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« Il me semble préférable de travailler sur les causes ; les écarts salariaux se réduiront à terme »

Enquête | L'entretien avec | publié le : 16.03.2010 |

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« Il me semble préférable de travailler sur les causes ; les écarts salariaux se réduiront à terme »

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E & C : Où en est la mise en oeuvre des 39 propositions en faveur de l'égalité professionnelle de votre rapport, remis au mois de juillet 2009?

B. G. : La proposition d'un quota de femmes dans les conseils d'administration des entreprises a fait l'objet d'une proposition de loi votée à l'Assemblée nationale au mois de janvier et qui va entamer la navette avec le Sénat. Par ailleurs, Xavier Darcos, ministre du Travail, a invité les partenaires sociaux à négocier sur l'égalité professionnelle et a annoncé un projet de loi au second semestre. Le dossier est donc sur la table et j'ai bon espoir qu'il avance.

E & C : Ainsi que vous le soulignez dans votre rapport, les textes ouvrent la possibilité de réductions d'allégements de charges à l'encontre des entreprises n'ayant pas rempli leur obligation de négocier sur les écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes. Est-ce vraiment envisageable?

B. G. : La loi sur les revenus du travail du 3 décembre 2008 ouvre effectivement cette possibilité. Toutefois, il est très difficile, pour l'administration, d'identifier une clause de réduction des écarts salariaux entre hommes et femmes dans une NAO salariale, ce qui rend la mise en oeuvre de la sanction hypothétique. C'est pourquoi, dans mon rapport, j'envisage de fusionner la négociation sur la réduction des écarts et celle sur l'égalité professionnelle dans une seule négociation, ainsi identifiable. On peut alors envisager une sanction assise sur un pourcentage de la masse salariale (1 %) qui s'appliquerait en cas de non-fourniture du rapport de situation comparée, puis de non-respect de l'obligation de négocier un accord ou de non-fourniture d'un plan unilatéral.

E & C : Vous semblez ainsi acter que les écarts de rémunérations entre les hommes et les femmes ne seront pas supprimés à la fin de l'année, comme le voulait la loi du 23 mars 2006 sur l'égalité salariale. Qu'est-ce qui n'a pas marché?

B. G. : La notion même d'écart de rémunérations est difficile à appréhender. Parle-t-on de rémunération brute totale moyenne ou de salaire horaire brut total ou plutôt d'écart résiduel, toutes choses égales par ailleurs, qui fait lui-même l'objet de multiples appréciations.

Mais surtout, en traitant des écarts, on traitait le symptôme et pas les causes : les processus d'embauche, l'accès à la formation ou à la prise de décisions, les critères RH, neutres au premier abord mais «masculins» en fait, la politique de communication... Si vous imposez à une entreprise de réduire les écarts de rémunérations, le risque est qu'elle se contente de débloquer une enveloppe de rattrapage salarial, ce qui aura effectivement pour conséquence de réduire ces écarts, mais pas d'empêcher que s'en créent de nouveaux. C'est pourquoi il me semble préférable de travailler sur les causes; les écarts se réduiront alors à terme.

E & C : La réalisation de l'égalité professionnelle repose essentiellement sur la négociation collective dans les entreprises et dans les branches. N'est-ce pas un problème plus général?

B. G. : Bien sûr. L'égalité professionnelle est une responsabilité partagée entre la famille, la société, l'Etat, l'entreprise... Dans la famille, il faut une vraie négociation sur la parité parentale. La société et les médias particulièrement sont responsables de la diffusion de schémas mentaux qui affectent le travail des femmes d'un coefficient symbolique négatif, qui, ensuite, les pénalise dans leur carrière. L'Etat a un rôle à jouer, par exemple dans l'offre de places en crèches et dans la production de lois favorisant la parentalité. Mais les entreprises aussi ont la responsabilité de ne pas pénaliser l'exercice de la parentalité, en proposant, elles aussi, des places en crèches, des conditions de travail et une gestion des temps adaptées...

* Elle a publié Petit traité contre le sexisme ordinaire (éd. Albin Michel, 2009).

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