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La fonction publique territoriale renforce la prévention

Les pratiques | publié le : 16.03.2010 |

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La fonction publique territoriale renforce la prévention

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La mise en oeuvre du premier accord sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique est lancée. Les agents des collectivités territoriales sont particulièrement concernés par les mesures prévues pour améliorer la prévention.

Les fonctionnaires des collectivités locales sont plus souvent absents pour raison de santé que ceux de l'Etat : plus de 19 jours par an, contre 13 (1). En cause : la forte proportion d'agents de catégorie C, travaillant sur des postes de manutention pénibles, et un vieillissement des titulaires. Ces derniers comptabilisent, en effet, 21 jours d'arrêt par an - surtout pour maladie et longue maladie - contre 9 jours seulement pour les non-titulaires. Des chiffres qui augmentent avec la taille de la collectivité (plus de 26 jours pour les plus importantes, contre moins de 16 dans les petites communes).

Voilà pourquoi les «territoriaux» sont particulièrement intéressés par la mise en oeuvre des mesures prévues par l'accord sur la santé et la sécurité au travail («SSTFP») signé le 20 novembre dernier (2). Son but : harmoniser et améliorer la prévention santé. Des groupes de travail préparent actuellement les modifications réglementaires et législatives nécessaires, pour une application en 2011.

Transformation des CHS en CHSCT

D'ores et déjà, tous les DRH reçoivent un courrier leur demandant d'élaborer le document unique, ce que beaucoup n'ont pas encore fait. Pour les aider, une enquête Sumer « expérimentale » (3) est en cours, qui devrait produire des résultats fin 2010. Quant aux instances médicales du travail, leur structure et la formation de leur personnel vont être revues. Mais la mesure la plus attendue par les syndicats est la transformation des CHS (comité hygiène et sécurité) en CHSCT. Toutes les collectivités d'au moins 50 agents en seront désormais dotées, et non plus seulement celles en ayant plus de 200. « C'est une avancée importante, estime Laurent Branchu, secrétaire national de l'Unsa territoriaux. Un consensus a été trouvé pour deux réunions annuelles au minimum : ce sera nécessaire pour que tous les sujets soient abordés. » En effet, baisse des finances publiques, exigences croissantes des usagers ou encore augmentation des missions par le jeu des décentralisations ou des regroupements induisent de nouveaux risques.

Les régions ont ainsi vu, en 2007, leurs effectifs croître soudainement, avec le transfert des postes d'agents de restauration, de maintenance et d'entretien des lycées. Cela a entraîné plus de risques à prévenir, du fait de la technicité de ces métiers, mais aussi, parfois, des tensions : l'employeur de ces agents est la région - dont le siège est hors du lycée -, tandis que leur directeur fonctionnel est le proviseur, lui-même agent de l'Education nationale. « Quand la hiérarchie est floue ou absente, cela laisse la place à des prises de pouvoir «sauvages» », commente Christophe Rey, psychologue du travail au cabinet Calypso, chargé d'intervenir auprès d'agents en souffrance.

Les structures intercommunales, elles aussi, se développent : Christian Leclerc, responsable prévention de la communauté d'agglomération d'Elbeuf (Seine-Maritime), a vu, le 1er janvier 2010, son champ d'intervention passer de 250 agents à plus de 1 000 : en effet, sa collectivité et trois autres (soit 71 communes) se sont alors regroupées au sein de la Crea (communauté Rouen-Elbeuf-Austreberthe). Il avait déjà commencé à s'attaquer aux TMS : « Une enquête a révélé que près de 67 % de nos accidents du travail étaient dus à ces troubles », rapporte-t-il. Premiers touchés : les agents de la collecte des ordures ménagères, ceux de l'assainissement des eaux et ceux de l'aide à domicile. Grâce à un financement de 71 000 euros du FNP (lire article p. 14), le cabinet Ergonalliance a dressé, en 2009, un état des lieux, avec l'aide d'agents de maîtrise formés au repérage des situations à risque. Leurs préconisations sont présentées ce mois de mars au CHS. Ainsi, pour la collecte des déchets, deux équipes supplémentaires ont déjà diminué la charge de travail. Et, pour limiter le stress dû à une cadence trop rapide « imposée » entre collègues, l'autorisation de partir une fois la collecte effectuée doit être supprimée. Les agents vont par ailleurs être associés aux achats de bennes et ils se verront proposer des formations Prap (4).

Préconisations pour les aides à domicile

Pour les aides à domicile, « nous avons très peu de cartes en main, reconnaît Christian Leclerc. Le matériel, souvent usagé, est loué par les familles ; quant au temps d'intervention, il est déterminé par la Sécurité sociale et trop réduit pour les relations humaines, d'après les employées ». Les préconisations portent donc sur la sensibilisation des familles, l'intervention ponctuelle d'un ergothérapeute, l'augmentation du temps passé en collectif de travail, « très protecteur », et le recours, possible à tout moment, à un psychologue du travail.

Stress chez les employés municipaux

Les villes aussi ne sont pas épargnées par le stress. « Les employés des cimetières, par exemple, cite Thierry Riefflé, préventeur à la ville de Lyon, ont du mal à «faire du développement durable» comme les élus le leur demandent : lorsqu'ils utilisent des désherbants biologiques, moins rapidement efficaces, les usagers - voire eux-mêmes - disent que leur travail est mal fait. » Pour tenter de prévenir les risques psychosociaux, la commune de Clermont-Ferrand (63) a créé, dès 2008, un groupe de travail composé de représentants du personnel, d'élus, de la direction générale, des médecins du travail, des techniciens de prévention et de la DRH. Accompagné par l'Aract (Association régionale pour l'amélioration des conditions de travail) Auvergne, il met en place des modalités d'alerte.

« Il faut davantage analyser les indicateurs : fréquence et gravité des accidents et maladies, taux d'activité des services de santé, expression informelle d'un stress chronique, mouvements de personnel, climat social, etc. », liste Elie Maroglou, président du Réseau des préventeurs et ergonomes des collectivités territoriales (Respect) et responsable du service prévention de la ville de Lyon. Il cite l'exemple d'un agent d'accueil de mairie qui doit terminer de traiter le dossier de chaque usager, même si celui-ci est parti, sous les yeux des autres, qui s'impatientent. Si son manager lui demande de les recevoir immédiatement, pour «l'image du service public», il accentue la tension de cet agent, alors contraint de choisir entre «bâcler» le travail de back-office en fin de journée ou le reporter au lendemain... en faisant attendre de nouveaux usagers. Le manager et l'agent ne partagent plus la même notion du «bon» service, ce qui crée la tension.

Chercher la source de la plainte

Cette question du «sens» est au centre des souffrances de fonctionnaires ayant un engagement fort pour le service public. « Lorsque des personnes expriment le sentiment de ne plus avoir les moyens de faire du bon travail, il faut chercher la source de cette plainte, explique le psychologue Christophe Rey. Il peut s'agir de conflits jamais régulés ou de changements qui n'ont pas été accompagnés. »

(1) Résultats des bilans sociaux 2007-2008 publiés par la Direction générale des collectivités locales et enquête sur le temps de travail des agents de l'Etat conduite en 2003 et servant toujours de référence dans le rapport annuel de la DGAFP.

(2) Etat, CFDT, FO, Unsa, CFTC, CGC, FHF, puis, CGT et FSU, collège employeurs de la FPT, ADF (Assemblée des départements de France) et ARF (Assemblée des régions de France).

(3) Enquête d'évaluation des expositions aux risques, jusqu'ici non appliquée à la FPT.

(4) Prévention des risques liés à l'activité physique.

Un fonds d'aide à la prévention

En 2009, 140 collectivités territoriales, mais aussi des hôpitaux publics, ont fait appel au Fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (FNP), ouvert en 2004. Elles n'étaient qu'une dizaine en 2006. « A l'époque, nous étions un peu des missionnaires, explique Nadim Fares, responsable du FNP. Mais l'intérêt pour la prévention dans la fonction publique territoriale (FPT) a vite pris de l'ampleur. »

Avec huit agents et 11 millions d'euros par an, le FNP remplit trois missions : développer un système d'information sur les AT/MP ; conseiller et financer des démarches de prévention et élaborer des recommandations d'actions. Dans la FPT, la majorité des démarches portent sur une évaluation préalable des risques. « Concernant les risques psychosociaux, les collectivités s'adressent souvent à nous pour un problème très ciblé, addiction des agents ou violence sur des personnels d'accueil, par exemple, relève Michel Rouland, chargé de développement au FNP. Notre rôle est, chaque fois, d'amener les acteurs à s'interroger sur l'organisation globale. »

Risque routier

En 2009, le Fonds a conforté son partenariat avec les principaux acteurs de prévention, comme l'INRS, l'Anact, l'Afsset ou la Cnamts. Ainsi, sur le risque routier professionnel, il collabore à une politique commune aux quatre régimes de protection sociale, avec la délégation interministérielle à la sécurité routière. Un travail est aussi lancé sur la collecte des ordures ménagères, « très accidentogène », selon Nadim Fares, et qui implique à la fois le secteur public et, via l'intérim et la sous-traitance, le privé.

FLORENCE ROUX

Pour en savoir plus : < http://fnp.cnracl.fr >

L'essentiel

1 Les transformations de la fonction publique territoriale engendrent de nouveaux risques pour la santé des agents, notamment liés à la souffrance psychique.

2 Symptôme : l'absentéisme pour raison de santé est plus élevé que dans la fonction publique d'Etat.

3 Un accord sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique vise à améliorer la prévention et dote les collectivités de plus de 50 agents de CHSCT.

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