La France vit, depuis 1993, un état de crise permanent qui a pour origine la dérégulation financière au niveau mondial et une politique monétaire trop laxiste aux Etats-Unis. Derrière ces raisons évidentes réside plus profondément la pathologie d'une économie qui a eu besoin du crédit pour compenser ses faiblesses.

La révolution financière a bouleversé l'organisation des firmes, les différents étages de la grande entreprise industrielle étant désormais dissociés les uns des autres. On recourt aux sous-traitants pour les tâches secondaires, on regroupe les ingénieurs dans des bureaux d'étude où ils ne rencontrent plus guère les ouvriers. A l'entreprise des Trente Glorieuses s'est substituée une utopie actionnariale qui vise, à la limite, une firme sans usines et sans travailleurs. Dans le même temps, le client s'impose pour tous comme le véritable donneur d'ordres, justifiant un management par le stress. Le juste-à-temps s'applique également aux horaires et aux charges de travail.

Si la récession mondiale semble peu susceptible de changer la donne en profondeur, elle pourrait cependant permettre de réarticuler entre eux les différents acteurs de l'économie pour que la logique du profit se mâtine de l'indispensable prudence qui permettrait d'envisager un développement économique soutenable.

Daniel Cohen, professeur d'économie à l'ENS, a dirigé ce rapport de travail pour le Centre d'analyse stratégique - à la demande de la secrétaire d'Etat à la Prospective et au Développement de l'économie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet -, sur les impasses et les perspectives économiques et humaines d'une crise qui n'en a certainement pas fini de bousculer nos habitudes de vie et de travail. P. R.