Les bouleversements économiques récents liés à la mondialisation, à la révolution informatique et à l'intégration européenne ont largement chahuté le droit du travail, affectant profondément la relation entre le capital, le travail et le droit. Bon nombre de nouvelles règles engagent l'initiative et la responsabilité individuelles du travailleur au détriment des démarches collectives.

Au plan du droit communautaire, la jurisprudence de la Cour de justice européenne paraît confirmer la primauté des normes relatives à la liberté du marché sur les normes issues des droits sociaux, tandis que la Commission européenne semble réorienter le droit du travail vers la flexicurité. Au final, c'est la protection du salarié qui est remise en cause. Il semble que nous assistions à une évolution d'un droit du travail protecteur vers un droit de la concurrence sociale responsabilisant. Marc Rigaux, professeur de droit à l'université d'Anvers et assesseur à la section de législation du Conseil d'Etat, passe au crible le droit belge pour montrer ce détricotage systématique des filets de protection collectifs au nom de la libre concurrence entre les salariés en Belgique, mais aussi partout ailleurs en Europe. Pour l'auteur, le droit étant intimement lié aux valeurs des personnes qui l'établissent, il est urgent de réaliser dans quel sens pousse l'histoire afin d'envisager d'autres solutions techniquement correctes pour résoudre les tensions entre, d'une part, un marché libre du travail conduisant à la concurrence sociale et, de l'autre, une citoyenneté du travailleur imposée aux acteurs économiques par l'ordre politique.