Cela fait trente ans que l'environnement du travail change et que nos dirigeants gardent le regard obstinément braqué sur les chiffres de l'emploi. Il a fallu quelques retentissants faits divers - menaces de sabotages d'usines, prises d'otage, suicides de salariés... - pour que la société consente enfin à regarder le travail. L'analyse consiste trop souvent, pourtant, à prétendre que le travail est malade de la crise économique, alors qu'il souffre essentiellement d'une mutation continue depuis la fin de l'ère industrielle.

Selon Francis Ginsbourger, économiste, le travail s'est peu à peu englué dans une logique quantitative aveugle, qui a fait fi des producteurs et même du travail réel pour ne s'occuper que des résultats. Cette logique quantitative est devenue tyrannique : faire toujours plus et, de préférence, avec moins de moyens pour garantir des taux de croissance à deux chiffres. Le problème est qu'en multipliant les tableaux de bord pour tenter d'encadrer, justement, la réalité du travail dans cette logique scientiste de gestionnaires, on occulte les vrais paramètres de la compétence, qui sont souvent de l'ordre de l'expérience, du qualitatif.

A réduire l'humain à une ressource, on décourage les travailleurs et, au final, on plombe la performance. Il n'est que temps d'ancrer à nouveau le travail dans sa finalité humaine pour lui redonner du sens et remotiver les troupes qui n'en peuvent mais. Un livre qui pourrait nourrir une nouvelle réflexion sur l'organisation du travail et sa gestion.