La presse s'est largement fait l'écho des suicides chez France Télécom. Situation étrange, lorsque l'on connaît les positions respectives des deux parties en présence, les organisations syndicales n'évoquent « que » 25 suicides liés aux conditions de travail depuis deux ans alors que la direction fait état de 32 décès. Mais au-delà de ce décompte morbide, et de la reconnaissance, par Didier Lombard, l'ex Pdg du groupe, d'une « mode » dépressive susceptible de contaminer bon nombre de salariés à la vitesse d'un virus, les responsables de France Télécom - comme d'ailleurs les autres dirigeants d'entreprises où ont été récemment déplorés des suicides - ont du mal à mettre en cause l'organisation du travail dans cette hécatombe. Un sociologue qui fut lui-même salarié de France Télécom et une psychiatre qui a reçu de nombreux salariés de l'opérateur téléphonique font le point sur le management par le stress et la terreur qui conduit des salariés très impliqués dans leur travail à retourner la violence contre eux-mêmes ou contre leurs collègues. Pour eux, le danger ne se limite pas à l'entreprise de téléphonie et les dégâts excèdent largement le problème des suicides très médiatisés. Le management par la menace, titre de la postface de Bernard Floris, lui aussi sociologue, n'est pas conjoncturel mais structurel. C'est le revers inévitable de la course à la productivité dans une logique où les profits sont devenus la priorité absolue.

Marin Ledun a été, pendant sept ans, chercheur en sociologie dans la Recherche et Développement grenobloise de France Télécom.

Brigitte Font Le Bret est médecin du travail et psychiatre à Grenoble.