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Les recruteurs discriminent les candidats qu'ils supposent musulmans

L'actualité | L'interview | publié le : 30.03.2010 |

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Les recruteurs discriminent les candidats qu'ils supposent musulmans

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E & C : Vous avez présenté à Lyon, la semaine dernière, les résultats d'un testing réalisé en 2009, en partenariat avec l'université de Stanford (EU), dans le cadre du programme égalité des chances de la French-American Foundation, visant à évaluer, dans le recrutement, les discriminations liées à une appartenance religieuse chez des candidates. Quels sont les résultats ?

E. C. : Les candidates présentant un profil qui induit les recruteurs à les rattacher à la religion musulmane ont de 2,5 à 3 fois moins de retours positifs que celles rattachables à la religion catholique. Elles-mêmes reçoivent moins de retours positifs que les candidates qu'on ne rattache à aucune religion. La taille de notre échantillon a ses limites : nous avons envoyé 550 CV en réponse à 275 offres d'emploi. Mais, statistiquement, le désavantage ne fait aucun doute. La candidate supposée musulmane a obtenu 8 % de réponses positives, contre 21 % pour celle supposée catholique. La candidate «neutre» en a réalisé 26 %. Le test portait sur des emplois de secrétaire, secrétaire de direction, comptable et aide-comptable.

E & C : Quelle a été votre méthodologie ?

E. C. : Nous avons construit trois profils de candidats, fictifs, mais parfaitement réalistes. Ils sont comparables en tous points (24 ans, de nationalité française, BTS avec trois ans d'expérience professionnelle), hormis le critère d'indication religieuse, dont on voulait tester l'influence sur le recruteur. La première candidate, Aurélie Ménard, ne laisse supposer aucune appartenance religieuse dans son CV. Pour les deux autres, nous avons inscrit deux expériences : l'une, professionnelle, au Secours catholique ou bien au Secours islamique ; l'autre, bénévole, avec des responsabilités chez les Scouts et guides de France ou les Scouts musulmans de France. Ainsi, Marie Diouf, qui porte un nom d'origine sénégalaise, est supposée catholique. Khalidja Diouf, la troisième candidate, est supposée musulmane.

S'agissant des offres d'emploi, nous les avons récoltées sur le site de Pôle emploi, en retenant celles demandant d'entrer directement en contact avec l'entreprise. Nous avons envoyé les CV par paires : l'un connoté religieusement, l'autre pas.

E & C : Marquer son engagement dans un groupe d'obédience religieuse peut être interprété comme un affichage militant. Le recruteur peut alors y voir un signal, ce qui va biaiser le résultat...

E. C. : Je ne le crois pas. Car si les Scouts et guides de France et les Scouts musulmans de France ont bien un rattachement religieux, ces deux organisations n'ont pas d'agenda de prosélytisme et se déclarent ouvertes aux différentes cultures.

Quant au fait d'avoir été aide-comptable au Secours catholique ou au Secours islamique, il s'agit de deux ONG reconnues d'intérêt public. Elles ont pignon sur rue et travaillent régulièrement avec les pouvoirs publics sur des missions d'aide humanitaire. Donc, si le recruteur y voit un risque, il est dans la fantasmagorie.