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Les pays du Nord en pointe

Dossier | publié le : 01.04.1999 | S. P.

Nos voisins européens planchent sur des dispositifs au niveau national permettant de valider les compétences acquises dans les entreprises. Et s'inspirent de la Grande-Bretagne, dont les fameuses National Vocational Qualifications servent de modèles à de nombreux pays pour construire un répertoire national des qualifications.

Promouvoir l'expérience acquise dans l'entreprise n'est pas une préoccupation franco-française. De nombreux pays étudient la possibilité d'accéder, par la formation continue, à un diplôme de formation initiale. « Il existe, un peu partout en Europe, des dispositifs similaires à la validation des acquis professionnels (VAP), qui permettent aux salariés ou aux demandeurs d'emploi d'obtenir un diplôme de formation initiale », souligne la consultante Danielle Colardyn, professeur au Collège d'Europe à Bruges et chargée de COUTS à l'université Paris II. Les cursus de formation répartis en modules, la prise en compte de l'expérience professionnelle et des acquis, les parcours individualisés de formation, l'utilisation de nouvelles technologies abondent dans ce sens. Au Danemark, le plan pour l'apprentissage des adultes leur permet de se former en alternance et d'obtenir les mêmes diplômes que ceux délivrés en formation initiale. « Le système conjugue les acquisitions de la formation et celles de l'expérience », souligne François Aventur, du Cereq.

Dans la plupart des pays européens des procédures de validation des acquis ont été mises en place et permettent de prendre en compte l'expérience cumulée par le travail. « Il n'y a que les conditions et les modalités d'obtention qui changent sensiblement », remarque Michel Feutrie, responsable de la formation continue de l'université Lille I. Le Portugal a, comme la France, instauré un examen pour entrer à l'université. Dans certains pays, des cours spécifiques sont proposés aux adultes afin de les préparer à l'enseignement supérieur. C'est notamment le cas du Royaume-Uni, avec les access courses. Les salariés qui n'ont pas le General Certificate of Education (certificat d'études générales) peuvent être admis à l'université s'ils réussissent cette préparation.

Comme en France, on assiste dans les différents pays voisins à la naissance et au développement d'une logique de compétences validées « en situation de travail ». « Elle est généralement déconnectée du système de formation initiale, c'est-à-dire qu'elle ne se préoccupe pas de la formation antérieure ou d'un diplôme requis ajoute Danielle Colardyn. Certifier les compétences est une approche centrée davantage sur l'entreprise que sur les individus. »

La plupart des initiatives observées se développent ainsi dans les entreprises. Mais, contrairement à ce qui se passe en France, elles font preuve d'un souci accru de coopération avec le système éducatif. Dans certains cas, cet état d'esprit provient de relations anciennes entre les entreprises et le monde de l'éducation. Au Danemark, par exemple, cela découle de la longue tradition de l'apprentissage. En Suède, les entreprises jouent la carte de la coopération avec le système éducatif parce qu'elles ont besoin de trouver à l'extérieur les ressources utiles pour mettre au point des formations.

Les compétences purement spécifiques à une entreprise ne sont guère exportables à l'échelle d'une branche, a fortiori d'un autre pays. « Il existe peu de dispositifs nationaux d'identification des compétences professionnelles », souligne François Aventur. On peut néanmoins citer celui des National Vocational Qualifications (NVQ), qui place le Royaume-Uni dans une position sans équivalent en Europe. La preuve en est que de nombreux dispositifs s'en inspirent, en Australie, au Mexique et en France, visant à construire un répertoire national des qualifications.

Les employeurs britanniques boudent les NVQ, qui n'apportent pas assez de garanties

Avec le système des NVQ, les salariés sont évalués en situation de travail en fonction des standards de compétences (ce que l'on appelle en France des référentiels de compétences). Dès le début, des représentants des entreprises mais souvent aussi des organisations syndicales britanniques, ont largement participé à l'élaboration et à la mise en œuvre de ces standards, en association avec les milieux de la formation. Une collaboration qui confère une légitimité au système et une grande transparence vis-à-vis du monde de l'entreprise, dont les besoins réels en qualifications sont pris en compte. De plus, les NVQ sont plus souples que nos CQP : elles ne valident pas une compétence globale car elles sont construites de manière modulaire. Enfin, si les NVQ ont été mises en place au départ pour évaluer les compétences des salariés dont le niveau de qualification générale et professionnelle était alors considéré comme insuffisant, elles ont été étendues depuis 1986 aux jeunes trop nombreux à quitter la sphère éducative sans bagage professionnel reconnu. Aujourd'hui, le système est relativement ouvert : que l'on soit en formation, en apprentissage, salarié ou demandeur d'emploi, il est possible de faire valider ses compétences par les NVQ. « La volonté des pouvoirs publics britanniques est de faire du dispositif des NVQ une alternative au processus de certification de l'appareil éducatif », constate François Aventur. Les organismes de formation sont d'ailleurs largement incités financièrement à adopter ce dispositif. Reste qu'il est utilisé. dans des secteurs bien déterminés, où il n'existe peu ou pas de certification professionnelle. En outre, il est surtout employé pour des jeunes qui éprouvent des difficultés à s'insérer.

Les pays nordiques innovent

Côté entreprises, en revanche, les NVQ n'ont pas la cote. Les employeurs britanniques rechignent à les adopter pour former leur personnel. Leur caractère trop fragmenté, centré sur l'évaluation des performances dans un contexte précis, ne rend pas suffisamment compte de la complexité des processus d'apprentissage et de construction des compétences. Enfin, ils n'apportent pas de garantie suffisante sur la pertinence à long terme des qualifications qu'ils certifient. « Résultat, là aussi, les entreprises adoptent des modes de gestion des compétences spécifiques à usage et valeur internes qui n'ont pas le label NVQ, même s'ils s'en inspirent », constate François Aventur. Une entreprise ferroviaire britannique a ainsi abandonné le système des NVQ pour développer un programme spécifique de formation interne. Et Jean-Michel Joubier, animateur du secteur formation de la CGT, de citer le chiffre d'à peine 3 % des salariés britanniques certifiés par les NVQ.

L'Espagne ou quelques pays nordiques (Suède, Finlande, Danemark) comptent parmi les seuls pays à mener actuellement des expériences intéressantes. Elles visent à professionnaliser davantage le système de formation, de manière à offrir aux entreprises une main-d'œuvre dont les qualités soient plus facilement repérables et proches de leurs besoins. Attention cependant : ces expériences sont tout juste en phase de démarrage. Rien n'augure de leur succès… Au Danemark, le gouvernement réfléchit à la construction d'un procédé de validation des compétences des adultes permettant de rendre plus lisibles les titres de la formation professionnelle continue et d'en réduire le nombre. Là encore, la question de la certification des compétences se pose différemment : l'apprentissage, qui combine formation théorique et pratique en entreprise, garantit la capacité professionnelle d'une personne. Dans ce contexte, le parti pris n'est pas de bouleverser le système de formation initiale dans sa logique professionnelle, comme c'est le cas au Royaume-Uni, ou de mettre en concurrence plusieurs dispositifs, mais bien de bâtir des formes de certification où, d'une part, système éducatif et entreprises soient associés et où, d'autre part, la valeur des titres repose sur une négociation collective.

La formation continue dans l'Europe des Quinze

Source : « Formation professionnelle initiale et continue en Europe », mars 1999

Auteur

  • S. P.