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Gare aux contentieux !

Enquête | publié le : 02.03.2010 |

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Gare aux contentieux !

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L'empilement législatif résultant de la réforme, puis de l'assouplissement des 35 heures recèle de nombreuses chausse-trappes juridiques.

Lorsqu'elle réalise des audits d'acquisition, les risques juridiques relevant du temps de travail sont l'un des tout premiers points analysés par Stéphanie Godof, avocate chez Jeantet Associés : « La complexité de la législation autour du temps de travail entraîne souvent des erreurs de la part des entreprises, notamment dans la mise en application des accords, ce qui peut engendrer des coûts très importants. »

Sans être nouveaux, deux sujets concentrent actuellement l'attention des conseils en droit social. « Depuis six mois, on assiste à une explosion des contentieux liés aux forfaits en jours », explique Stéphanie Stein, associée du cabinet Eversheds. Outre les salariés contestant leur rattachement à un forfait sans qu'aucun accord de branche n'y ait expressément autorisé leur employeur, voire sans qu'eux-mêmes n'aient jamais signé l'avenant ad hoc, certains arguent devant les tribunaux d'une charge de travail excessive, réclamant le paiement d'heures supplémentaires auquel leur statut ne leur donne pas droit. Un risque aggravé par l'extension progressive du forfait en jours à des salariés «autonomes» non cadres.

Suivi des accords

« La loi du 20 août 2008 a supprimé l'obligation de mettre en place des modalités de suivi pour les salariés au forfait en jours. Mais, en l'absence de renégociations, toutes les entreprises qui avaient inscrit cette disposition dans leur accord 35 heures doivent continuer à respecter ce suivi », précise Stéphanie Stein. Pour limiter les risques, l'avocate recommande à ses clients de mettre en place un dispositif «de bas en haut» : les salariés sont invités à déclencher eux-mêmes une alerte s'ils s'estiment victimes d'une charge de travail disproportionnée. De leur côté, les managers sont priés de ne pas faire l'impasse sur le sujet lors des entretiens annuels d'évaluation.

Dernière précaution à prendre en matière de forfaits en jours : la rémunération. « Elle doit être suffisamment élevée afin de tenir compte des «sujetions qui sont imposées aux salariés» et d'éviter une décision de justice condamnant l'entreprise au paiement des heures supplémentaires que le salarié aurait perçues en l'absence de forfait, souligne Stéphanie Godof. Je sonne moi-même l'alerte dès que j'identifie un salarié au forfait en jours dans la tranche la plus basse d'une grille de salaires. »

Heures supplémentaires

Seconde source d'alimentation des contentieux en matière de temps de travail : les heures supplémentaires. « Alors qu'on pouvait s'attendre à une explosion des affaires du fait des dépassements horaires inévitablement engendrés par la réforme des 35 heures, on constate, depuis dix ans, une stabilité du nombre de cas, explique Stéphanie Stein. Pour autant, la vigilance s'impose, car les avantages fiscaux prévus par la loi Tepa pourraient inciter des salariés à contester la pratique, répandue mais illégale, de versement de primes à la place des heures supplémentaires. »

Attaqué sur un rappel d'heures, un employeur doit prouver qu'il a bien mis en place un système de contrôle de la durée du travail, badgeuse ou système autodéclaratif de type «time sheet» pour les salariés au forfait.

« Bien rares sont, en réalité, les employeurs qui prennent ce genre de précautions, explique Marijke Granier-Guillemarre, du cabinet Sarrau Thomas Couderc. La prescription n'intervenant qu'au bout de cinq ans, le risque est pourtant important. L'expérience prouve, en outre, que les entreprises attaquées sont presque systématiquement condamnées, non seulement à payer les heures supplémentaires réclamées, mais également au titre du travail dissimulé. »

Contentieux potentiels

« Aucune entreprise ne peut se targuer de respecter à la lettre la législation relative au temps de travail, tempère Stéphanie Stein, en particulier les règles relevant de la notion de travail «effectif». C'est surtout la dégradation des conditions de travail qui peut entraîner une multiplication des contentieux. » Reste que les salariés contestant le traitement qu'ils ont reçu ne sont pas les seuls à venir réclamer à l'employeur les preuves de la rigueur avec laquelle il contrôle le temps de travail : l'exonération de charges sociales attachée aux heures supplémentaires depuis la loi Tepa renforce également l'attention des Urssaf. Pour se prémunir contre de tels contrôles, le groupe SGS a mis en place un système de «traçage» consistant à faire viser des «commandes d'heures» par les salariés et leur manager avant de les envoyer au service paie. « Bien que parfaitement rodé aujourd'hui, le système alourdit considérablement nos processus internes, regrette Laurent Pinède, le DRH du pôle Qualitest Industrie. A tel point que je doute même qu'il soit réellement incitatif. »