travail, c’est que l’entreprise ne va décidément pas bien. » De ce point de vue, la crise actuelle pourrait porter le phénomène à son paroxysme…

Pour sortir de cette spirale, les professionnels de la santé comptent beaucoup sur Samotrace : une étude menée par l’InVS avec 120 médecins du travail des régions Centre, Poitou-Charentes, Pays de la Loire et Rhône-Alpes. Le bilan final ne sera tiré que dans un an, mais les premiers résultats donnent des pistes intéressantes : 37 % des femmes et 24 % des hommes sont concernés par la souffrance au travail. Si les femmes souffrent davantage, c’est parce qu’elles occupent plus souvent des postes en relation directe avec le public. Parmi les secteurs d’activité où le niveau de souffrance psychique est le plus élevé, cette étude distingue particulièrement la production d’électricité, de gaz et d’eau (45 %), l’administration (43 %), les activités financières (42 %) et les services collectifs sociaux et personnels (40 %). Des informations qui devraient permettre de mieux comprendre, donc de mieux prévenir, des risques dont on parle beaucoup mais dont on commence tout juste à prendre la mesure. S. G.

UN RISQUE NUCLÉAIRE SOUS CONTRÔLE ?

Dans les dix ans qui viennent, le risque nucléaire ne devrait pas connaître d’évolution spectaculaire », estime Alain Rannou, chef du service d’études et d’expertise en radioprotection à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Pour l’IRSN, ce risque est donc sous contrôle. La totalité des 293 876 salariés exposés aux rayonnements ionisants est en effet suivie chaque année : les travailleurs de l’industrie nucléaire, bien sûr, mais aussi des secteurs moins exposés, tels que la santé (médecine et radiologie), la recherche médicale et pharmaceutique, la défense… La directive européenne Euratom de 1990 (transposée l’an passé dans le droit français) prévoit en effet que tous les travailleurs appelés à intervenir dans des sites exposés à des rayonnements ionisants doivent bénéficier d’une protection équivalente à celle des travailleurs employés à titre permanent par l’exploitation : médecins, experts, intérimaires ou sous-traitants… Ils font donc tous l’objet des mêmes contrôles.

La dosimétrie individuelle (interne et externe) effectuée sur chacun de ces salariés fait apparaître que 96 % d’entre eux ont reçu une dose individuelle inférieure à 1 mSv, valeur correspondant au seuil bas de délimitation de la zone surveillée. En 2007, 32 salariés ont reçu une dose individuelle supérieure à 20 mSv (limite maximale réglementaire) : plus de la moitié dans des activités médicales, vétérinaires (16 cas) ou de recherche (2), l’autre moitié dans l’industrie non nucléaire (12 cas). Et seulement 2 cas dans le nucléaire, naturellement suivie de très près. « Le secteur médical et l’industrie nucléaire n’ont pas la même culture de prévention », explique Alain Rannou.

La mise en cause de la fiabilité des laboratoires de mesures d’EDF est toutefois venue jeter le trouble sur les conditions dans lesquelles ces mesures sont effectuées. Le 12 janvier, l’Autorité de sûreté nucléaire a suspendu l’agrément des laboratoires chargés de mesurer les indices de radioactivité dans l’environnement (air, rivières, nappes phréatiques, faune, lait…) des 58 réacteurs du parc français. Or ces mêmes laboratoires mesurent la dosimétrie des travailleurs : les salariés, mais aussi les 22 000 sous-traitants qui effectuent 80 % des activités de maintenance. En accord avec ses partenaires sociaux, EDF a pris le parti d’externaliser la maintenance de ses centrales : pour réduire la durée des « arrêts de tranche », plusieurs dizaines d’entreprises sous-traitantes peuvent intervenir.

Alexandra Colineau, lauréate du prix de l’information sociale remis par l’Ajis en 2008, a fait des révélations inquiétantes : « Les sous-traitants reçoivent 80 % de la dose collective d’irradiation subie dans l’industrie nucléaire. Cette dose est contrôlée grâce au film et au badge dosimétriques que chaque salarié doit porter. Quand ces indicateurs montrent que la limite réglementaire a été atteinte, le salarié doit “se mettre au vert” (c’est-à-dire au chômage) en attendant que la dose redescende. » « Pour garder leur boulot, il arrive que certains dissimulent leur film ou leur badge quand ils se trouvent dans des zones où ça crache », lui a confié Philippe Caens, électricien chez un prestataire d’EDF. Difficile, cependant, de mesurer l’ampleur du phénomène et ses répercussions sur la santé des salariés. S. G.

LE MONDE INCONNU DES NANOPARTICULES

L’infiniment petit recèle encore de grandes incertitudes quant aux effets sur la santé des travailleurs. Déjà présents dans les peintures, les écrans plats, les crèmes solaires, etc., les nanomatériaux préfigurent pourtant la prochaine révolution industrielle. Le marché mondial, estimé à plus de 700 milliards d’euros en 2008 par la Commission européenne, devrait atteindre les 1 000 milliards vers 2015 et générer l’emploi direct de plus de 2 millions de personnes. En France, d’après l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset), 10 270 salariés sont exposés aux nanoparticules dans les laboratoires de recherche ou en production industrielle. « Une étude italienne qui peut être extrapolée estime à 300 000 le nombre de personnes potentiellement exposées en France sur toute la chaîne », ajoute Éric Gaffet, chercheur au CNRS, qui a présidé le groupe d’experts à l’origine du rapport de l’Afsset sur les nanomatériaux rendu public en juillet dernier.

Mais les risques que fait peser l’invisible sur la santé restent difficiles à évaluer. En se faufilant dans l’organisme par voie cutanée, respiratoire ou digestive, ces particules pourraient entraîner des pathologies pulmonaires, cardiaques, etc. Le noir de carbone, utilisé depuis longtemps dans la fabrication de pneumatiques, est classé cancérigène, et plusieurs études comparent les nanotubes de carbone à l’amiante. Considérant ces résultats comme « un signe d’alerte majeur », le Haut Conseil de la santé publique préconise, dans un avis publié en janvier dernier, « la mise en place rapide de mesures de protection contre des expositions susceptibles d’induire un risque sanitaire sérieux pour les producteurs et utilisateurs de nanotubes de carbone ». Et invite le gouvernement à œuvrer au niveau européen pour qu’un dispositif similaire à Reach soit adopté. S’ensuit une série de recommandations qui rejoint celles déjà émises par l’Afsset. L’agence estime « plus prudent de déclarer les nanoparticules comme niveau de danger inconnu et de les manipuler avec la même prudence que les matières dangereuses ». Elle préconise, en plus de protections collectives et individuelles spécifiques, de minimiser le nombre de personnes entrant dans les zones, de nommer un référent « nano », de renforcer le suivi médical et l’information des travailleurs.

Arkema applique ces conseils presque à la lettre sur son site de production pilote à Lacq (Pyrénées-Atlantiques), qui emploie moins de 20 salariés. Les équipements de protection y représentent plus de 30 % de l’investissement total. « Nous avons par exemple adopté un système de filtre, d’aspiration à la source, en parallèle des protections individuelles comme la combinaison, le masque, les gants et les lunettes, témoigne Daniel Bernard, conseiller scientifique chez Arkema, par ailleurs président de la commission de normalisation Afnor “nanotechnologie”. Nous avons aussi mis en place un suivi médical personnalisé mais, pour l’instant, nous ignorons quoi suivre. »

Les entreprises et les laboratoires de recherche concernés sont-ils aussi bons élèves ? Difficile à dire. Pour en avoir le cœur net, l’Afsset a envoyé un questionnaire à 219 entreprises. Seules 16 % l’ont retourné, se déclarant apparemment conscientes des dangers et traitant le risque « nano » comme le risque chimique. « Le risque industriel n’est pas totalement maîtrisé, mais les grosses sociétés le gèrent, estime Alain Lombard, toxicologue et gérant d’Allotoxconsulting. La situation est différente pour des labos universitaires ou pour des PME qui n’ont pas de quoi investir dans des moyens de sécurité. » L’Union des industries chimiques et ACT nano (Action collective transrégionale nanomatériaux) devraient bientôt diffuser un guide de bonnes pratiques destiné aux PME. S. D.

L’INQUIÉTANT MYSTÈRE DES ONDES

Il y a de la friture sur les ondes Wi-Fi des bibliothèques de Paris. Victimes de malaises, plusieurs bibliothécaires continuent d’exercer leur droit de retrait. En novembre 2007 déjà, la municipalité avait désactivé les bornes Wi-Fi à la suite de plaintes d’une quarantaine d’employés. Elle les avait rebranchées un an plus tard, après que des mesures eurent révélé un niveau d’ondes inférieur au seuil réglementaire. En février, Bouygues Telecom a été condamné à démonter une antenne relais à Tassin, dans la banlieue de Lyon. Ces bras de fer illustrent l’inquiétude croissante de l’opinion publique quant aux dangers potentiels des champs électromagnétiques.

Et pour cause. Avec 48 millions d’abonnés en France et plus de 36 000 stations GSM, les effets toxiques sur la santé pourraient être dévastateurs. Les études les plus alarmantes montrent notamment que le risque de tumeur du cerveau est accru après plus de dix ans d’utilisation d’un mobile. Récemment, le rapport BioInitiative conclut que les normes actuelles d’exposition (fixées par une directive européenne de 2004) sont inadaptées. Le Parlement européen a adopté la même position. Mais la communauté scientifique continue de se déchirer. En 2003 et 2005, les travaux de l’Afsset sur la téléphonie mobile ont suscité une vive polémique : des lanceurs d’alerte comme Priartem ou Agir pour l’environnement ont dénoncé les liaisons dangereuses entre plusieurs experts et des opérateurs de téléphonie mobile. Les méthodes de travail de l’Afsset ont été épinglées en 2006 dans un audit conjoint de l’Igas et de l’Inspection générale de l’environnement, pointant les liens de trois membres avec Bouygues Telecom et France Télécom.

Reste que personne ne sait aujourd’hui quels risques courent les salariés directement exposés, en particulier les techniciens de maintenance. L’étude du laboratoire lyonnais Unité mixte de recherche épidémiologique et de surveillance transport, travail, environnement (Umrestte) qui va démarrer en mars en partenariat avec les services de santé au travail devrait alimenter le débat. « L’idée est d’évaluer l’exposition professionnelle en observant les conditions de travail des techniciens des principaux opérateurs et des sous-traitants pendant six mois », explique la coordinatrice, Amélie Massardier-Pilonchery, assistante hospitalière universitaire à Lyon Sud. Seule limite, l’étude est financée par la Fondation santé et radiofréquences, subventionnée elle-même pour moitié par les opérateurs du secteur. Sur le terrain, Philippe Antzenberger, délégué syndical SUD, témoigne qu’« il y a souvent un problème de coordination entre opérateurs. Résultat : nos techniciens interviennent sur nos antennes éteintes quand les autres autour continuent de fonctionner ». Peu de CHSCT et de médecins du travail s’intéressent à ces questions. Médecin du travail chez France Télécom à Toulouse, Marie Cabrol suit une formation aux radiations électromagnétiques. « Nous examinons spécifiquement les techniciens et les interrogeons sur d’éventuels maux de tête, fatigue, vertiges. » La vigilance, donc, reste de mise.S. D.

293 876 salariés sont exposés aux rayonnements ionisants.

6 292 maladies professionnelles liées à l’amiante ont été reconnues par la Cnam en 2007.

34 200 TMS ont été reconnues maladies professionnelles par la CnamTS en 2007. Coût : 736 millions d’euros en 2007.

7,4 millions de journées de travail perdues.

300 000 personnes seraient, en France, au contact de nanomatériaux, dont on ne connaît pas encore les effets sur la santé.

36 000 stations GSM environ sont installées dans l’Hexagone et personne ne peut dire aujourd’hui quels sont les risques courus par les salariés directement exposés.

Auteur

  • Sarah Delattre, Sabine Germain