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Enjeux

L'obligation de reclassement au sein du groupe de sociétés

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 27.04.2010 |

Le 30 juin 2009, le Parlement a adopté une proposition de loi « visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement », qui sera débattue très prochainement au Sénat.

Cette proposition de loi cherche à résoudre deux difficultés auxquelles sont trop souvent confrontés les praticiens : respecter l'obligation de reclassement des salariés dont le licenciement pour motif économique est envisagé et offrir des postes dont le niveau de rémunération est acceptable par les intéressés.

Le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés. Ces efforts, trop souvent négligés, sont pourtant un préalable indispensable à l'obligation de reclassement.

L'obligation de reclassement reste, pour sa part, difficile à mettre en oeuvre. Elle doit être envisagée, selon l'article L. 1233-4 du Code du travail, « dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ». A défaut, le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse (Soc. 1er avril 1992).

Cette définition légale est nettement plus large que celle retenue par la jurisprudence qui considère, depuis l'arrêt Videocolor du 5 avril 1995, que le périmètre d'un groupe de reclassement est circonscrit aux entreprises du groupe qui offrent la possibilité d'effectuer la « permutation » de tout ou partie du personnel.

Pour autant, lorsqu'un groupe est composé de nombreuses entités, il est parfois difficile de délimiter avec certitude les entreprises qui peuvent permuter tout ou partie de leurs salariés.

La tâche est d'autant plus ardue que le critère de permutabilité est très factuel. Il n'est donc pas nécessaire que les entreprises aient des liens financiers entre elles (Soc. 24 juin 2009). Il suffit que leur organisation et leurs relations de partenariat permettent la permutabilité des salariés (Soc. 15 janvier 2002).

Passé l'obstacle de la définition du périmètre des recherches de reclassement, l'employeur doit proposer l'ensemble des postes disponibles en France ou à l'étranger sous réserve que « la législation applicable localement n'empêche pas l'emploi des salariés étrangers » (Soc. 7 octobre 1998), et ce, contrairement à ce qu'avait suggéré le ministre du Travail (Instruction DGEFP n° 2006-01 du 23 janvier 2006).

Le montant de la rémunération n'est donc pas un critère de sélection des postes de reclassement.

Les licenciements prononcés par la société Olympia, sans avoir au préalable proposé des postes disponibles en Roumanie pour un salaire mensuel de 110 €, ont donc été jugés dépourvus de cause réelle et sérieuse (CA de Reims 13 mai 2009).

Cette solution jurisprudentielle se heurte toutefois à l'incompréhension de l'opinion publique. Ainsi, la société Continental a récemment provoqué un scandale médiatique en proposant aux salariés concernés par la fermeture de son site de Clairoix des postes en Tunisie pour un salaire de 137 € par mois.

C'est pourquoi le législateur envisage d'imposer que le reclassement en France, comme à l'étranger, soit recherché parmi les postes assortis d'une « rémunération équivalente ».

Cette mention vise à cantonner les recherches de reclassement à des postes dont la rémunération est comparable à celle qui était versée au salarié concerné. Les offres de reclassement jugées indignes d'être acceptées pourraient donc être délaissées.

La présidente de la chambre sociale de la Cour de cassation, Madame Collomb, a d'ores et déjà indiqué que la jurisprudence tiendrait compte de cette évolution législative. Il est toutefois possible de s'interroger sur l'avenir jurisprudentiel d'un engagement qui sera confronté à la collégialité des décisions de la chambre sociale de la Cour de cassation même si le juge est, par ailleurs, tenu d'appliquer la loi.

Les modalités pratiques des offres de reclassement devraient également être, au fil des travaux parlementaires, très largement remaniées. Mais, une fois de plus, l'instabilité législative risque fort d'accroître les interrogations des praticiens et l'insécurité juridique.

Céline Pagny-Clairacq et Stanislas DUBLINEAU,

avocats associés au cabinet IDAvocats, membre d'Avosial, le syndicat des avocats en droit social