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La GPEC territoriale, acte I

Les pratiques | publié le : 16.02.2010 |

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La GPEC territoriale, acte I

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Une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences menée au niveau d'un territoire apparaît comme le moyen de combler les lacunes de la GPEC traditionnelle. Le mouvement est désormais lancé.

Effet de la crise économique ou lame de fond, la GPEC territoriale a le vent en poupe. « Confrontés à des mutations industrielles toujours plus importantes au niveau de leur territoire, les acteurs économiques, politiques et syndicaux sont désormais conscients de la nécessité d'une politique d'anticipation : je ne connais pas une région en France qui n'ait pas engagé, a minima, une réflexion sur le sujet, souligne Thierry Colomer, consultant du groupe Alpha. En outre, ces acteurs sont encouragés à créer des outils par plusieurs textes récents. »

Alors même que la récession économique commence à produire ses effets, l'ANI du 14 novembre 2008 consacre, en effet, explicitement, une dynamique indifféremment nommée GPEC territoriale, GTEC (gestion territoriale de l'emploi et des compétences) ou GTRH (gestion territoriale des ressources humaines) : « Afin de faciliter l'accès au bénéfice d'une GPEC à tous les salariés, quelles que soient leur situation d'emploi et la taille des entreprises, les branches et les organisations interprofessionnelles territoriales doivent développer, en liaison avec les différents bassins d'emploi, une logique d'étude qualitative et quantitative sur l'évolution des métiers et des compétences. »

Solidarité entre entreprises

Quelques mois plus tard, l'ANI sur la gestion sociale des conséquences de la crise économique sur l'emploi du 8 juillet 2009 appelle également à une « solidarité » entre entreprises dans le cadre d'une « GPEC territoriale », afin, par exemple, de favoriser l'occupation par les jeunes des places disponibles dans les centres de formation.

La logique de la démarche ? Combler les lacunes des GPEC d'entreprise et de branche, particulièrement palpables dans un contexte de difficultés économiques. « Alors que les grandes entreprises détruisent aujourd'hui plus d'emplois qu'elles n'en créent, les solutions en termes de sécurisation des parcours professionnels sont plus à rechercher auprès des TPE et des PME, explique Thierry Colomer. L'absence de toute démarche prévisionnelle en matière de compétences dans les petites entreprises entrave le développement de passerelles entre les unes et les autres. »

Diagnostiquer

Impulsé par les syndicats de la filière textile, inquiets des multiples restructurations affectant leur secteur, le projet TranverS'AL, initié en 2008 sur l'ensemble du Sud Alsace (31 communes), s'attache à diagnostiquer les perspectives de la filière en termes d'emploi. Dans un premier temps, une série d'entretiens réalisés auprès des entreprises concernées a permis d'identifier un millier d'emplois «fragiles» au sein de 25 entreprises.

Désormais rodé, le diagnostic sera prochainement étendu aux secteurs du bâtiment, de la métallurgie et de l'hôtellerie-restauration. « Seule une démarche intersectorielle permettra d'introduire de la fluidité entre les activités du bassin d'emploi en déclin et celles qui connaissent de meilleures perspectives, explique Dominique Huard, directeur de la maison de l'emploi de Mulhouse, qui porte le projet. C'est cette transversalité qui manque aujourd'hui au territoire. »

Démarche défensive

« Le point de départ d'une démarche de GPEC territoriale est fréquemment défensif, les acteurs locaux prenant conscience, à l'occasion d'un sinistre, que le territoire ne pourra pas indéfiniment absorber les destructions d'emploi induites, souligne Isabelle Menant, chargée de mission Développement de l'emploi et des compétences à la DGEFP. La démarche n'a, pour autant, rien à voir avec un «super PSE» qui permettrait aux entreprises de se défausser de leurs responsabilités sur le territoire. A la réaction «à chaud» doit rapidement se substituer une logique d'anticipation. » Dans le Sud Alsace, les secteurs en difficulté ne sont pas les seuls à avoir sollicité la maison de l'emploi. L'an dernier, la corporation des chauffagistes est, ainsi, venue faire état d'importantes difficultés de recrutement, liées en partie au développement du marché de la construction et de la réhabilitation basse consommation. Dans un premier temps, une étude menée avec l'Ademe et le Centre d'études techniques de l'équipement de l'Est a estimé que le nouveau marché créerait, dans les dix ans à venir, entre 1 150 et 2 400 emplois sur le bassin d'emploi. Une formation sur mesure, financée par le conseil régional d'Alsace et la maison de l'emploi de Mulhouse, a ensuite été créée par l'Afpa à destination de demandeurs d'emploi ayant une première expérience ou qualification de chauffagiste. Les treize premiers chômeurs de longue durée ayant bénéficié du dispositif ont immédiatement retrouvé un emploi. « La démarche TransverS'AL est également pertinente pour identifier les besoins insuffisamment couverts sur le territoire et conduire des actions pour y remédier », souligne Philippe Maitreau, maire adjoint de Mulhouse et président de la maison de l'emploi.

Gagner en visibilité

« Pour une entreprise, le premier intérêt d'entrer dans une démarche de GPEC territoriale est de gagner en visibilité sur les ressources de son territoire, souligne Isabelle Menant. Qu'elle anticipe des recrutements ou des mobilités, une entreprise finit souvent par constater qu'elle connaît très mal son territoire d'implantation. Et les informations que l'on est en mesure de lui communiquer restent toujours parcellaires. »

Porté depuis 2007 par la maison de l'emploi de Rennes, le dispositif de GPEC territoriale «Transcompétences» s'est, dès le départ, donné pour objectif d'accompagner les entreprises du bassin d'emploi rencontrant des difficultés de recrutement. « Transcompétences est un outil d'aide au diagnostic des compétences transférables d'un métier à un autre, qui vise à élargir les représentations dont font habituellement preuve les employeurs dans leur recherche de compétences, explique Annie Delaunay, chargée de mission GPEC à la maison de l'emploi de Rennes. Il les aide, notamment, à sortir du cadre strictement technique dans lequel ils cantonnent trop souvent leurs candidats. » Sur les 11 projets d'appui-conseil au recrutement sollicités par des entreprises depuis le lancement du dispositif, deux seulement ont abouti.

Si elle a pu donner un coup de frein à nombre de perspectives d'embauche, la crise économique n'est cependant pas la seule responsable. Tenues de demander elles-mêmes la prise en charge financière de la prestation, les entreprises concernées n'ont pas forcément obtenu l'accord de leur Opca. Le financement des projets de GPEC territoriale reste, en effet, une problématique de poids. « En réalité, les fonds existent en proportion suffisante, relève Isabelle Menant. La difficulté est plutôt de les articuler et d'assurer leur pérennité. »

Budget propre

Selon Annie Delaunay, la prochaine mise en place d'un dispositif Edec en partenariat avec l'Upib (Union patronale interprofessionnelle de Bretagne) et l'Opcalia devrait doter Transcompétences d'un budget propre et résoudre rapidement les contraintes initiales.

Evaluation

Outre la difficulté d'assurer son financement, la GPEC territoriale se heurte également à la question de son évaluation. Si la plupart des observateurs s'accordent à penser qu'il est encore trop tôt pour dresser le moindre bilan, certains assurent que la dynamique est encore loin de tenir ses promesses en termes de sécurisation des parcours professionnels. « On constate de belles avancées en matière de cartographie des emplois sur un territoire donné, relève Maurad Rhabi, de la CGT. Que les entreprises y trouvent avantage, c'est certain. On attend toujours, en revanche, les progrès en matière de sécurisation des transitions entre deux emplois. »

L'essentiel

1 Anticiper la mutation des emplois et des compétences au niveau d'un territoire est devenu une nécessité.

2 Objectif : fluidifier le marché de l'emploi local en tenant compte des compétences disponibles et des besoins des entreprises.

3 Toutefois, le financement des démarches de GPEC territoriale reste un problème épineux.

Un projet pilote de GPEC départementale en Seine-et-Marne

L'Agefos-PME, l'Opcalia et le Fongecif d'Ile-de-France s'unissent pour accompagner les mutations économiques en Seine-et-Marne.

L'Agefos-PME, l'Opcalia et le Fongecif d'Ile- de-France ont lancé, le 18 janvier dernier, «Muteco 77», un service d'information, de conseil et d'accompagnement (1) pour favoriser l'emploi et la formation professionnelle, destiné à toutes les entreprises et aux salariés de Seine-et Marne.

« L'objectif de ce projet pilote, inédit en France, est de favoriser le maintien de l'emploi et le développement de la formation professionnelle afin de répondre aux impacts de la crise et d'anticiper les grandes mutations économiques, assure la présidente de l'Agefos-PME d'Ile-de France, Corinne Mielcarek. En mutualisant les expertises ainsi que les moyens techniques et financiers des trois organismes, Muteco 77 propose une plateforme d'appels dédiée, permettant de réaliser un prédiagnostic immédiat des besoins ; le service peut se poursuivre par une intervention de conseil approfondi en entreprise ou la construction d'un projet personnalisé pour le salarié concerné. Les conseillers assurent également un accompagnement global dans la mise en oeuvre du projet et dans le financement des actions de formation mobilisées. »

Questions et réponses

« Quelles sont mes possibilités de reconversion ? Quelles compétences acquérir pour la conquête de nouveaux marchés ? Quelles alternatives au licenciement ? Qui sont les experts emploi et formation qui pourront m'aider en Seine-et-Marne ? L'opération vise à répondre à ces questions que se posent aujourd'hui dirigeants d'entreprise et salariés », explique Luc Tassera, président du Fongecif Ile-de-France. « Nous voulons simplifier l'accès à l'information et au conseil, et mettre en place un service personnalisé et de proximité pour favoriser l'évolution professionnelle », précise Henri Marichez, président d'Opcalia.

Muteco 77 s'inscrit dans le cadre de la convention du 16 avril 2009 signée entre l'Etat, le conseil régional Ile-de-France et les partenaires sociaux régionaux. Cet accord prévoit la mise en place d'actions concertées pour la sécurisation des parcours professionnels et la consolidation de l'emploi dans la région. Les trois partenaires souhaitent initier une centaine de projets individuels ou collectifs « pour un budget global estimé à près d'un million d'euros ».

Toucher de nouveaux adhérents

Muteco 77 tente donc une forme de GPEC au niveau du département, dont « le tissu économique présente un caractère éclaté », assurent les trois partenaires. Mais, pour les deux collecteurs interprofessionnels Agefos-PME et Opcalia, ce sera également un moyen de toucher d'éventuels nouveaux adhérents, dans la mesure où « quels que soient le secteur d'activité et le statut de l'entreprise - PME-TPE, commerce, artisanat -, chaque appel donnera lieu à une information et à un conseil adaptés, commentent-ils. Et que les experts Muteco 77 peuvent également renseigner sur la réforme de la formation ». Bilan dans trois mois.

LAURENT GÉRARD

(1) n° Azur : 0810 85 57 57.