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Enquête

« La révolution du DIF aurait été d'en faire un outil de négociation obligatoire dans l'entreprise »

Enquête | L'entretien avec | publié le : 27.04.2010 |

E & C : Les compteurs DIF sont pleins. Est-ce un échec ?

J.-P. W. : C'est un peu tôt pour l'affirmer définitivement. Mais ce dispositif a trois handicaps majeurs.

Le premier est que les entreprises n'ont pas l'obligation de former les salariés à leur poste de travail, mais de les y adapter. Cette adaptation peut se faire par divers moyens : la formation, dont le DIF, certes, mais également l'activité, l'expérience, l'accompagnement tutoré, le parrainage, la modulation d'objectifs, la mise à disposition de ressources...

Le deuxième handicap est né d'une erreur des syndicats : celle de considérer que le DIF doit par nature se porter sur des acquisitions de compétences périphériques au poste de travail, « en plus du plan ». Cette erreur est à la fois stratégique et pédagogique.

Stratégique : car plus le DIF est périphérique aux enjeux inscrits au sein de la relation de travail, plus il est aisé à refuser de la part de l'entreprise. Refuser une formation déconnectée de la fonction, et plus encore du poste de travail, n'entraîne aucune conséquence particulière pour l'entreprise. En revanche, refuser une formation dans la fonction ou dans le poste c'est, soit reconnaître que le salarié est compétent, ce dont celui-ci pourra se prévaloir, soit avoir recours à d'autres moyens d'adaptation. Dans tous les cas, la «mise sous tension» de la décision de l'employeur est bien plus importante.

E & C : En quoi l'erreur syndicale est-elle également pédagogique ?

J.-P. W. : Elle est pédagogique dans le sens où suivre une formation pour acquérir des compétences que l'on n'aura pas l'occasion de mettre en oeuvre a peu d'intérêt. Dans un tel cas, la déperdition de connaissances est à peu près aussi rapide que leur acquisition. Le risque de perte de temps et d'argent est élevé. Les entreprises le savent.

E & C : Quel est le troisième handicap du DIF ?

J.-P. W. : En écartant le DIF du poste de travail et de la fonction, on a diminué sa portée stratégique et politique. Les organisations syndicales n'ont pas fait le diagnostic que, si les entreprises acceptaient de ne pas utiliser le DIF sur des actions d'adaptation, c'était souvent pour mieux préserver leur pouvoir de décision sur l'essentiel des politiques de formation : c'est-à-dire les actions qui accompagnent et construisent vraiment la performance individuelle et collective. La première révolution potentiellement portée par le DIF aurait été de lui donner une capacité de négociation, individuelle et/ou collective, sur les moyens à mobiliser pour professionnaliser les salariés par la jonction entre le DIF et le plan de formation.

E & C : L'avenir du DIF se trouve-t-il alors dans sa portabilité ?

J.-P. W. : Quelle est la nature de la portabilité figurant dans la loi ? Il ne s'agit ni d'un droit opposable au nouvel employeur, ni d'un droit de créance permettant au salarié de faire valoir le droit antérieurement acquis : l'effectivité du droit reste conditionnée par les disponibilités financières des Opca. Loin d'une transférabilité du DIF, la loi consacre donc une portabilité incomplète en ce qu'elle n'offre au salarié qu'une possibilité d'obtenir un financement pour une formation et non un droit de créance effectif.