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Quel cahier des charges pour les cellules de reclassement ?

Les pratiques | publié le : 09.03.2010 |

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Quel cahier des charges pour les cellules de reclassement ?

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L'efficacité des cellules de reclassement était récemment pointée du doigt par le Conseil économique et social. Or la qualité du travail des cabinets spécialisés dépend en grande partie de la feuille de route tracée par les entreprises, et des moyens qu'elles leur attribuent.

«Des indications sur le nombre de salariés, les catégories socioprofessionnelles, la durée de la cellule et le nombre de sites touchés : c'est à peu près tout ce que les entreprises nous transmettent comme informations lorsqu'elles font appel à nous. Elles nous posent, ensuite, quelques questions générales, mais leur démarche reste passive. Au final, c'est bien souvent le prestataire qui construit le cahier des charges de sa mission. » Le témoignage de Didier Muller, consultant pour le cabinet Links Conseil et animateur de cellules de reclassement dans le cadre de PSE, n'est pas isolé. Pour choisir le cabinet auquel elles confieront les clés de l'antenne emploi destinée à accompagner les salariés licenciés, toutes les entreprises ne prennent pas le temps de formaliser leurs exigences. Ancienne responsable RH et fondatrice en 2006 d'un cabinet d'outplacement en région parisienne, Un job pour moi, Leïla Mechaï confie qu'aucun de ses clients ne lui a jamais présenté de cahier des charges. Il n'y a guère que lorsque la cellule est conventionnée qu'un tel document est élaboré, afin d'obtenir le financement de la DDTEFP, qui, la plupart du temps, fournit elle-même aux entreprises un cahier des charges type.

Budgets revus à la baisse

Surprenant, quand on sait que la quasi-totalité des entreprises sous-traitent l'accompagnement des personnes licenciées à des sociétés évoluant sur un marché devenu extrêmement concurrentiel. S'y côtoient une multitude d'acteurs, aux méthodes d'accompagnement « hétérogènes », note le Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui a produit, fin janvier, un rapport sur les cellules de reclassement (lire Entreprise & Carrières n° 987 du 2 février 2010). Et aux résultats non moins disparates, s'agissant du retour à l'emploi durable. Il faut dire, déplore Didier Muller, que la crise a conduit les entreprises à tirer les budgets vers le bas : « De 3 000 à 4 000 euros par salarié, on est passé à des tarifs inférieurs à 2 000 euros. Les entreprises ne veulent plus mettre le prix et les consultants s'adaptent, en espaçant les rendez-vous avec les salariés ou en privilégiant les réunions collectives. »

Enjeu en termes d'image et de climat social

La situation est, sans doute, plus nuancée. Hélène Lacroux, DRH en région Paca, a financé, lors de PSE, des reclassements entre 3 000 et 6 000 euros par salarié. « C'est cher, mais ce n'est pas de l'argent jeté par les fenêtres », assure-t-elle. Certaines entreprises ont en effet compris qu'elles avaient tout intérêt à s'assurer de l'efficacité de l'antenne emploi. L'enjeu se pose moins en termes de risque juridique - l'essentiel du contentieux portant sur l'obligation préalable de reclassement interne - qu'en termes d'image, de responsabilité envers les personnes licenciées ou de climat social. « La qualité de la cellule de reclassement est importante vis-à-vis des salariés qui restent, souligne Emmanuel Fourest, consultant au cabinet Efilia Conseil et ancien DRH du groupe DuPont de Nemours. Si quelque chose se passe mal, cela se sait en interne. » Pas neutre, dans les groupes où les restructurations se succèdent.

Pour le Cese, améliorer la performance des cellules de reclassement passe notamment par l'établissement d'un cahier des charges rigoureux et préalable au choix du cabinet. « Souvent, les entreprises le définissent avec le prestataire lui-même, constate Marcelle Ramonet, rapporteure du Cese. Cela n'empêche pas la cellule de bien fonctionner, mais le risque est de le laisser établir ses propres critères d'évaluation. »

A quel moment, par exemple, considère-t-on qu'un salarié a été véritablement reclassé ? « Quand un cabinet affirme avoir trouvé des solutions pour 80 salariés, cela ne signifie pas qu'elles mènent toutes vers l'emploi. » Des solutions aussi diverses que des formations longues ou des congés maternité peuvent se retrouver sous le terme de «solution identifiée». Quant à l'offre valable d'emploi (OVE) qui doit être proposée au candidat, mieux vaut s'entendre dès le début : certains cabinets estiment qu'il doit s'agir d'une véritable proposition d'emploi ; d'autres ne s'engagent que sur des entretiens d'embauche. Dans quelle limite une même OVE pourra-t-elle être proposée à plusieurs candidats ? Au-delà du nombre, David Beugniez, directeur national adjoint de Sodie Conseil, recommande de spécifier que ces propositions correspondent bien au projet professionnel de la personne.

Clarifier les objectifs qualitatifs

Le cahier des charges doit donc permettre de clarifier les objectifs qualitatifs de l'antenne emploi également en fonction du profil des salariés concernés. « L'idéal, considère David Beugniez, est qu'il soit construit sur la base d'un diagnostic préalable de la population touchée et du bassin d'emploi. Ce que très peu d'entreprises font. » Car beaucoup attendent avant tout du prestataire un engagement sur un taux de reclassement, dont dépend en partie sa rémunération. Mais cette approche quantitative, si elle peut «booster» le travail des consultants, risque, en contrepartie, d'aboutir à ne se focaliser que sur les mieux «reclassables» et à privilégier les solutions les plus rapides. Seulement, à long terme, « une formation qualifiante permettant une vraie reconversion n'est pas la même chose qu'une mission d'intérim comme hôtesse de caisse », illustre Didier Muller.

Traçabilité des actions menées

La liste est longue des éléments susceptibles d'être intégrés dans le cahier des charges, bien au-delà des mesures négociées dans le PSE : nombre et profil des consultants ; méthodes de prospection des opportunités sur le marché dit «caché» du bassin d'emploi ; organisation du suivi des personnes, en particulier des seniors... « Etre clair dans sa demande évite les divergences d'interprétation et permet de suivre le bon déroulement de la cellule », résume Leïla Mechaï. Notamment dans son «timing» : « Si l'on voit qu'il faut trois mois pour refaire le CV d'une personne, on peut se référer au cahier des charges pour rappeler le cabinet à ses obligations. » « Les premiers temps de l'accompagnement s'avèrent, en effet, cruciaux pour mettre la personne dans une dynamique de recherche d'emploi », relève Didier Muller, qui plaide pour que l'antenne prévoie une présence accrue des consultants les trois premiers mois. « Les entreprises doivent également veiller à la traçabilité des actions menées par les consultants, poursuit Leïla Mechaï : combien d'entreprises ont été contactées, combien d'entretiens ont eu lieu avec le salarié, etc. Le cabinet doit pouvoir retranscrire et expliquer les succès et les échecs. »

Travailler en partenariat

Nécessaire, le cahier des charges n'est pourtant pas « suffisant », tempère Emmanuel Fourest, qui a conduit plusieurs restructurations entre 1999 et 2007 : « Ce qui fait la différence, c'est aussi l'implication de la société et de ses partenaires sociaux dans la commission de suivi et dans la régulation des situations individuelles. C'est une façon de montrer au prestataire la détermination des acteurs de l'entreprise quant aux résultats de la cellule, mais aussi de travailler en partenariat avec lui pour aboutir à un reclassement de qualité. Avant de valider une création d'entreprise, nous lui demandions toutes les informations utiles sur le projet, les étapes franchies, le plan de développement, la motivation de la personne. Nous avons eu de belles réalisations : un ouvrier a ouvert un restaurant qui a toujours pignon sur rue aujourd'hui. »

« Les consultants doivent comprendre ce que vivent les salariés »

En région Paca, Hélène Lacroux a mené plusieurs PSE dans des secteurs industriels, en tant que DRH ou manager de transition. « Parmi les populations à reclasser, il y avait des ouvriers, avec une certaine ancienneté, parfois des problèmes d'illettrisme. Pour eux, les outils classiques des cabinets de recrutement ne sont pas adaptés : peu importe qu'il y ait de grands bureaux avec l'accès à la base de données Rome. Je demandais donc au prestataire de prévoir un accompagnement spécifique, une réelle prise en charge des personnes, avec un rendez-vous une fois par semaine, un soutien psychologique, un bilan de compétences, des cours d'informatique si nécessaire... Dans ces cas-là, le consultant doit rédiger lui-même le CV. Au-delà du choix de la société d'outplacement elle-même, je porte une attention particulière au profil des consultants auxquels les cabinets font appel. J'ai toujours privilégié les personnes ayant une expérience de terrain, des seniors, par exemple d'anciens directeurs d'usine, qui connaissent les problématiques de l'industrie et sauront être à l'écoute du salarié. Ayant parfois connu eux-mêmes le chômage, ils sont mieux à même de comprendre ce que vivent les salariés. Le jeune consultant, tout juste diplômé, qui n'a aucune connaissance du monde du travail ni de réseau dans le secteur industriel, n'est pas apte à opérer l'outplacement du personnel d'usine. Je demandais donc au cabinet de me transmettre leur CV, et je les rencontrais avant de les choisir. Je vérifiais les résultats concrets qu'ils avaient obtenus, au bout d'un an, dans les précédentes cellules qu'ils avaient animées. » E. S.

L'essentiel

1 Bien que la plupart des entreprises sous-traitent l'aide au reclassement externe des personnes licenciées dans le cadre de PSE, elles ne formalisent pas toujours leur demande dans un cahier des charges précis.

2 Le bon fonctionnement de l'antenne emploi a pourtant une incidence sur la qualité du reclassement et le climat social de l'entreprise.

3 Les modalités du suivi des salariés, les méthodes de prospection des consultants sont autant d'éléments à cadrer avec le prestataire, mais ont aussi un coût, que l'entreprise ne veut pas toujours assumer.