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2009 fut sombre, 2010 est floue

Enquête | publié le : 23.03.2010 |

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2009 fut sombre, 2010 est floue

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Après une baisse de 20 % des budgets en 2009, les prestataires de formation linguistique s'inquiètent de la réforme des Opca et de la création du FPSPP en 2010, assure une étude de marché Linguaid.

Le 8 février dernier, Linguaid Consultancy, une société de conseil aux organismes de formation linguistique, a présenté une étude sur le marché français des formations linguistiques, afin d'aider les prestataires à optimiser leur offre, et accompagner les responsables de formation des entreprises dans la mise en place de leur plan de formation linguistique. 271 organismes de formation professionnelle linguistique ont été analysés, dont les données financières (1). 2010 inquiète, après une année 2009 déjà sombre.

Selon cette étude, en 2009 les entreprises (en particulier les multinationales) ont réduit leurs budgets de 20 % à 30 % en moyenne, et le chiffre d'affaires des grands organismes est resté stable ou en baisse, avec des résultats peu reluisants. Au cours du second semestre, certains Opca ont réduit fortement leur contribution au DIF, sans doute en anticipant la réforme.

Incertitudes

« L'année 2010 s'annonce très incertaine, car certains clients, en particulier en région, risquent de répercuter avec retard l'impact de la crise sur leur activité, dont le plein effet des réductions d'effectifs sur les budgets de formation, synthétise Joss Frimond (2), producteur, avec Andrew Wickham, de cette étude. Les pressions sur les prix se manifestent à nouveau, inversant la tendance vers une certaine détente, observée en 2007-2008. Par ailleurs, la réforme de la formation commencera à être appliquée à partir du deuxième trimestre, ce qui pourrait se traduire par une baisse importante du financement par les Opca des formations transversales comme les langues. »

Appels d'offres

Un signe positif néanmoins : au cours du second semestre 2009, les grandes entreprises, principalement des secteurs financier et énergétique (Banque de France, BNP, Areva, Total, etc.), ont lancé d'importants appels d'offres, soit pour des dispositifs centralisés de formation, soit pour référencer leurs prestataires. « Malgré les pressions sur les tarifs, le souci de qualité et de pédagogie reste un critère important, et certains grands clients, constatant la difficulté de confier l'ensemble de leurs formations linguistiques à un seul acteur, choisissent de travailler soit avec un nombre plus important de prestataires, en sélectionnant des organismes de proximité de taille moyenne, soit en privilégiant des réseaux ayant des établissements en région. »

En résumé, 2010 sera une année charnière pour le marché de la formation professionnelle linguistique, assure Linguaid. « La mondialisation de la formation, les effets de la crise, la pression de la réforme, le développement rapide du marché des particuliers et la part de technologie croissante dans les dispositifs de formation sont des facteurs qui favoriseront les regroupements et qui risquent de mettre de plus en plus sous pression les petits organismes indépendants. »

Investissements

De leur côté, les grands organismes devront investir en technologie et en expertise s'ils veulent maintenir leurs positions et leur rentabilité dans les années qui viennent. « Quant aux formateurs, leur métier est en pleine mutation : ils devront s'ouvrir à la méthodologie et aux outils du blended learning et se spécialiser davantage, afin de résister à la concurrence de plus en plus active des formateurs offshore », telle est la sentence de Linguaid.

(1) L'intégralité de l'étude est payante. Linguaid Consultancy, Saint Mary's Chambers, 59 Quarry Street, Guildford, GU1 3UA, Royaume-Uni. Contact en France : 01 78 52 12 83. <contact@linguaid.net>

(2) Joss Frimond, ancien directeur commercial d'AAA Presentations, est actuellement directeur de Linguaid. Andrew Wickham a fondé puis dirigé, de 1989 à 2003, la société Nexus Langues et Communication. Il a ensuite dirigé un projet de blended learning pour les cadres supérieurs de la société Renault.

Un défi : la complexité croissante des dispositifs

Selon l'étude Linguaid, le secteur des formations linguistiques cumule le plus nettement la complexité pédagogique, administrative et logistique des dispositifs centralisés demandés par les entreprises clientes, face à un désir des prestataires de maintenir un minimum de rentabilité.

Les organismes de formation linguistique doivent à la fois :

> « mettre en oeuvre des parcours de blended learning multi-sites qui exigent une compétence technologique poussée et une gestion efficace de partenariats multiples avec les éditeurs de e-learning, les formateurs à distance et les organismes sous-traitants en région » ;

> « engager et former des formateurs ayant une bonne connaissance des différents systèmes de blended learning, capables de tutorer plusieurs logiciels de e-learning différents et de mettre en place des parcours individualisés et des outils de suivi adaptés à ces systèmes » ;

> « mettre en place des process pédagogiques, administratifs, logistiques et d'assurance qualité spécifiques très différents pour chaque grand client et pour chaque Opca, avec des équipes projet semi-dédiées, ce qui a comme conséquence une complexification croissante du management et des systèmes administratifs centraux ».

Sousdimensionnement

« Compte tenu du sous-dimensionnement des organismes actuels, qui sont le plus souvent des PME avec un effectif de 50 à 300 personnes et une capacité financière limitée, par rapport à ces grands clients, qui sont le plus souvent des multinationales avec des effectifs gigantesques et des moyens financiers sans commune mesure avec ceux de leurs prestataires, on peut se demander si ces exigences sont réalistes, vu les conditions financières parfois draconiennes imposées dans certains appels d'offres », analyse Andrew Wickham.

« Enfin, pour gérer des dispositifs de blended learning de plus en plus complexes, un système de gestion en ligne est indispensable. Pour le moment, hors quelques développements propriétaires et des outils open-source qui demandent un développement important, on constate très peu de solutions satisfaisantes disponibles sur le marché. Le problème principal, outre la complexité, reste le financement : très peu d'organismes possèdent une capacité financière suffisante pour faire face aux investissements requis par un tel outil. » L. G.

Un espoir : la visioformation

« La formation à distance par téléphone et par visioconférence, dont la technologie est de plus en plus au point, continue à se développer rapidement, et les entreprises spécialisées bénéficient toujours d'une croissance forte. La formation à distance sera la tendance marquante dans les deux ou trois années qui viennent, assure l'étude Linguaid. En revanche, nous n'avons pas constaté une accélération du recours au e-learning en 2009. Pour le moment, les entreprises continuent à utiliser cette modalité pédagogique comme appoint et non comme pièce maîtresse de leur dispositif de formation, sans doute en raison des résultats toujours incertains de cette modalité, dont les taux d'assiduité restent faibles. »

Formations linguistiques : futures victimes de la réforme ?

- Les formations linguistiques risquent d'être les premières victimes de la réforme en cours, estime Andrew Wickham, de Linguaid, car, analyse-t-il, « le prélèvement de la FPSPP sur la collecte des Opca va réduire mécaniquement d'environ 20 % les fonds destinés aux formations transversales non diplômantes, comme les langues, dans un contexte de crise où les budgets de formation sont partout en baisse ».

- « Les publics prioritaires pour ces fonds sont les chômeurs et les salariés peu qualifiés, peu concernés par la mondialisation (sauf dans certains secteurs comme le tourisme), qui sont généralement plus intéressés par des formations professionnalisantes permettant de sécuriser leur emploi que par l'apprentissage d'une autre langue. Le chiffre de 35 % de demandes de DIF en formation langues n'est donc pas, a priori, représentatif de cette population. »

- Par ailleurs, à propos du «déstockage du DIF» : « Les Opca vont financer ces heures à hauteur de 9 euros/heure, sauf accord de branche contraire. Compte tenu du fait que le coût chargé d'un formateur »de face-à-face» salarié en France est autour de 30 à 35 euros/heure, il est difficile de concevoir comment on peut financer une formation présentielle en langues à ce tarif, sauf à diviser le crédit d'heures par six. Il y a fort à parier que le e-learning sera donc la modalité dominante dans ces parcours, avec une composante mixte par téléphone de dix à quinze minutes. Le problème est que les Opca sont, en général, réticents vis-à-vis du e-learning et qu'ils en bloquent parfois le financement. »

- Enfin, la concentration des Opca « va sans doute, à moyen terme, les amener à accroître leur rôle de structuration de l'offre et à mettre en place des dispositifs régionaux ou interrégionaux favorisant les grands organismes. Ils vont être beaucoup plus exigeants sur la certification des organismes, sur les procédures de qualité, sur les résultats attendus et sur la conformité de la formation avec le programme, ce qui va augmenter la pression sur les petits organismes, peu équipés en moyens administratifs. On peut donc prévoir que cela contribuera à la concentration du marché », poursuit le coauteur de l'étude.

- En résumé, « alors que la pression sur les tarifs bat déjà son plein et que le secteur est de plus en plus concurrencé par les formateurs offshore et low cost, nous pensons que cette réforme, menée en temps de crise, favorisera surtout les grands organismes de formation publics, parapublics et privés capables de proposer des parcours de professionnalisation mixtes, avec une composante blended learning, les organismes ayant une expérience reconnue avec les publics visés par la réforme, et les organismes qui ont une offre structurée et visible sur le marché des particuliers ».

- En revanche, estime Linguaid, « elle ne fera, a priori, rien pour contrecarrer la baisse constante des tarifs de la formation en face à face, qui atteignent, aujourd'hui, des niveaux quasi incompatibles avec la formation opérationnelle personnalisée, centrée sur les métiers, que recherchent certaines entreprises, et contribuera à renforcer la tendance à la concentration de l'activité ».

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