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Enquête

« La sécurisation des trajectoires professionnelles pourrait devenir une priorité dans le débat social »

Enquête | L'entretien avec | publié le : 26.01.2010 |

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« La sécurisation des trajectoires professionnelles pourrait devenir une priorité dans le débat social »

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E & C : Quels ont été les effets de la crise économique sur la mobilité des salariés ?

B. G. : Depuis la fin de l'année 2008, le principal mot d'ordre des pouvoirs publics comme des salariés semble être d'éviter à tout prix la mobilité ! On bougeait déjà peu, mais la crise a encore accentué ce blocage. C'est un véritable problème, car, si rien n'est fait, nous risquons de passer à côté de l'opportunité majeure que représentent les prochains flux massifs de départs en retraite. Nous donnerons-nous les moyens de remplacer les compétences qui viendront à manquer ? Pour le moment, c'est l'attentisme qui prévaut.

D'autre part, il est aujourd'hui incontestable que la France n'est plus en position de force sur le marché mondial. On peut s'en accommoder et continuer à subventionner, comme on le fait aujourd'hui, le travail non qualifié ou bien mener des actions volontaristes pour faire évoluer les spécialités françaises et former ceux qui le souhaiteront à ces nouvelles qualifications. Les études prospectives qui auraient pu ouvrir la voie ont pourtant été réalisées, mais, du fait de la crise, il semble que nous nous soyons retranchés derrière une sorte de ligne Maginot qui ne protège rien ni personne. C'est demain que l'industrie française devra produire des voitures électriques. Si rien ne change, ce sont des ingénieurs indiens qu'il faudra aller chercher pour y parvenir.

E & C : Est-ce, selon vous, un échec de la «flexicurité à la française» ?

B. G. : Non seulement la flexicurité n'a jamais réellement convaincu, mais, si cela était encore nécessaire, la crise a démontré les difficultés que les entreprises et les pouvoirs publics ont à se saisir des outils qui devraient permettre sa mise en oeuvre. Certes, on a pu assister, ici et là, à la signature d'accords liant chômage partiel et actions de formation dans une logique de maintien dans l'emploi et de préparation de la reprise. Mais combien de salariés en ont bénéficié ? 2 000 en France, quand l'Allemagne parvenait à mettre en place des formations pour 40 000 personnes.

Depuis la crise, la flexicurité apparaît, en outre, comme un compromis qui fait la part belle aux processus de flexibilisation, ceux-là mêmes que l'on a vus à l'oeuvre, avec les conséquences désastreuses que l'on sait, dans le domaine des marchés financiers. Autant dire que cette approche est en train de perdre le peu de crédit qu'elle avait pu avoir au sein de l'opinion.

E & C : Le rejet de la flexibilité à outrance a-t-il des chances d'aboutir à une recherche de meilleures sécurités pour les salariés ?

B. G : Depuis que la flexibilité - éventuellement amendée par l'introduction de la flexicurité -, qui était jusqu'à présent le précepte de toutes les élites raisonnant intégration mondiale, se trouve ainsi discréditée, on peut raisonnablement penser, en effet, que la sécurisation des trajectoires professionnelles devienne une priorité dans le débat social. Je pense, par exemple, à la théorie des «marchés transitionnels du travail», explorée par des chercheurs européens depuis 1995, qui, tout en maintenant la référence à la «globalisation», prend ses distances avec l'impératif de flexibilité. Selon eux, c'est de la sécurité dont bénéficient ses participants, obtenue par l'aménagement systématique et négocié des trajectoires professionnelles, que proviendra la souplesse du marché du travail.

En privilégiant l'action sur les «transitions», entre deux emplois ou au sein même de l'emploi, son mot d'ordre est «d'équiper les gens pour le marché et le marché pour les gens». A moyen terme, on peut parier sur l'influence qu'une telle approche pourra avoir dans l'opinion.