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Les pratiques

BKC : la confiance des salariés s'effrite

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 09.03.2010 |

Jouer le mieux-disant social pour reprendre des entreprises ne suffit pas à les redynamiser. Le groupe de conseil BKC, qui, depuis 2008, se rêve un destin industriel, n'injecte aucun cash. Et suscite la désillusion parmi ses troupes.

«Il est en train de nous laisser mourir à petit feu. Et il ne vaut mieux pas qu'il vienne, il serait mal reçu ! Les salariés sont en colère », observe Joseph Grunenwald, secrétaire CFTC du CE de SAIC Velcorex-Concord, ex-DMC Tissus à Saint-Amarin (Haut-Rhin). L'homme visé, c'est Louis Petiet, patron de Bernard Krief Consulting (BKC). Celui-là même qui a repris à la barre du tribunal, le 13 août 2008, ce fleuron de l'industrie textile et son stock pour une bouchée de pain. Maintenant, le stock a fondu, il n'y a quasi plus de trésorerie, les fournisseurs sont payés en différé, les clients s'envolent. Depuis le 27 janvier, l'entreprise alsacienne est en redressement judiciaire. D'ici au 15 mars, BKC doit afficher son plan de continuation et apporter 7 millions d'euros. Les juges ont jusqu'au 31 mars pour trancher.

Les salariés de SAIC Velcorex ont des raisons d'être inquiets. D'autres sociétés de la galaxie BKC (35 au total, dont 19 rachetées en deux ans) semblent, aujourd'hui, tout aussi fragilisées. Dernier épisode en date ? L'affaire Heuliez, le carrossier automobile sauvé de la faillite par Louis Petiet en août 2009, et qui, depuis cette date, a attendu en vain une recapitalisation de 16 millions d'euros. A l'heure où nous bouclons, l'industriel aurait trouvé un repreneur, le turc Alphan Manas, à la tête du fonds d'investissement Brightwell. Et BKC aurait jeté l'éponge. Cet épisode est symbolique d'une méthode qui tourne mal : une offre mieux-disante sur le plan social, mais pas de cash. Du coup, la défiance envahit les esprits.

Reprise des effectifs

A chaque fois, en effet, BKC reprend des effectifs importants. Pour Heuliez, il a repris 620 salariés sur plus de 1 000. « Il n'aurait dû en reprendre que 350, il n'y avait pas de travail pour plus de monde », se souvient Jean-Emmanuel Vallade, délégué syndical CFE-CGC. Il est vrai que des opérations de formation couplées à du chômage partiel cofinancées par l'Etat et la région Poitou-Charentes ont permis de sauver 220 emplois. Mais le repreneur s'est engagé aussi à recruter 70 personnes supplémentaires d'ici à la fin 2010, et 100 personnes par an les trois années suivantes. Au total, il aura réintégré 34 ex-salariés licenciés, aux compétences recherchées. Le scénario se répète à peu près partout à l'identique. Chez SAIC Velcorex, par exemple, BKC a repris 117 salariés (sur 210), sans hésiter à embaucher par la suite 17 personnes supplémentaires, commerciaux, conducteurs de machine, un RRH et un responsable de marketing, indispensables à la bonne marche du site. En revanche, le groupe n'a pas apporté les liquidités nécessaires.

Salaires non versés

Pire ! Les paies ne sont pas toujours versées. Isotherma, rachetée à l'été 2008, émerge ainsi d'une grève de dix jours. « Nous n'avions touché que 55 % du salaire de janvier, et l'entreprise devait 480 000 euros à notre mutuelle », explique Didier Pernot, élu CGT chez ce spécialiste du désamiantage, de l'isolation et du second oeuvre (400 salariés). Il a fallu une médiation, le 25 février dernier à la préfecture de Rouen, avec la direction de l'entité et l'inspection du travail pour en sortir.

« La prochaine échéance, c'est le prochain salaire », précise le syndicaliste, sur le qui-vive. D'ailleurs, l'un de ses collègues se fâche : « Moi, je suis Isotherma et pas BKC. » Ambiance ! D'après l'accord, BKC devrait avoir apporté 500 000 euros avant le 8 mars et investir 1,5 million d'euros de plus dans les semaines à venir. La même mésaventure est arrivée à Spiral Concord, sous-traitant de la mécanique près de La Rochelle (31 salariés) et dans le giron de BKC via le groupe Gema. Les gens attendent leur salaire de février, et la mutuelle n'est plus payée depuis deux mois.

Et là-bas, le ton monte. Car le personnel a déjà mal pris la tentation de son Pdg de tailler dans les effectifs. « En septembre, il parlait de délocaliser ; en octobre, il voulait licencier 14 personnes. Or il n'en a pas le droit durant les deux ans qui suivent la cession. Sauf dérogation du tribunal de commerce », explique Alain Rataud, délégué du personnel. Le 26 janvier, le tribunal a refusé la requête, à la satisfaction des salariés. Mais, depuis, ceux-ci ont hâte qu'un dossier pour redressement judiciaire soit déposé au tribunal, comme on le leur a annoncé.

Chômage partiel

Chez Walor, spécialiste des pièces métalliques d'airbag, à Legé (Loire-Atlantique, 115 salariés), racheté en 2007, le boulet des licenciements n'est pas passé loin non plus. En février 2009, la société a failli vivre un plan social touchant 30 personnes. « Nous avons refusé, optant pour la formule du chômage partiel rémunéré à 75 %, explique Catherine Redjdal, déléguée CFDT. Mais on craint de ne pas garder tous les salariés. Les équipementiers automobiles vont très mal. » Alors, anticipant la sous-activité, les élus du personnel ont monté des modules de formation de vingt-sept jours par individu. La prochaine table-ronde avec la région et l'Etat devrait discuter d'un budget de 400 000 heures. Quant à Isotherma, la situation est aujourd'hui critique. Si la PME survit, la CGT s'attend à un PSE touchant de 70 à 80 salariés.