Depuis quarante ans, les luttes syndicales se sont focalisées sur l'augmentation du pouvoir d'achat. Pour quel bénéfice ? Un salaire ouvrier permettait, au début du XXe siècle, de faire vivre une famille. Un siècle de combats plus tard, il faut désormais pour cela deux salaires. La question de meilleurs revenus, aussi indispensable soit-elle, alimente le système. Avec le mode de vie lié à la société productiviste et consumériste, la course effrénée au pouvoir d'achat est devenue un piège dans lequel les salariés sont les premiers à tomber.
La question n'est pas de savoir si les salariés doivent se priver, mais peut-être faut-il réviser les théories de la croissance qui ne génèrent qu'un mieux-être apparent, tout en aggravant les conditions de travail. Paul Ariès, militant écologiste, journaliste à La Décroissance et directeur du journal Sarkophage, remet en question le mythe fondateur du progrès matériel infini sur lequel est fondée notre société.
La première façon d'éviter le piège est d'agir à deux niveaux : en favorisant la décroissance de la majorité des revenus, et en oeuvrant à la réduction des écarts de revenu. Une trop grande inégalité nourrit la course folle au toujours plus. Plus profondément, l'auteur incite à remettre en cause la notion même de pouvoir d'achat. Plus facile à dire qu'à faire, certainement ! Mais il rappelle que le productivisme ne fait pas partie de la culture ouvrière et que la planète ne peut, à l'évidence, supporter le mirage de l'augmentation sans fin du pouvoir d'achat. Un discours difficile à entendre, certes, mais qui a le mérite de poser des problèmes qui ne sauraient être indéfiniment éludés. P. R.
