On pouvait croire la pugnacité des salariés entamée par la montée des valeurs individualistes, la crise a démontré que la dimension collective ne s'est pas diluée dans le chacun-pour-soi.

Malheureusement, cette réapparition des collectifs de travail ne semble se manifester qu'en toute dernière extrémité, à l'annonce des fermetures d'usine ou de licenciements. De fait, elle s'apparente plus aux jacqueries de l'Ancien Régime qu'aux luttes pour l'amélioration des conditions de travail et des salaires des Trente Glorieuses.

Occupations d'entreprises, séquestrations de patrons, menaces de faire exploser l'usine avec des bonbonnes de gaz ou de déverser des produits toxiques dans les rivières... La violence liée aux conflits sociaux en France a de quoi surprendre. Pour Christine Ducros et Jean-Yves Guérin, tous deux journalistes au Figaro Economie, elle survient dans un contexte où les salariés ont l'impression de faire seuls les frais de la crise, alors que les parachutes dorés, dividendes, retraites chapeaux et autres primes de bienvenue n'en finissent pas de se gonfler pour protéger ceux qui n'ont, d'ailleurs, pas grand-chose à perdre.

Le pire, lorsque la tension retombe, serait sans doute de ne pas tenir compte de la crise de confiance profonde des salariés au moment de reconstruire les stratégies des années à venir. Il y a urgence à recoller les morceaux et à réapprendre à travailler ensemble sous l'égide des valeurs cardinales que sont le respect et l'équité, sans lesquelles la concorde sociale paraît bien fragile.