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Enquête

Le dialogue social a sécurisé les élections

Enquête | publié le : 09.02.2010 |

En négociant en amont des élections, la direction et les syndicats ont réduit les marges d'interprétation des nouvelles règles autant qu'il était possible.

Border, cadrer, réduire les marges d'interprétation et les sources de litige. En prévision des premières élections professionnelles soumises à la loi du 20 août 2008, la direction de Teleperformance et les syndicats ont joué la sécurité. Plutôt avec succès.

Le 12 mai 2009, les salariés de Teleperformance se sont rendus aux urnes et ont donné, au niveau de l'unité économique et sociale (UES), 24,07 % à la CFTC ; 18,92 % à la CGT ; 18,38 % à la CFDT ; 16,16 % à Sud ; 13,76 % à FO ; 6,38 % à la CFE-CGC (32,7 % dans les collèges cadres et agents de maîtrise) ; et 2,33 % à l'Unsa. « Il en résulte un paysage syndical équilibré, ouvrant des possibilités pour un dialogue social, parfois vif, mais avec des possibilités d'échanges », commente Philippe Lemauff, DRH de Teleperformance.

Moins de contentieux

Il retient également des nouvelles règles qu'elles ont réduit les contentieux sur la représentativité : « Auparavant, par exemple, les organisations syndicales Sud et l'Unsa, qui ne bénéficiaient pas de la présomption irréfragable, étaient tentées de s'imposer en désignant des délégués syndicaux, ce que les directions contestaient. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Ainsi, chez Teleperformance France, l'organisation syndicale Sud est représentative et l'Unsa ayant obtenu moins de 10 % des voix ne l'est pas, mais peut désigner un RSS, comme le prévoit la loi. » Une situation assainie à mettre sur le compte de la loi, mais aussi des résultats aux élections, suffisamment tranchés pour ne pas souffrir de contestations.

Trois accords

La négociation de trois accords a permis de sécuriser les points importants. L'accord sur l'«organisation de la représentation du personnel» en UES a été signé en janvier (à l'unanimité, comme c'est la règle pour la création d'une UES). Celui sur «les moyens de la représentation syndicale» et des IRP a été paraphé le même jour par quatre syndicats. La signature du premier était conditionnée à l'aboutissement du second. Enfin, le protocole préélectoral a été signé en mars.

Les signataires de l'accord sur les moyens ont pris soin d'y faire figurer la formule de calcul de l'audience syndicale, mesurée, d'une part, au niveau de chacune des cinq sociétés de l'UES, et, d'autre part, au niveau de l'UES, afin de distinguer la représentativité à chaque niveau. Ainsi, « la CGT n'est pas représentative dans toutes les sociétés, mais l'est au niveau de l'UES », explique Sonia Porot, déléguée centrale CGT. Evident ! Mais, « à l'époque, rappelle Philippe Lemauff, la règle était encore assez floue, nous avons préféré nous assurer ». Mieux valait être précis, car, de l'audience obtenue à ces deux niveaux dépendent les désignations des délégués syndicaux, des représentants syndicaux aux CE et des représentants de la section syndicale, dans trois niveaux de dialogue social : l'UES, les sociétés, et les bassins d'emploi.

Une autre question est venue très vite sur la table : les DS doivent-ils être désignés parmi les candidats ayant obtenu 10 % au CE ou aux élections de DP ? La loi est imprécise. « La direction voulait que ce soit parmi les élus CE ; les organisations syndicales, parmi les élus CE ou DP, afin qu'un syndicat qui ne présente pas de candidats à l'une des deux instances puisse quand même désigner un DS », explique Sonia Porot, qui rappelle, en outre, qu'il y a beaucoup de turn-over dans les centres d'appels. Les syndicats ont donc ressorti la circulaire DGT du 13 novembre 2008, qui leur donne raison.

Un document précieux

Souvent présenté par les juristes comme une source potentielle de contentieux, le vote des salariés mis à disposition chez Teleperformance n'a pas posé de problèmes. « Nous nous sommes conformés à la circulaire du 13 novembre 2008, un document décidément précieux : nous avons écrit aux prestataires pour leur demander la liste des salariés susceptibles de voter chez Teleperformance France et qui souhaitaient le faire ; certains ont répondu, aucun salarié n'a souhaité voter chez nous », raconte Philippe Lemauff.

Le «poids» de la signature

En revanche, la question du «poids» de la signature de la CFE-CGC ne fait pas consensus. Celle-ci a obtenu 32,7 % dans les collèges cadres et agents de maîtrise, mais 6,38 % tous collèges confondus. Pour Philippe Lemauff et Jean-Paul Le, DSC CFE-CGC, le poids de la signature de la CFE-CGC dépend du périmètre de l'accord considéré : 32,7 % si l'accord concerne seulement l'encadrement ; 6,38 % s'il intéresse tous les salariés. « Mais alors, un syndicat qui fait moins de 10 % peut négocier et signer des accords qui concernent tout le monde », proteste Sonia Porot, qui explique que, « pour le moment, [elle] accepte la situation, parce qu' [elle] n'a pas eu le temps de creuser ». De fait, ce point n'est pas encore tranché par les juristes (lire p. 24). Quant à la CGC de Teleperformance, elle a signé, le 28 janvier, un plan de départs volontaires concernant tous les salariés, avec la CFTC, FO et la CFDT, l'ensemble pesant 62,59 %.

Philippe Lemauff pointe, enfin, une dernière inconnue : le pouvoir des électeurs. « L'élection étant le critère essentiel de représentativité, ce système va-t-il modifier les rapports entre les organisations syndicales ? Celles-ci ne vont-elles pas privilégier une approche de court terme ? Auquel cas, il nous faudra être encore plus pédagogues. »

Moyens : priorité aux syndicats représentatifs

Gloire au vainqueur, mort au vaincu. Chez Teleperformance, les syndicats représentatifs ont des moyens intéressants, les non représentatifs disposent de ceux prévus par la loi, sans plus.

Une position que Philippe Lemauff assume parfaitement : « Les syndicats représentatifs sont légitimés par les salariés et animent le dialogue social, il est donc normal qu'ils disposent de moyens ; a contrario, le RSS est là pour préparer l'élection suivante, à quoi suffisent les moyens légaux. »

Une exception tout de même : un syndicat représentatif seulement au niveau d'une société peut avoir un représentant syndical au CE de l'UES. « C'était une demande pressante des petits syndicats pour maintenir un représentation centrale », explique Félicien Okoyo, DS CFTC, dont le syndicat, grâce à une bonne campagne, s'est hissé en tête aux élections de 2009, passant de 11 % à 24 %.