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Enquête

La prévention s'affine, mais les risques persistent

Enquête | publié le : 02.02.2010 |

Désormais connus et intégrés, les risques liés à l'amiante ont engendré une réglementation détaillée et évolutive. Mais le risque subsiste et le coût de prise en charge des maladies apparaît vertigineux.

Treize ans après son interdiction en France, nul ne conteste ni la persistance, ni la gravité des risques liés à l'amiante. Selon l'INRS, 900 000 salariés de l'entretien ou du BTP sont aujourd'hui potentiellement exposés. Apparaissant entre dix et quarante ans après l'exposition, les cancers et mésothéliomes dus à l'amiante causent chaque année entre 2 000 et 3 000 décès.

Les opérations de retrait d'amiante, particulièrement dangereuses en présence de matériaux friables, sont aujourd'hui réalisées dans le cadre de procédures précises, complètes et fiables..., à condition d'être appliquées.

Rappel des consignes

L'inspection du travail, les caisses régionales d'assurance maladie et les organismes de certification sont régulièrement amenés à rappeler à certains employeurs les consignes en matière de détection préalable de l'amiante et d'équipements de protection. « L'entreprise a pourtant tout à gagner à appliquer scrupuleusement les règles de sécurité. Les manquements peuvent mettre les dirigeants en cause et coûter cher à la société. Les donneurs d'ordres tiennent à une qualité irréprochable en matière de sécurité, surtout lorsqu'il s'agit de chantiers très médiatisés, tels le désamiantage de la tour Montparnasse, que nous avons réalisé. Les salariés eux-mêmes doivent pouvoir faire confiance à leur employeur. Les garanties que nous apportons en matière de sécurité jouent en notre faveur lors de nos recrutements », témoigne Patrick Glangé, cogérant de la société Sat France, spécialiste du désamiantage et du démantèlement et de la décontamination nucléaires.

Actions de formation

Cette entreprise, qui emploie 105 salariés à Yutz (Moselle), consacre plus de 1 % de son chiffre d'affaires (11,5 millions d'euros l'an dernier) à des actions de formation et de prévention destinées à la totalité du personnel de terrain. Aux stages obligatoires pour décrocher les certifications requises s'ajoutent des programmes internes de sensibilisation aux risques professionnels. Un suivi de chantier minutieux, entrecoupé de points d'arrêt pour vérifier l'exactitude des repérages, permet d'adapter les moyens de protection aux mesures effectuées.

Aussi scrupuleux soit-il, le respect de la réglementation ne suffit pas à garantir l'absence de risques. Le seuil légal, qui fixe le taux d'exposition à 100 fibres d'amiante par litre, entraînerait un risque de 3,3 cas supplémentaires de cancer pour 1 000 travailleurs exposés.

L'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) préconise d'abaisser la valeur limite d'exposition professionnelle à 10 fibres par litre sur une moyenne de huit heures. Elle recommande, également, de passer de la microscopie optique à la microscopie électronique pour mieux dénombrer la présence de fibres fines dans les sites contaminés. Des mesures plus précises devraient permettre de mieux cerner le risque, sans forcément entraîner le durcissement de la réglementation.

La détection des maladies liées à l'amiante pose la délicate question du coût de prise en charge. « Le dépistage n'est pas généralisé et les médecins-conseils prescrivent trop souvent des radios qui ne présentent aucune fiabilité en matière de détection », affirme Marcel Nicolaus, membre du bureau et du conseil de l'Union fédérale des retraités de la chimie et de l'énergie CFDT. Les radios ne détecteraient que 20 % des affections bénignes imputables à l'amiante et 9 % seulement des lésions cancéreuses.

Trouver l'équilibre

« En matière d'amiante, la prévention relève d'un équilibre socio-économique. Il serait difficile d'étendre les scanners aux salariés de tous les secteurs d'activité nécessitant une forte chaleur, tels la sidérurgie, la fonderie ou encore, la bijouterie », souligne Philippe Emonet, ingénieur-conseil à la Cram du Nord-Est. Les associations professionnelles et patronales s'inquiètent d'un coût de prise en charge faramineux. L'amiante pourrait tuer 100 000 personnes au cours des vingt prochaines années, soit en moyenne 5 000 décès et 50 000 malades par an. Outre les souffrances individuelles, le coût du désastre s'élèverait, ainsi, à 2 milliards d'euros par an.