Signé en juin 2009 entre le groupe Thales et la FEM (Fédération européenne de la métallurgie), l'accord «Idea» (Improving professional development through effective anticipation, «Améliorer le développement professionnel en anticipant mieux») s'est en partie inspiré d'une bonne pratique identifiée chez Thales Air Systems en France, la «gestion active de l'emploi» (GAE), mise en place par accord en mars 2006 et désormais caduc depuis le 30 novembre 2008.

L'objectif de la GAE ? « Il s'agissait de faire en sorte que les salariés bougent d'eux-mêmes », résume Emilie Pague, consultante mobilité-anticipation au sein d'une équipe chargée d'intervenir auprès des salariés de Thales Air Systems.

Une commission d'évolution des métiers (CEM), réunissant des représentants de la DRH, des services opérationnels et des syndicats, avait ainsi été créée pour faire une analyse prospective des métiers, avec l'aide du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq), qui « est venu aider l'entreprise à raisonner hors du périmètre de son organisation et à s'ouvrir à des approches extérieures et plus globales », explique Samira Mahlaoui, chargée d'études au Céreq. Ainsi, le centre a travaillé sur les possibilités de mobilité, dans et hors du groupe, d'abord pour quatre métiers jugés sensibles (monteurcâbleur, technicien intégration essais, technicien méthodes, gestionnaire de base de données logistiques), à partir d'entretiens avec des opérationnels et des managers, de données statistiques et d'une comparaison entre les fiches métiers et tendances élaborées par la CEM avec les nomenclatures nationales comme le code Rome.

« Le processus était itératif, explique Jérôme Glomot, responsable de l'Espace Consultants (trois consultants internes, et un externe d'Altédia), une structure qui existe toujours. Chaque année, à partir du business plan à trois ans, nous tirons une analyse quantitative et qualitative de l'évolution des métiers. Puis les chefs de service font des feedbacks collectifs qui nourrissent, ensuite, les entretiens individuels de développement professionnel. » L'équipe de l'Espace Consultants relaie cette information, entre autres, par l'intranet ou lors de «forums du midi», et accompagne les projets individuels de conseils, de formations ou de mises en situation dans d'autres unités. « Cette structure centrale est indépendante de l'organisation générale », explique son responsable, qui assure qu'un salarié peut, ainsi, construire un projet de mobilité sans le dévoiler au RRH de son site.

Selon la CGT, représentée à la Commission d'évolution des métiers, 527 salariés ont été concernés par l'accord GAE, à fin 2008 : 508 projets ont été finalisés ; 4 sont encore en cours de réalisation et 15 en cours d'orientation. Ces deux dernières catégories de personnes sont toujours accompagnées par la commission et le seront jusqu'au terme de leur projet.

La majorité des salariés en mobilité restent dans la division ou le groupe, en évoluant dans leur métier, surtout par la formation. Une vingtaine de créations d'entreprise et environ 150 départs en «préretraite» (avec 65 % du salaire pendant deux ans et demi) sont également à mettre à l'actif de cette opération, ainsi que quelques très rares cas d'essai de convention de mutation concertée. Cette dernière permet à une personne d'être embauchée dans une entreprise extérieure, avec un complément de salaire éventuel payé par Thales, tout en gardant la possibilité de réintégrer le groupe dans les deux ans : ce qu'ont fait les quelques salariés qui avaient tenté l'expérience.

Ce qui fait débat, aujourd'hui, est l'arrêt de la gestion paritaire du dispositif depuis la fin de l'accord GAE : la CEM a disparu, au profit d'une simple information de la commission centrale formation. Même si Jérôme Glomot rappelle que cette volonté d'incitation à la mobilité est préservée dans «Idea», l'accord GPEC du groupe, le dispositif de l'Espace Consultants susciterait moins d'engouement qu'à l'origine, selon Philippe Jampeler, délégué CGT : « Les gens n'osent pas demander à bouger, à cause de la crise et des restructurations annoncées. » Selon Jérôme Glomot, ce service suit encore en permanence un flux d'une vingtaine de salariés.

• Activité : fournisseur et concepteur de solutions globales de sécurité aérienne dans les domaines civil et militaire.

• Effectifs : 6 300 salariés.

• Chiffre d'affaires 2008 : 1,6 milliard d'euros.