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Politique sociale

L'auberge espagnole FO repasse toujours le même plat

Politique sociale | ANALYSE | publié le : 01.03.2000 | Valérie Devillechabrolle, Frédéric Rey

Héritiers de la SFIO, gaullistes souverainistes, anarcho-syndicalistes, trotskistes, anciens de la JOC, on trouve de tout à Force ouvrière. Dénominateur commun à ces militants qui tiennent ce mois-ci leur congrès à Marseille : l'allégeance au chef, Marc Blondel, l'hostilité à l'égard des rivales CGT et CFDT. Et la sempiternelle défense des acquis sociaux.

À quelques jours d'intervalle, Force ouvrière vient, une fois de plus, d'étaler ses contradictions. Vendredi 28 janvier, dans la banlieue de Nantes, Patrick Hébert ouvre aux côtés de Marc Blondel le congrès de son Union départementale de Loire-Atlantique devant un parterre de 600 militants. Dans les rangs des délégués, la moyenne d'âge frise la cinquantaine. Au-dessus de la salle flotte une grande banderole avec une citation de Fernand Pelloutier, syndicaliste anar du siècle dernier : « Nous sommes en outre ce qu'ils ne sont pas : des révoltés de toutes les heures, des hommes sans Dieu, sans maître et sans patrie, des ennemis irréconciliables de tout despotisme… » Du haut de la tribune, le discours de Patrick Hébert est sans concession. Sous les applaudissements, il tempête contre « la loi Aubry, cette loi pourrie qui, par la remise en cause des conventions collectives, constitue une attaque sans précédent contre les conquêtes difficilement acquises ».

Changement radical de ton, quelques jours plus tard, au siège parisien de France Télécom. Secrétaire de la Fédération FO PTT, Jacques Lemercier, élégant dans son costume-cravate, s'apprête, avec deux autres organisations minoritaires, à signer « sans état d'âme » l'accord 35 heures. Un accord que, pour sa part, il juge « équilibré » dans le contexte d'une entreprise « qui a perdu son monopole », sous l'égide d'une autorité régulatrice « qui lui taille des croupières » et en butte à « soixante autres entreprises concurrentes ». Mais cet accord est loin de faire l'unanimité syndicale. Alors qu'ils représentent 80 % des voix, CGT, SUD et CFDT l'ont en effet rejeté du fait de l'insuffisance des embauches réalisées au titre de la RTT (1 000 personnes pour 2000 et 2001) et d'une aggravation de la flexibilité.

La centrale qui résiste au temps

Ainsi va FO… Capable de vociférer un jour contre les « briseurs de conventions collectives » et de conclure, le lendemain, les accords jugés « les plus rétrogrades » par les autres organisations syndicales. Cette ambivalence dérange mais, au sein de Force ouvrière, elle ne choque pas. Bien au contraire ! Loin d'être un bloc monolithique, FO cultive son aspect caméléon. « Cette diversité est l'essence même de ce syndicat », souligne Gérard Adam, professeur au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). Ce qui ne l'empêche pas de faire preuve, le cas échéant, d'« esprit de corps pour ne pas casser la baraque », explique un leader de FO. Ainsi, ceux qui n'hésitaient pas à prédire l'éclatement prochain de FO – notamment après le départ vers l'Union nationale des syndicats autonomes (Unsa), en janvier 1998, de Jacques Mairé, ex-patron de l'UD de Paris et chantre de l'opposition à la dérive contestataire de la confédération – en sont jusqu'ici pour leurs frais. Non seulement les troupes ont depuis deux ans resserré les rangs autour d'un Marc Blondel pourtant un temps affaibli par la maladie, mais les velléités de campagne de ceux qui caressaient l'ambition de succéder au « général » ont aussi été étouffées dans l'œuf par l'annonce de sa candidature à un quatrième mandat. Conséquence : au dire d'un vieux briscard de l'organisation, le XIXe congrès confédéral qui va se dérouler du 7 au 10 mars à Marseille promet d'être « tranquille ».

Force ouvrière résiste donc au temps… et à ses contradictions. Issue d'une scission de la CGT en 1947, la maison FO s'est construite par opposition à une CGT aux mains des communistes. À cette hégémonie de pensée, FO a répondu en affichant des principes dépendance à l'égard de tout parti politique ou gouvernement, de pluralisme et bien sûr d'anticommunisme. « Il est impossible de comprendre ce syndicat si on ne mesure pas l'importance viscérale du rejet de tout système de pensée unique », explique Gérard Adam. Résultat : aujourd'hui encore, FO ressemble à une auberge espagnole politique. S'y croisent, outre des socialistes héritiers de la vieille SFIO tel Marc Blondel, des gaullistes tendance souverainiste, des anarcho-syndicalistes tels que Joachim Salamero de l'UD de Gironde, des trotskistes façon Patrick Hébert, et même des anciens de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne), à l'instar de Michel Huc, le patron de FO Métaux. Un vrai salmigondis politique !

Sur le plan syndical, FO ne pratique pas l'exclusive non plus : ainsi vient-elle tour à tour d'accueillir des représentants du syndicat maison CSL de Peugeot-Poissy ; des militants de la CGT Chimie du Nord, déboussolés par le recentrage confédéral ; et le Syndicat général de la police de Jean-Louis Arajol, dernièrement candidat RPF aux élections législatives du XXe arrondissement de Paris. Il est vrai que pour ce syndicat autonome, en butte aux nouvelles règles de la représentativité syndicale dans la fonction publique, le ralliement à une confédération était une question de survie…

Sur le terrain, FO « fonctionne comme autant de baronnies où chacun fait ce qu'il veut, dans son fief local, sa branche ou son gros comité d'entreprise », assure Dominique Labbé, chercheur au Cerat à Grenoble, un laboratoire du CNRS. Du dialogue social à la lutte ouvrière, toute la gamme des pratiques est représentée. Parmi les partisans de la « politique contractuelle » on trouve la plus grosse fédération FO du privé, celle de la métallurgie, mais aussi les syndicats des Postes et Télécoms ainsi que la fédération qui recouvre les commerces alimentaires et la restauration. Entre Marseille et Aix-en-Provence, terre imprégnée de tradition socialiste, plusieurs sections ont vu le jour dans des entreprises high-tech sous l'égide de FO Métaux.

Contre les cosaques de la CGT

Chez STMicroelectronics, par exemple, la section FO a dix ans d'existence et une bonne assise. « Nous n'avons jamais eu de discours agressif à l'égard de la direction, explique le délégué Jean-François Gautier. Nous discutons, notons les points en commun et les compromis possibles. » Sur les 35 heures, « la CGT et la CFDT ont opté d'emblée pour le conflit, regrette-t-il. Mais lorsque tu veux quelque chose de ta femme, tu ne commences pas par la frapper… ». Carrures de rugbymen à l'accent provençal, salariés de l'entreprise Dupont Photomasks, Richard Ammirati et Jean-Paul Bosca ont eux aussi opté pour cette ligne raisonnable, par opposition aux revendications jusqu'au-boutistes des « cosaques » de la CGT, comme ils disent.

À Aerospatiale, autre bastion incontesté de FO Métaux, « le contrat tient bon depuis vingt ans et a su faire la différence sur la durée », se félicite Christian Jauny, délégué central. La meilleure preuve pour cet ancien mécanicien fraiseur de l'usine de Saint-Nazaire ? « À compétence et ancienneté égales, les salariés d'Aerospatiale gagnent 1 500 francs de plus par mois que ceux des Chantiers de l'Atlantique, en proie depuis 1974 à des conflits avec la direction. » Tout le monde n'a pas la chance d'être dans une entreprise à la « réussite industrielle » aussi éclatante que celle d'Aerospatiale. En échange, FO, qui est majoritaire dans la quasi-totalité des sites du groupe, n'hésite pas à mettre la main à la pâte : que ce soit pour inciter ses troupes à faire des heures supplémentaires en cas de surchauffe ou, au contraire, gérer 10 000 départs « en douceur », comme entre 1991 et 1993.

Quant aux négociations sur les 35 heures, elles restent « les plus difficiles » que Christian Jauny ait eu à conduire dans toute sa carrière de syndicaliste, au point d'ailleurs que FO y a laissé quelques plumes. Par exemple, à la Sogerma, la filiale bordelaise d'Aerospatiale spécialisée dans la maintenance, où la confédération a perdu un siège en janvier au conseil d'administration. La raison de ce vote sanction : durant la négociation, FO avait refusé de s'associer au mouvement de protestation contre la mise en place du travail en équipe le samedi matin…

Les gardiens du temple

Cette stratégie de négociation reste toutefois l'apanage des secteurs en croissance où il y a encore du « grain à moudre », selon l'expression consacrée d'André Bergeron, l'ancien secrétaire général de FO. Ou encore de ceux dotés d'un patronat « désireux de se donner une image sociale », comme ce fut récemment le cas dans la restauration collective, selon Rafaël Nedzynski, secrétaire de la Fédération de l'agriculture. Auprès des salariés, cette stratégie paie, ainsi qu'en témoignent les succès électoraux de FO dans l'industrie automobile, la construction, le commerce, notamment. Mais à ces années fastes durant lesquelles la confédération, interlocutrice privilégiée du patronat, surfait sur la croissance des Trente Glorieuses a succédé une autre ère. Une ère plus défensive, où la remise en cause des acquis marque dorénavant la limite de la stratégie de la négociation. Et avec, dans le rôle des gardiens du temple, les trotskistes, membres du Parti des travailleurs, et présents dans l'organisation depuis les années 70. « En matière de politique contractuelle, nous ronronnions au point de ne plus nous rendre compte que nous allions signer de mauvais accords », explique Bernard Devy, qui vient de prendre la succession d'Antoine Faesch à la tête de la présidence des régimes complémentaires de retraite Arrco. « Les trotskistes nous ont incités à mettre notre pratique en cohérence avec nos discours. »

Une immense peur de l'avenir

Sur les bords de la Loire, on connaît bien ce discours. L'UD de Loire-Atlantique a été durant des années entre les mains d'Alexandre Hébert, connu pour son appartenance au Parti des travailleurs. Aujourd'hui, c'est son fils Patrick qui perpétue l'héritage. Dans chaque numéro de l'Ouest syndicaliste, publication locale, revient cette même photo, prise au début du siècle, d'un ouvrier victorieux, les bras en croix, encadré par deux gendarmes. À longueur de colonnes, les attaques fusent contre l'Union européenne, jugée « incompatible avec le maintien des conventions collectives, la laïcité de l'État et de l'école ». Cette haine de la Communauté européenne va jusqu'au rejet total de la charte des langues régionales, considérée comme une menace pour la République une et indivisible.

Si, dans ce clan, on se démarque de la CGT, c'est pour mieux épingler son recentrage. « La CGT ne parvient même plus à masquer sa capitulation par la radicalisation de son discours », fustige Pierre de Freitas, du Syndicat des assurances. « C'est devenu une CFDT bis, assène Jean-Yves Brochard, responsable des syndicats Métaux d'Ancenis. Avant la CGT allait prendre ses ordres au Kremlin, maintenant elle va les chercher dans les bureaux de la Commission à Bruxelles. »

Ces assertions virulentes irriguent le discours de la confédération, confrontée à la remise en cause par le gouvernement des fondements de la protection sociale, et séduisent une frange non négligeable de salariés. En témoigne le succès de la manifestation du 1er mai organisée par FO sur le thème des retraites : le cortège parisien a fait jeu égal avec celui animé par la CGT et la CFDT réunies sur les 35 heures. En filigrane de ce discours c'est aussi une immense « peur de l'avenir » qui transparaît, souligne Jacques Mairé, passé à l'Unsa. Peur qui, selon lui, est devenue « le ciment commun de FO ».

« Nous sommes dépositaires de ce que les anciens ont conçu », lui rétorque Bernard Devy. Tant il est vrai que ce culte voué à l'héritage des Trente Glorieuses marque une ligne jaune à ne pas dépasser. Pour l'avoir franchie, aux yeux de certains militants de cette tendance, Jacques Lemercier, le patron de FO PTT, pourrait bien en faire les frais au prochain congrès. Convaincu, pour sa part, que les seules organisations qui résisteront à La Poste et à France Télécom seront celles qui « auront pris le virage de la politique contractuelle », cet ingénieur des Télécoms, « Monsieur Bac + 15 », comme on le raille à FO, a signé depuis 1997 de nombreux accords qui contribuent à planter un nouveau décor social dans ces deux entreprises publiques. Au risque de déboussoler encore un peu plus une base restée sur « une culture statutaire très vieux fonctionnaire », analyse un syndicaliste d'une organisation concurrente.

Jacques Lemercier est conscient d'être sur le fil du rasoir : « Chaque fois que l'on signe un accord dans le public, les fonctionnaires ont l'impression de régresser par rapport à ce qu'ils avaient dans le passé », dit-il, tout en misant sur les jeunes générations pour comprendre l'évolution dont il est partisan… Cette orientation n'est pas du goût de l'aile gauche qui, au congrès de l'UD de Loire-Atlantique, a reçu le soutien de Marc Blondel fustigeant le « bonapartisme » de FO PTT.

Un chef d'orchestre à bretelles

Même tiraillées entre des discours et des pratiques aussi contradictoires, toutes les composantes de FO se retrouvent pourtant autour de la défense d'un « syndicalisme modeste », selon la définition de Gérard Adam, du Cnam. « Au ras des pâquerettes, même ! », raillent les plus méchants. Dans son bureau de la rue des Petits-Hôtels, située dans un quartier populaire parisien, Rose Boutaric assume : « Que voulez-vous ! s'exclame cette proche de Marc Blondel. Les vendeuses ne se mobilisent pas pour ou contre le projet de société de Mme Notat, secrétaire générale de la CFDT, mais sur l'abrogation du décret de 37 qui régit leur temps de travail. »

Les accords sur les 35 heures signés par FO portent la marque de ce syndicalisme centré sur la défense des salariés qui privilégie la fiche de paie au détriment de l'emploi et de l'aménagement du temps de travail. À l'instar de l'accord conclu en janvier 1998 dans la métallurgie. « Un excellent accord », au dire de Michel Huc, qui « ne touche pas aux salaires ni à la convention collective », mais qui fut longtemps largement contesté par les autres syndicats pour le peu de place laissé à l'emploi. Ou encore de l'accord donné en exemple en Loire-Atlantique, celui du fabricant de chariots Manitou où « la direction a dû se résoudre à une augmentation salariale de 3 % en sus des 35 heures », explique Jean-Yves Brochard. Mais rien sur l'emploi.

Autre élément de nature à fédérer toutes les composantes de FO, le légitimisme des troupes à l'égard du chef, du « général », tel que Marc Blondel aime à se faire appeler. Avec sa gouaille, son absence de langue de bois et sa forte présence médiatique, ce chef d'orchestre à bretelles réussit depuis 1989 à ne pas briser l'harmonie. C'est d'ailleurs une autre caractéristique de FO : de Robert Bothereau à Marc Blondel en passant par André Bergeron, les secrétaires généraux de FO ont toujours eu le privilège de définir la ligne directrice de toute l'organisation. Ce qui lui épargne, au passage, d'avoir à se mettre d'accord sur un accord de doctrine. « Une fois le congrès terminé et le secrétaire général élu, chacun est assez mature pour faire taire ses divisions », résume Philippe Fraysse, de l'Union régionale Ile-de-France de FO Métaux.

550 permanents à FO PTT !

Mais il y a aussi une autre raison, moins avouable, qui tend à museler tout débat interne. C'est la crainte de perdre sa place au sein de l'organisation ainsi que les différents faire-valoir, fruits de la représentativité nationale, qui lui sont associés. Jacques Mairé en a fait l'amère expérience : « Quitter FO pour l'Unsa est un choix difficile. Parmi ceux qui ont sauté le pas, nous n'avons eu que le caporal et sa section. L'armée mexicaine, elle, n'a pas suivi. Elle a eu peur de perdre son job. »

Un temps compagnon de route de Jacques Mairé, Bernard Sohet, patron de l'UD du Nord, incarne cette logique d'appareil. Patron de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille, fier de voir FO détenir dans ce département « la présidence ou la première vice-présidence d'un certain nombre d'organismes de formation », cet ancien employé du Crédit lyonnais n'a pas sauté le pas vers l'Unsa. « On n'a pas milité pendant trente ans sans que l'organisation représente une grande part de soi. Malgré mes propensions à marquer ma différence, je suis, que je le veuille ou non, un homme d'appareil. » Marc Blondel a su lui marquer sa reconnaissance d'être resté : réélu avec plus de 90 % des voix lors de son dernier congrès départemental, Bernard Sohet vient d'être désigné pour siéger au Conseil économique et social.

À Force ouvrière, cette logique d'appareil revêt une importance toute particulière, ainsi que l'explique un ancien militant aujourd'hui à l'Unsa : « Les statuts de FO ont été conçus pour éviter l'emprise d'un parti et assurer la prédominance du chef, explique-t-il. Mais l'envers de ce décor est que l'on consacre une grande partie de son temps à mettre en place des appareils. » Grâce aux fonds dévolus par l'état à toute organisation reconnue représentative sur le plan national, mais aussi à ceux liés au droit syndical en provenance de certaines entreprises généreuses. C'est ainsi que, en s'appuyant sur les subsides versés par La Poste et France Télécom, FO PTT entretiendrait quelque 550 permanents sur le territoire. Si Jacques Lemercier se refuse à confirmer ce chiffre, il admet que le nombre de ses permanents est supérieur à celui auquel lui donnerait droit sa représentativité électorale. « J'essaie de faire comprendre à mes syndiqués qu'il faut en rendre un peu », reconnaît-il.

Bien sûr FO PTT est loin d'être la seule organisation dans ce cas. Il n'en reste pas moins que, en matière d'institutionnalisation, FO continue d'occuper une place de choix dans le paysage syndical, du fait également de son engagement historique dans toutes les institutions paritaires de gestion dites de « salaire différé » : organismes de formation, caisses de retraite complémentaire, mutuelles, Assedic… Même à la Sécu, où, depuis qu'elle a abandonné la présidence de la Cnam, en 1996, elle a perdu de sa superbe, FO continue, à l'échelon local, de détenir 52 présidences de caisse sur 359.

Ainsi va FO, figée dans une représentation du monde salarial datant des années 50… et fière de l'être. Jean-Claude Mallet, responsable de la protection sociale à la confédération, qui aime parfois à se replonger dans les écrits des « anciens », confirme : « C'est en restant fidèles à ce que nous sommes que nous aborderons le mieux ce nouveau siècle. » Marc Blondel renchérit sans hésitation : « Entre une CFDT vendue au patronat et une CGT déboussolée, nous sommes l'organisation qui a le moins d'états d'âme. » Reste à savoir comment ces certitudes survivront au départ à la retraite de cette génération de militants…

Jean-Claude Mailly, l'homme qui monte

Jean-Claude Mailly, le dauphin de Marc Blondel ? Il aura suffit que le directeur de cabinet du patron de Force ouvrière annonce sa candidature à l'un des 14 postes du bureau confédéral, qui doit être renouvelé lors du congrès en mars, pour que les observateurs avertis de la vie syndicale y voient là un signe d'une probable succession. Jean-Claude Mailly, 47 ans, serait de surcroît l'un des premiers membres à accéder à la direction de FO sans avoir eu de responsabilité syndicale élective. « Mais il est un militant de longue date », souligne un des dirigeants de la confédération. Mailly est en effet dans le giron de FO depuis l'enfance. Son grand-père a créé l'Union départementale du Pas-de-Calais tandis que son père a été à la tête du Syndicat FO des cadres de la Sécurité sociale. Dans la galaxie FO, il est souvent identifié comme un proche de la composante trotskiste mais dément avoir jamais appartenu au Parti des travailleurs. Il travaille depuis 1980 aux côtés de Marc Blondel et n'a cessé de le suivre. Une forte amitié lie les deux hommes. Jean-Claude Mailly a été l'un des témoins du mariage, en 1996, du « général » avec « Cacahouète », sa secrétaire. Marc Blondel a annoncé qu'il rempilerait pour quatre nouvelles années à la tête de FO mais que ce serait son dernier mandat. La question de sa succession est de fait posée. Dans ce syndicat où ce patron est un des principaux ciments d'une organisation hétéroclite, l'élection du secrétaire général est un élément crucial. René Valladon, secrétaire confédéral chargé de l'Europe et de l'international, ainsi que Jean-Claude Mallet, ex-patron de la Cnam aujourd'hui chargé de la protection sociale, sont des candidats potentiels. Quant à Jean-Claude Mailly ? « C'est sans fondement et prématuré, se défend un cadre de l'organisation. Nous ne voulons pas revivre les tangages de 1989 lors de la succession d'André Bergeron. Ce serait préjudiciable au syndicat. Blondel veut un congrès rassembleur et ne pas voir de candidature pour l'instant. » Ainsi a parlé le chef.

Auteur

  • Valérie Devillechabrolle, Frédéric Rey