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Crise + réforme : la double peine ?

Enquête | publié le : 23.03.2010 |

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Crise + réforme : la double peine ?

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Les prestataires de formation ne sont pas à la fête. En 2009, ils ont souvent constaté une fonte des budgets formations de 20 %. Et, en 2010, ils s'attendent à une réforme qui les confirme dans une situation de suspicion.

Crise + réforme = inquiétude. Longtemps, les prestataires de formation professionnelle ont bien vécu : marché en croissance, créneau porteur... Mais, depuis 2008, l'ambiance est tendue. La crise est passée par là et 2009 a été l'année du retournement économique : - 2,1 % de chiffre d'affaires pour les adhérents de la FFP, des budgets formation de grands comptes souvent rasés de 20 %... un grand classique en période de crise.

A cela s'ajoute une réforme en cours dont les éléments concernant les prestataires témoignent d'une éternelle méfiance à leur égard : surveillance administrative, sanctions renforcées... 2010 et les années suivantes risquent de ne pas être un long fleuve tranquille.

Techniquement, la réforme en cours détermine de nouvelles modalités d'obtention du numéro d'enregistrement pour les prestataires de formation. L'administration peut désormais refuser cet enregistrement pour trois motifs : les offres de l'organisme ne sont pas des prestations de formation au sens du Code du travail, les règles relatives à la réalisation des actions de formation ne sont pas respectées, les pièces justificatives ne sont pas produites.

Mythe du contrôle papier

« La difficulté, analyse Jean-Marie Luttringer, spécialiste du droit de la formation professionnelle, est que la nature des actions et les conditions de leur réalisation fixées par l'article L. 6313-1 du Code du travail ne sont ni cohérentes, ni homogènes, ni précisément définies. Par ailleurs, la circulaire du 16 mars 2006 indique que le suivi de l'exécution doit s'effectuer par feuilles d'émargement établies à la demi-journée. Cette obligation formelle repose sur le mythe d'un contrôle papier des présences et, au final, d'un processus de formation totalement assimilé au stage présentiel. Est-ce satisfaisant, alors que le résultat d'une formation peut et doit s'entendre plus largement que par une vérification des connaissances des stagiaires ? »

Appréciations discordantes

« Ces approximations dans la définition de l'action de formation conduisent à des appréciations rarement concordantes entre l'administration, voire parfois entre les cellules régionales de contrôle, les Opca ou les entreprises. Il en résulte une insécurité juridique forte, alors que les enjeux sont extrêmement importants : accès aux financements de la formation professionnelle, application de la réglementation spécifique à l'activité de formation, exonération de TVA ou non, etc. »

Retrait du numéro d'enregistrement

La même logique préside au retrait du numéro d'enregistrement. Il est désormais possible à l'autorité administrative de le retirer lorsque l'organisme ne respecte pas les dispositions légales et réglementaires. « Conséquence, pointe Jean-Marie Luttringer : pour interdire l'activité d'une secte, il est nécessaire d'avoir une décision de justice, alors que l'activité de formation professionnelle peut être interdite sur simple décision administrative, puisque telle est la conséquence pratique de l'annulation du numéro d'enregistrement ! Au simple plan des principes juridiques, il est paradoxal que l'activité de formation puisse être interdite avec des garanties moindres que l'activité sectaire ! »

La réforme en cours ne s'arrête pas là : le législateur a également prévu que, pour certaines formations, dont les caractéristiques doivent être fixées par décret, une convention tripartite doit être établie entre l'acheteur de formation, le dispensateur et la personne physique qui entreprend la formation.

Le goût de l'agrément

« Certes, reconnaît Jean-Marie Luttringer, il s'agit d'une protection supplémentaire du salarié dans le cadre de sa négociation de formation avec l'employeur, mais souhaitons qu'elle ne se traduise pas uniquement par un circuit administratif supplémentaire. Là encore, on sent le goût de l'agrément, c'est-à-dire un acte unilatéral émanant d'une autorité publique ayant pour effet d'autoriser ou d'interdire la création ou le fonctionnement d'un organisme. » Or, assure-t-il (lire p. 28), la solution n'est pas dans l'excès d'encadrement de l'offre, mais dans la construction de la demande.

Pessimisme

Voilà donc ce qui attend les organismes de formation alors que les affaires sont moins florissantes qu'avant, et que certains segments comme celui des formations linguistiques (lire p. 24) sont particulièrement pessimistes. Et encore ! C'est sans compter sur la nouvelle norme qualité formation en voie d'achèvement d'ici à la fin de l'année : l'ISO 29990, qui ouvre la voie à une véritable qualification du marché au niveau mondial.

Et c'est également sans compter sur le projet chinois de certification des prestataires de formations linguistiques au niveau de la planète ! La formation professionnelle devient un enjeu géostratégique.

L'essentiel

1 Le cumul crise économique et réforme de la formation professionnelle ne fait pas les beaux jours des prestataires de formation.

2 L'expert Jean-Marie Luttringer estime qu'ils sont toujours maintenus dans une « suspicion illégitime ».

3 De nouvelles normes de qualité internationales pourraient accélérer la reconfiguration du marché.

Qui forme en France ?

Une étude de la Dares* précise qui sont les prestataires de formation en France.

En 2007, 56 970 établissements dispensateurs de formation ont renseigné un bilan pédagogique et financier (ce que sont tenus de faire les organismes intervenant dans ce domaine). Parmi eux, 48 214 ont effectivement réalisé des actions de formation continue en 2007. Ils en ont dégagé un chiffre d'affaires de 10,3 milliards d'euros, soit 8 % de plus qu'en 2006. Mais beaucoup de ces établissements ne réalisent leurs formations qu'en tant qu'activité annexe ou en accompagnement de la vente d'un produit.

Seuls 14 164 établissements dispensateurs de formations continues déclarent exercer cette activité à titre principal. Ils ont réalisé un chiffre d'affaires de 6,4 milliards d'euros et couvrent, ainsi, 62 % du marché national de la formation professionnelle continue.

En réalité, malgré une ancienne et fausse vision des choses, le marché de la formation est très concentré : 12 % de ces 14 164 organismes de formation, c'est-à-dire ceux qui réalisent plus de 750 000 euros de chiffre d'affaires par an, quel que soit leur statut (privé, parapublic, public individuel), concentrent 75 % des 6,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 62 % des stagiaires et 64 % des heures-stagiaires !

La FFP, qui ne rassemble que des prestataires à statut privé, pesait 1,153 milliard d'euros en 2007 et 1,186 en 2008.

Le choix des entreprises

Les entreprises réalisent 55 % de leurs achats de formation auprès des organismes privés à but lucratif et 26 % auprès de ceux à but non lucratif, tandis que les Opca en réalisent 43 % auprès du privé lucratif et 34 % auprès du privé non lucratif (chiffres Dares 2007).

Les deux tiers (65 %) des stagiaires des organismes de formation sont des salariés. Ils se forment d'abord dans le secteur privé à but lucratif (46 %) ou dans celui à but non lucratif (24 %).

La grande majorité de la dépense de formation des entreprises (83 %) est destinée à leurs salariés. En 2007, les entreprises ont dépensé 9,9 milliards d'euros pour la formation des actifs occupés, soit 8 % de plus qu'en 2006.

L. G.

* «Premières synthèses» n° 40.4 d'octobre 2009.