E & C : Vous coordonnez dans la revue Travail, genre et sociétés (1) une «Controverse» sur les performances économiques des femmes. Sur quoi porte-t-elle ?

M. P. : La question de la performance économique des femmes a été assez tôt évoquée par les économistes et le management. Nous voulions savoir s'il existe, aujourd'hui, des éléments empiriques montrant cette performance et nous interroger sur la signification sociale de ce modèle économique. Pourquoi évoquer l'efficacité des femmes pour justifier de leur place dans les entreprises et, finalement, de l'égalité ?

E & C : Existe-t-il des éléments tangibles qui révèlent l'efficacité des femmes ?

M. P. : Oui. La revue de la littérature et des enquêtes originales comme celle de Michel Ferrary (2), présentée dans le dossier, montrent qu'à partir de 35 % de femmes dans l'encadrement les indicateurs de performance, comme le CA ou la productivité, sont meilleurs... Sauf pour la valorisation boursière, a priori plus faible avec un encadrement féminisé en période de croissance.

E & C : Quel est le sens de cette interrogation sur la performance des femmes ?

M. P. : Parler de la performance économique des femmes apporte un argument managérial propice à séduire les décideurs, alors que les justifications de type moral n'ont pas vraiment réussi à féminiser les fonctions de direction. Par ailleurs, la question renvoie à une éventuelle spécificité féminine, des vertus construites comme féminines. Une telle valorisation pourrait, in fine, être défavorable à l'égalité. Ce nouvel argument doit d'abord susciter de la méfiance. L'un des auteurs du dossier, Irène Jonas, parle de «sexisme bienveillant».