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Le personnel de la Défense massivement redéployé

Les pratiques | publié le : 13.04.2010 |

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Le personnel de la Défense massivement redéployé

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D'ici à 2014, le ministère de la Défense devra supprimer 54 000 emplois et conduire un vaste plan de mobilité. Un quart des effectifs touchés sont des civils. Des mesures financières et sociales doivent faciliter la mobilité et les départs volontaires.

La professionnalisation des armées a, ces dernières années, fait fondre les personnels du ministère de la Défense : de 600 000 en 1996, ils sont passés à 321 000 en 2009. Mais, depuis 2009, la recherche de productivité à l'oeuvre dans la RGPP (révision générale des politiques publiques) met une pression supplémentaire. D'ici à 2014, le ministère devra supprimer 54 000 emplois : les trois quarts à cause de la RGPP et un quart pour répondre aux analyses du livre blanc de la Défense (adaptation des effectifs en fonction de la menace). Avec, à la clé, 83 sites fermés et 33 casernes et unités déménagées.

« C'est le plus grand plan social sur le territoire », assure Luc Scapini, secrétaire général CFDT-Défense. Les emplois qui devront disparaître ? Pour 75 % d'entre eux, ce sont des fonctions de soutien - administration, transport, restauration, etc. - que se partagent civils et militaires, et, pour 25 %, des emplois opérationnels occupés par les militaires.

Plan d'accompagnement des restructurations

Pour atteindre cet objectif, les départs à la retraite ne suffiront pas. Il faut inciter au départ, mais aussi organiser un vaste mouvement de mobilité géographique, notamment vers les nouvelles bases de défense censées mutualiser les moyens. Un plan d'accompagnement des restructurations (PAR) a été mis en place pour mener à bien ces deux chantiers, avec des dispositifs distincts pour les populations civiles et militaires.

Si la mobilité des militaires ne pose guère de problème - encore que cette catégorie verra sa mobilité multipliée par deux en 2010 -, celle des civils est plus problématique. Les cadres ne représentant que 12 % des fonctionnaires du ministère, les restructurations affectent surtout les catégories C (fonctions d'exécution), B (fonctions d'application et de rédaction) et des ouvriers de l'Etat, populations souvent peu mobiles, notamment pour des raisons financières. Le plan comporte donc des aides à la mobilité géographique (à partir de 20 km). Elles peuvent aller jusqu'à 30 000 euros, le même montant que celui pratiqué dans les plans de restructuration précédents, mais deux fois plus élevé que la prime de restructuration mise en place pour l'ensemble de la fonction publique en 2008. « Il était difficile de faire moins, alors que nous allons supprimer beaucoup plus de postes que lors des restructurations précédentes », justifie Jacques Roudière, DRH du ministère de la Défense.

Indemnités de départ volontaire

Plutôt généreuses pour les ouvriers de l'Etat - jusqu'à 91 470 euros -, les indemnités de départ volontaire (IDV) ont été victimes de leur succès, avec 1 000 demandes pour seulement 500 budgétées en 2009. En puisant dans le contingent des IDV des fonctionnaires, qui ont été boudées, car moins intéressantes sur les plans financier et fiscal, 553 demandes ont finalement été accordées. Les IDV pour les ouvriers de l'Etat seront révisées à la baisse pour 2010.

A partir de l'annonce de la suppression de son poste, chaque agent a un an pour se positionner. Durant cette période, trois propositions lui sont faites, assorties ou non de formations, à la Défense ou par détachement dans d'autres ministères. Il a un mois pour répondre à chaque proposition. Ses interlocuteurs sont, dans son établissement, l'antenne mobilité reclassement composée de responsables RH et d'assistantes sociales.

Au niveau régional, une cellule régionale mobilité reclassement (CRMR) met en oeuvre les entretiens individuels, établit les propositions d'emploi et effectue le suivi administratif. Parallèlement, des structures de concertation employeurs-syndicats ont été mises en place localement. Au niveau national, un comité paritaire de suivi des restructurations (CSR) se réunit une fois par mois. Le DRH a également déployé, sur toutes les régions militaires, huit médiateurs (des officiers généraux à la retraite) chargés de mettre de l'huile dans les rouages. C'est le cas du médiateur pour les régions Languedoc-Roussillon, Paca et Corse, le contre-amiral Daniel Fabre : « Je connais personnellement les 50 agents qui restent à reclasser à Montpellier sur 280, suite à la fermeture prochaine de deux établissements. J'interviens auprès des acteurs de la chaîne RH pour alerter sur les cas les plus difficiles. Je sensibilise également les autres employeurs étatiques locaux pour qu'ils prennent des fonctionnaires en détachement. »

Réorganisation de la fonction RH

Pour améliorer la visibilité des gestionnaires RH de la fonction publique sur les emplois en dehors du ministère, la filière RH est en réorganisation depuis janvier 2010, avec la création de centres ministériels de gestion. Les cellules mobilité y sont maintenant rattachées et devraient faire des propositions de postes plus nombreuses. Reste que la RGPP frappe l'ensemble de la fonction publique, réduisant les possibilités de mobilité dans le même bassin d'emploi.

Entourer les individus, ne pas les laisser seuls avec « une pression très anxiogène » est le leitmotiv du DRH, qui se dit soucieux de prévenir les risques psychosociaux. Les organisations syndicales ne s'en satisfont pas. « Le ministère met en oeuvre cette réforme de grande ampleur avec les outils des précédentes réformes », regrette Gilles Goulm, secrétaire général de Force Ouvrière-Défense.

Son homologue de la CFDT, Luc Scapini aurait préféré, à une simple concertation, une véritable négociation sur le PAR, comme dans le secteur privé. Il estime, en outre, que les moyens ont été réduits : « L'accompagnement social des précédentes restructurations prévoyait la mise à disposition des agents auprès de la fonction publique territoriale, compensée à hauteur de 80 % du salaire par le ministère de la Défense. Elle est passée aujourd'hui à 20 %, donc les collectivités ne sont plus intéressées. »

Statut contre compétences

Autre problème : la gestion statutaire entre parfois en conflit avec la gestion des compétences. Pour des raisons purement techniques de statut, un fonctionnaire qualifié pour occuper un poste dans un établissement militaire d'une autre région peut voir sa demande recalée. Déléguée CFDT à l'école d'infanterie de Montpellier (qui doit bientôt fermer), Marie-Brigitte Séminor doit régulièrement traiter ce type de situations qu'elle qualifie « d'ubuesques ». Elle voit monter le stress chez ses collègues et redoute la prochaine application du fameux décret mobilité des fonctionnaires. « Aujourd'hui, à partir de trois propositions refusées, l'agent bénéficie d'un suivi renforcé avec un bilan de compétences en vue d'un reclassement. Demain, il sera mis en disponibilité sans aucun traitement. »

En 2009, sur 8 250 postes supprimés, 2 582 ont concerné les civils : 1 609 par le non-remplacement des départs à la retraite ; 420 par mobilité externe ; 553 par départ incité financièrement. Par ailleurs, il y a eu 1 800 mobilités, dont 700 ont été indemnisées.

L'essentiel

1 D'ici à 2014, le ministère de la Défense devra supprimer 54 000 emplois, majoritairement dans les fonctions de soutien que se partagent civils et militaires.

2 Peu mobiles, les civils font l'objet d'un accompagnement financier mais aussi social dans un souci de prévention des risques psychosociaux.

3 L'incitation à la mobilité se heurte à la complexité d'une gestion encore largement statutaire et aux faibles possibilités d'accueil des autres fonctions publiques.