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Enquête

La jurisprudence se constitue rapidement

Enquête | publié le : 09.02.2010 |

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La jurisprudence se constitue rapidement

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La Cour de cassation a rendu, le 8 juillet 2009, puis le 13 janvier 2010, plusieurs arrêts relatifs à la loi du 20 août 2008.

Représentativité pendant la période transitoire

Pendant la période transitoire, c'est-à-dire jusqu'à l'organisation d'élections professionnelles soumises à la loi du 20 août 2008, la présomption de représentativité d'un syndicat affilié à l'une des cinq confédérations ne peut être contestée.

Preuve de l'existence de la section syndicale

Même pendant la période transitoire, le syndicat doit, « pour établir la preuve de l'existence ou de la constitution d'une section syndicale, démontrer la présence de plusieurs adhérents dans l'entreprise ».

Identité des adhérents

Un syndicat ne peut révéler le nom de ses adhérents sans l'accord des intéressés. Si l'existence de la section est contestée, « le syndicat doit apporter les éléments de preuve utiles à établir la présence de [...] deux adhérents dans l'entreprise, dans le respect du contradictoire, à l'exclusion des éléments susceptibles de permettre l'identification des adhérents du syndicat, dont seul le juge peut prendre connaissance ».

Désignation d'un représentant syndical au CE

« Les nouvelles dispositions de l'article L. 2324-2 du Code du travail, applicables à compter du 22 août 2008, donnent le droit à chaque organisation syndicale ayant des élus, sans autre condition, de désigner un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'établissement. »

Dans les entreprises de plus de 300 salariés, un syndicat n'a donc plus besoin d'être représentatif pour désigner un représentant au CE ; il lui suffit, pour cela, d'avoir des élus. Dans une entreprise de moins de 300 salariés, le représentant syndical au comité d'entreprise est nécessairement le délégué syndical.

Valeurs républicaines : charge de la preuve

Il revient à celui qui conteste qu'un syndicat respecte les valeurs républicaines d'apporter la preuve de ce qu'il avance.

Désignation d'un RSS (entreprise multisite)

Pour désigner un RSS dans un établissement composé de plusieurs sites, le syndicat n'a pas à faire la preuve qu'il est implanté sur l'ensemble des sites.

Irrégularités susceptibles d'annuler le scrutin

Les irrégularités commises dans l'organisation et le déroulement du scrutin, dans le cadre de la loi du 20 août 2008, ne peuvent constituer une cause d'annulation que si, s'agissant du premier tour, « elles ont été déterminantes de la qualité représentative des organisations syndicales dans l'entreprise, ou du droit pour un candidat d'être désigné délégué syndical ». Autrement dit, seules les irrégularités susceptibles d'avoir une incidence sur le seuil de 10 % nécessaire à un syndicat pour être représentatif ou à un candidat pour être délégué syndical peuvent annuler le scrutin. « La Cour de cassation a donc opté pour une solution qui garantisse l'application de la loi sans menacer tous les scrutins », analyse Laurence Pécaut-Rivolier, conseillère référendaire à la chambre sociale de la Cour de cassation dans la Semaine sociale Lamy du 18 janvier 2010.

Désignation d'un représentant syndical par une union ou une fédération

Une union syndicale, voire une confédération peuvent désigner un représentant syndical dans une entreprise, sous certaines conditions. La jurisprudence antérieure à la loi du 20 août 2008 accordait à une union les mêmes droits qu'à un syndicat, dont celui de désigner un représentant syndical. Après la réforme, il y avait d'autant plus de chances que les unions usent de ce droit que tous les syndicats d'entreprise n'avaient pas les deux ans d'ancienneté désormais requis pour pouvoir désigner un représentant.

Un arrêt du 8 juillet 2009 et un autre du 13 janvier 2010 confirment l'ancienne jurisprudence, en tenant compte du fait que la loi impose également, désormais, parmi les conditions pour désigner un délégué, de faire la preuve qu'il y a au moins deux adhérents dans l'entreprise.

Il ressort de ces deux arrêts qu'une union peut désigner un représentant syndical dans une entreprise à condition qu'elle ait deux ans d'ancienneté et qu'elle puisse se prévaloir de deux adhérents dans l'entreprise, sachant que « l'affiliation d'un syndicat à une union permet à cette dernière de se prévaloir des adhérents du syndicat [...] »

« C'est une consécration de l'organisation du syndicalisme français comme un syndicalisme de «tendance» qui confor te le rôle des confédérations [...] », relève Laurence Pécaut-Rivolier.

Communication de la répartition des suffrages en cas de liste commune

La répartition des suffrages, lorsque les syndicats forment une liste commune, doit être portée tant à la connaissance de l'employeur qu'à celle des électeurs avant le déroulement des élections. Faute de quoi, la répartition s'opère à parts égales. La loi du 20 août précise simplement à quel moment la clé de répartition des suffrages doit être divulguée (lors du dépôt des listes), mais pas à qui ni comment. L'arrêt du 13 janvier précise, désormais, à qui doit être communiquée cette information, à défaut de dire comment.

Pour Laurence Pécaut-Rivolier, cette tâche incombe aux syndicats « par tout moyen, soit sur les documents diffusés, soit par affichage, soit directement sur les bulletins de vote ».

Deux questions en suspens

Les salariés mis à disposition peuvent-ils renoncer à leur droit de vote ?

Le vote et l'élection des salariés mis à disposition sont un sujet qui passionne les juristes, mais pas encore les partenaires sociaux. Avant la réforme, les salariés mis à disposition, « intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail » de l'entreprise utilisatrice, pouvaient y voter, et faire de même chez leur employeur, donc voter deux fois. La loi du 20 août a voulu sécuriser le dispositif, d'une part en objectivant la définition du salarié mis à disposition (présence dans l'entreprise depuis douze mois continus), d'autre part en leur donnant le choix de voter chez leur employeur ou dans l'entreprise utilisatrice. La procédure a été décrite dans la circulaire du 13 novembre 2008 : l'entreprise utilisatrice interroge le prestataire, qui lui fournit la liste de ses salariés répondant aux critères et qui veulent voter dans l'entreprise utilisatrice.

Et si le prestataire ne s'acquitte pas de ces tâches ? C'est la faille. Car, « tant qu'un salarié n'a pas renoncé de manière non équivoque à son droit, il le conserve », rappelait Yannick Pagnerre, maître de conférences à l'université Panthéon-Assas, au cours d'un colloque organisé en janvier par l'Association française des relations professionnelles (Aferp). « Il y a peu de contentieux sur les salariés mis à disposition, constatait, de son côté, au cours du même colloque, Charles-Louis Molgo, de la Direction générale du travail. L'important est que les entreprises fassent ce qu'elles ont à faire. A l'impossible nul n'est tenu. »

Un syndicat catégoriel peut-il signer un accord général ?

La loi dit que la validité d'un accord est subordonnée à sa signature par des organisations syndicales ayant obtenu 30 % des suffrages, et à l'absence d'opposition (50 % des suffrages). La circulaire de la DGT précise que la validité d'un accord concernant les salariés d'un collège est subordonnée à sa signature par des syndicats ayant obtenu au moins 30 % dans ce collège et à l'absence d'opposition. Mais on ne sait pas si un syndicat catégoriel peut signer un accord intercatégoriel.

Pour Patrice Adam, maître de conférences en droit privé à Nancy-2, qui, dans la Semaine sociale Lamy du 7 décembre 2009, prend l'exemple de la CFE-CGC, « la représentativité catégorielle du syndicat CFE-CGC lui ouvre grand, à elle seule, les portes de la négociation collective d'entreprise intercatégorielle ». Mais « le syndicat catégoriel ne peut signer l'accord collectif intercatégoriel que s'il a obtenu au moins 10 % des voix tous collèges confondus ». Et pour connaître le poids de la signature de la CFE-CGC, « rapporter, à ce stade, l'audience du syndicat catégoriel aux suffrages exprimés tous collèges confondus ».

E. F.