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Pas de retard sur le privé

Dossier | publié le : 01.03.2000 | J.-Ph. D.

L'État dépense sans compter pour adapter ses administrations à la société de l'information et de la communication. Une volonté politique qui s'accompagne toutefois de quelques bugs.

Plutôt branchés, les fonctionnaires. Les clichés sur la fonction publique championne toutes catégories de la paperasserie ne vont bientôt plus avoir cours. Un récent rapport du Commissariat général du Plan (1) en apporte la preuve éclatante. Il démontre que la proportion de salariés (ouvriers compris) utilisant l'informatique est plus importante dans les administrations – hors santé et collectivités locales – que dans le secteur privé. De 1997 à 1999, le parc informatique de la fonction publique d'État est passé de 420 000 à 500 000 ordinateurs et le nombre de micros connectés en réseau a doublé. Depuis l'adoption, le 16 janvier 1998, du programme d'action gouvernementale pour la société de l'information (Pagsi), la modernisation de la fonction publique est même devenue une priorité nationale. Chaque année, 7 milliards de francs sont consacrés au développement et à l'entretien des systèmes d'information des administrations civiles de l'État ; 7 autres milliards sont investis par les collectivités locales dans le déploiement des technologies de l'information et de la communication (TIC).

L'éducation nationale en pointe

De toutes les administrations, l'Éducation nationale est sans nul doute l'une des plus en pointe. « D'ici à cinq ans, 25 000 salariés de l'encadrement (inspecteurs, chefs d'établissement, conseillers d'administration scolaire et universitaire) vont être formés aux nouvelles technologies, assure René Azemar, responsable de la formation continue au rectorat de Poitiers. Il était temps : des chefs d'établissement étaient confrontés à des problèmes techniques, de renouvellement du parc informatique ou de création d'un site Web sans y avoir été préparés. Leur moyenne d'âge est, il est vrai, plutôt élevée, et rares sont ceux qui travaillent déjà sur ordinateur. »

Depuis deux ans, lycées et collèges communiquent par e-mail avec leur rectorat et des logiciels spécialement conçus pour l'enseignement font leur apparition. La GEP (gestion des élèves et des professeurs) permet, par exemple, de saisir au fur et à mesure les notes et d'envoyer automatiquement aux parents les bulletins tous les deux mois, au lieu de tous les trimestres ou tous les semestres. « Toutes les notes y figurent et pas seulement sous forme de moyenne. Les familles peuvent ainsi juger de la régularité de leur enfant, mais aussi vérifier le nombre d'interrogations écrites », explique Claude Bégué, proviseur du lycée professionnel Norbert-Casteret de Saint-Gaudens.

Autre innovation, le tout nouveau logiciel de gestion de l'emploi du temps. « Grâce à cet outil, l'emploi du temps est actualisé en temps réel. Il permet également de gérer automatiquement les absences des professeurs. Plus la peine de pointer à la main les heures de chaque enseignant à la fin du mois », explique Élisabeth Carteret, principale adjointe au collège Victor-Hugo de Nanterre. Mais le must s'appelle Concilio, un logiciel spécialement conçu pour les… conseils de classe. « Les résultats de chaque élève s'affichent sur écran sous forme de graphiques et peuvent être comparés trimestre par trimestre ou par rapport à la moyenne de la classe. Cela permet aux enseignants et aux représentants des parents d'élèves d'avoir une vision plus globale et d'être plus objectifs dans leurs jugements », souligne Élisabeth Carteret.

Les efforts de l'Éducation nationale portent également sur les inspecteurs. « Ils sont les porte-parole de l'administration centrale. Ils doivent donc savoir maîtriser les nouveaux outils informatiques pour mieux les vendre sur le terrain », explique Jean Duchaine, sous-directeur à la technologie au rectorat de Poitiers. Jean-Claude Prilleux, inspecteur du premier degré (maternelle et primaire) aux Sables-d'Olonne, se sert tous les jours d'Internet pour communiquer avec d'autres inspecteurs et consulter le Bulletin officiel en ligne, afin de prendre connaissance des dernières circulaires en vigueur. Guy Pouzard, inspecteur général, se fait envoyer par courrier électronique tous les renseignements (structure pédagogique, nombre d'élèves, nombre de professeurs, répartition par disciplines…) qui lui sont nécessaires avant chaque visite à un collège ou à un lycée. « Cela me fait gagner un temps fou et me permet de mieux cibler mes interventions. »

D'une manière générale, l'informatisation de la fonction publique vise à gagner du temps dans les procédures et à tendre vers le zéro papier. La Communauté d'agglomération de Saint-Brieuc (Cabri) tente d'imposer l'e-mail comme moyen de communication avec ses quatorze communes adhérentes. Grâce à son nouveau logiciel, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) va pouvoir informer au jour le jour les collectivités locales des disponibilités des candidats ayant réussi les concours. Auparavant, les opérations étaient effectuées à la main et les dossiers étaient le plus souvent traités avec une semaine de retard.

Gendarmerie et culture ne sont pas en reste

Grâce au réseau de transmission numérique à haut débit Rubis, les commandants de brigade de gendarmerie n'ont plus à envoyer par écrit toutes les semaines la synthèse des ordres de mission et des bulletins de service à la direction nationale. Désormais, ils saisissent ces documents sur ordinateur, puis les expédient par le réseau vers Paris, où ils alimentent directement la base statistique des crimes et délits.

Le ministère de la Culture n'est pas en reste. Dorénavant, les restaurateurs intègrent dans une base de données les meubles réparés, les jardiniers de l'Élysée gèrent leurs stocks de plantes et de semences sur PC, les surveillants de musée s'initient à la sécurité (incendie, protection des visiteurs, conservation des œuvres…) sur CD-ROM. Outre les équipements, les efforts du ministère portent sur la formation de ses fonctionnaires : « 2 400 agents sont formés chaque année durant cinq jours à la bureautique et aux nouveaux outils », se flatte Irène Trunel, responsable des formations aux nouvelles technologies de l'information et de la communication au ministère de la Culture.

Michel Kerbellec n'en faisait pas partie. Photographe aux Archives nationales, il n'a pas – comme les 13 autres membres de son équipe – reçu de formation à l'informatique. Pourtant, l'ordinateur est en train de bouleverser son métier. Les chambres noires et les développements à la main, c'est fini depuis belle lurette. Aujourd'hui, Michel Kerbellec photographie les documents historiques à l'aide d'un appareil numérique, retouche les clichés sur ordinateur, puis les stocke sur CD-ROM. « Mes photos, je ne les regarde plus qu'au travers d'un écran », regrette-t-il. Mais ce qu'il déplore le plus, c'est le manque de moyens, qui tranche avec les discours tenus par son administration de tutelle. « Pour avoir une imprimante couleur à 1 500 francs, nous avons dû attendre un an et demi. » Récemment, son service a cessé de travailler pendant quatre mois. Le temps que l'appareil numérique de stockage commandé soit enfin livré…

(1) « L'État et les technologies de l'information et de la communication : vers un service public à accès multiples ».

Auteur

  • J.-Ph. D.

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