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Routiers et taxis roulent branchés

Dossier | publié le : 01.03.2000 | J.-Ph. D.

L'habitacle des taxis et les cabines des poids lourds sont peu à peu gagnés par les moniteurs, systèmes de localisation et terminaux de paiement. Ces nouveaux outils censés faciliter la vie des roulants sont aussi un sacré fil à la patte.

Finie la voie nasillarde qui égrenait la litanie des courses à prendre dans les radios des taxis. Désormais, les commandes s'affichent sur l'écran d'un moniteur installé près du volant du chauffeur. Celui-ci peut non seulement y lire les coordonnées exactes du client, mais également savoir s'il présente un handicap ou s'il paie par prélèvement automatique. C'est du moins le cas dans les 2 750 véhicules de la compagnie des taxis parisiens G7, équipés d'un ordinateur de bord relié par satellite à la centrale de réservations. Ces systèmes embarqués comprenant un moniteur couplé à un GPS (global positioning system), les routiers les voient eux aussi arriver progressivement dans leur cabine. Comme les chauffeurs de taxi, ils ne reçoivent plus leurs ordres de mission de vive voix, mais par écran interposé. Une vraie révolution.

Cette innovation technologique est tout d'abord censée leur faciliter le travail. Premier avantage : avec l'écrit, les risques d'erreur se trouvent réduits. « C'est surtout vrai dans les pays étrangers où les noms des villes sont parfois difficiles à saisir », estime Christian Leleu, P-DG des Transports Leleu (50 salariés, 40 millions de francs de chiffre d'affaires, dont 40 % réalisés en Europe de l'Est). Par ailleurs, les routiers n'ont plus besoin d'attendre des heures dans des cafés, à côté du téléphone, pour connaître leurs ordres de mission. Ceux-ci s'affichent dorénavant sur l'écran du moniteur et restent stockés en mémoire si le chauffeur n'est pas dans sa cabine. Un système qui peut s'avérer utile en cas de litige. « Comme les messages sont mémorisés pendant trois mois, si le donneur d'ordres s'est trompé et ne veut pas le reconnaître, il est facile de prouver sa faute. Ça permet de nous couvrir », ajoute Jean-Claude Ducarne, 53 ans, routier indépendant depuis trente-deux ans.

Une perte de liberté mal vécue

Avec le GPS, n'importe quel véhicule peut être localisé minute par minute et à 100 mètres près. Ce qui permet à la compagnie G7 d'annoncer les courses non plus à l'ensemble des taxis, mais uniquement à celui qui se situe dans la zone la plus proche. « Avec le GPS, un taxi peut facilement doubler le nombre de ses courses par jour », affirme Laurent Rasseneur, le directeur informatique de la G7. Le GPS est également d'une grande utilité en cas d'accident, de panne ou d'agression. « Récemment, nous avons pu localiser et envoyer des secours à un chauffeur victime d'un malaise dans sa cabine », raconte Christian Leleu. En cas de problème, les taxis de la G7 ont la possibilité de contacter la centrale en appuyant sur un bouton d'alerte caché sous le volant.

Selon la compagnie, le GPS connaît un tel succès auprès des chauffeurs qu'ils doivent patienter plusieurs années avant de pouvoir s'abonner, en dépit d'un coût d'abonnement élevé, de l'ordre de 1 500 francs par mois pour les taxis de jour, et de 2 000 francs pour les taxis de nuit, supposés effectuer davantage de courses. Pour ce prix, l'entreprise prend en charge l'équipement (environ 30 000 francs), l'installe dans le véhicule et en assure la maintenance. Outre le moniteur et le GPS, le kit comprend un terminal de carte Bleue et une imprimante pour éditer les justificatifs de paiement. Les bénéficiaires suivent une première formation de trois jours pour maîtriser le système informatique, puis une autre, d'une durée équivalente, afin d'être en mesure de résoudre d'éventuels problèmes techniques.

Mais ce confort a un revers : « Avec le système à la voix, on pouvait se permettre de refuser une course à une adresse que l'on savait malfamée, regrette Antoine Di Duca, 68 ans dont quarante-trois au volant d'un taxi. Maintenant, comme il faut d'abord accepter la commande pour en connaître les coordonnées, on ne peut plus reculer. » Une perte de liberté qui concerne aussi les routiers et qu'ils vivent d'autant plus mal qu'elle leur est imposée. « Au début, j'ai refusé d'utiliser le GPS par peur d'être surveillé, témoigne Jean-Marie Palerme, 35 ans, routier depuis treize ans. Mais je n'ai pas eu le choix. »

De leur côté, les transporteurs se défendent vigoureusement de profiter du système pour traquer leurs salariés. Pour Xavier Andugar, directeur des études et du développement de l'organisateur de transport Groupeco (80 salariés, 371 millions de francs de chiffre d'affaires, 232 camions sous contrat), « les chauffeurs qui se sentent fliqués sont ceux qui n'ont pas la conscience tranquille ». Il n'empêche que chauffeurs de taxi et routiers ont, avec les systèmes embarqués et le GPS, perdu un peu de leur indépendance.

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  • J.-Ph. D.