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Question de responsabilité

Livres | publié le : 01.04.1999 | H. G.

La vraie morale se moque de la morale. Être responsableAlain EtchegoyenSeuil. 208 pages, 110 francs.

L'échec du procès du sang contaminé aura mis en évidence un double phénomène : l'importance prise par la notion de responsabilité, d'une part, la difficulté d'appréhender cette notion d'une façon qui satisfasse à la fois la justice et la morale, d'autre part. De fait, note Alain Etchegoyen, le mot « responsabilité », bien qu'il soit vieux de deux siècles, a acquis récemment un nouveau statut en devenant ce que le philosophe appelle un « maître mot », en référence à ces maîtres queux qu'il vénère en tant que gastronome.

« Quand un mot devient un maître mot, on en use et on en abuse », constate l'auteur, qui rappelle que le concept de qualité a connu les mêmes mésaventures dans les entreprises. Mais, dans cet usage débridé du mot, il voit d'abord un symptôme : « Si le mot de “responsable” est ainsi utilisé, c'est qu'il renvoie à une tradition juridique dans laquelle la responsabilité ne concerne que des dommages et des victimes, et jamais des actes positifs. »

Cette omniprésence de la dimension juridique cache la vraie nouveauté, qui est l'émergence de la responsabilité comme principe moral dans nos sociétés modernes. Cette ambivalence entre le juridique et la morale se retrouve dans les nombreux débats suscités aujourd'hui par la question de la responsabilité. Juridiquement, le Conseil constitutionnel a, par exemple, rejeté la notion de responsabilité collective des médecins à propos du contrôle des dépenses de santé. Mais, moralement, l'argumentation est très contestable : « Les médecins, estime Alain Etchegoyen, se mettent ainsi dans une logique purement juridique qui débouche nécessairement sur des pratiques policières de surveillance tatillonne. »

La plupart des réglementations vont dans le même sens : dissuader d'agir. Du même coup, la prise de risque devient de plus en plus rare dans nos sociétés. Le chef d'entreprise se trouve quant à lui face à d'inextricables conflits de responsabilité. Lorsqu'il ferme une usine peu productive, il fait incontestablement preuve d'esprit de responsabilité pour l'actionnaire. Mais cette décision intellectuellement pertinente apparaîtra moralement mauvaise aux yeux de ses salariés. Qui plus est, remarque le philosophe, ce type de décision intègre rarement l'épreuve de responsabilité qui consisterait, pour le patron, à aller justifier lui-même son choix devant les salariés concernés.

Ce livre soulève avec talent de multiples questions d'actualité, à travers un prisme rarement pris en compte par les sociologues et autres spécialistes du social. Mais ce point de vue philosophique ne facilite pas toujours sa lecture, les intermèdes gastronomiques éparpillés entre les chapitres compliquant la tâche du lecteur.

Auteur

  • H. G.