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De la mobilité «subie» à la mobilité «choisie»

Enquête | publié le : 26.01.2010 |

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De la mobilité «subie» à la mobilité «choisie»

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Contrairement à une idée largement répandue, les salariés français semblent aspirer à la mobilité professionnelle..., pourvu qu'elle ne soit pas imposée par les contraintes économiques et gérée dans l'urgence.

Ancien délégué syndical CGT de Moulinex, Thierry Lepaon a publié une tribune, début janvier, dans le journal L'Humanité, afin d'alerter sur la situation des anciens salariés du groupe d'électroménager : plus de huit ans après le dépôt de bilan qui avait conduit à la fermeture de quatre usines employant 3 240 salariés en Basse-Normandie, seulement un tiers des licenciés ont retrouvé un emploi. En incluant ceux qui ont pu bénéficier de mesures liées à l'âge ou au classement amiante de leur site de production, c'est un salarié sur deux qui a trouvé une solution.

La vague de restructurations entraînée, depuis 2008, par la crise économique a remis en évidence un item déjà bien connu : l'incapacité du modèle français à assurer certaines transitions professionnelles. L'industrie, en particulier, paie un lourd tribut à cette absence de fluidité.

« Les outils nécessaires à la sécurisation des parcours professionnels existent pourtant et donnent de bons résultats, pourvu qu'on sache les mettre à profit, regrette l'économiste Bernard Gazier (lire l'entretien p. 29). Certains plans sociaux sont ainsi conduits de façon exemplaire : si, en 2001, les licenciements dits «boursiers» de l'usine LU du groupe Danone ont été largement vilipendés, aucun des 600 salariés licenciés n'est resté sur le carreau. »

Aspiration au changement

En septembre dernier, un rapport du Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) a également pris à contre-pied l'opinion qui voudrait que les salariés rejettent en bloc les mobilités. Si 46 % des salariés du privé âgés de plus de 30 ans ont connu au moins une mobilité professionnelle au cours des cinq dernières années, il apparaît que 88 % d'entre eux s'en déclarent satisfaits, y compris lorsque celle-ci a été imposée par l'entreprise, et 61 % souhaitent en vivre une dans les deux prochaines années.

« Cette réelle aspiration au changement est une des principales surprises du rapport, remarque Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du COE. Que les mobilités soient fréquemment vécues comme une sanction devrait inciter les DRH à s'interroger sur la manière dont elles sont présentées. » « La maladie est bien connue et le remède aussi, résume Maurad Rabhi, secrétaire confédéral de la CGT. Les mobilités sont mal vécues, car, dans l'immense majorité des cas, elles sont mises en oeuvre de façon précipitée dans la perspective d'un plan social. »

Peu de mobilités «à froid»

Selon le rapport du COE, à peine plus d'un quart (28 %) des mobilités seraient, en effet, suggérées «à froid» par l'employeur. « C'est très peu », relève Jean-François Carrara, directeur associé du cabinet Algoe, qui plaide pour une « mise en dynamique progressive de la mobilité mentale », notamment par le biais de l'information et de la mise en évidence des parcours au sein de l'entreprise. « Elle n'a guère le choix aujourd'hui, précise-t-il. Ne serait-ce que parce que la réforme des retraites a rendu incertaines les dates de départ, ce qui nécessite une plus grande réactivité des entreprises et, par conséquence, une meilleure préparation des salariés. »

Pour la deuxième année consécutive, la RATP a ainsi organisé, à Paris, un forum des métiers destiné à faire découvrir aux salariés la multiplicité des métiers du groupe et en particulier les 80 «métiers d'appel» où les mobilités internes sont privilégiées (lire p. 26). « Les entreprises qui ont toujours eu le sentiment qu'il était difficile d'anticiper en la matière reviennent aujourd'hui sur leurs positions. Il semble que la crise actuelle a véritablement joué un rôle d'électrochoc », explique Annick Sers, du cabinet Horémis, qui encourage, dans le cadre d'une procédure négociée, l'instauration d'«espaces compétences» permanents dans les entreprises, un dispositif dont les antennes emploi qui ont accompagné, ces derniers mois, les projets des salariés dans le cadre d'un plan de départs volontaires pourraient être l'avant-garde.

« Le succès des récents appels au volontariat a démontré que, pourvu qu'on leur en donne les moyens, les salariés prennent en main leur avenir, » souligne Annick Sers. Chez Thales Air Systems, un «Espace Consultants» permanent, composé de quatre consultants, dont un externe, accueille ainsi les salariés désireux de construire un projet, notamment par la mise en place de formations ou de mises en situation dans d'autres unités (lire p. 25) « Attention, cependant, prévient Xavier Lacoste, directeur général d'Altedia, la GPEC ou les congés mobilité sont de très bons outils qui améliorent considérablement les conditions de mobilité dans les entreprises où ils sont utilisés, mais combien de salariés y ont accès ? »

Développer la GPEC territoriale

Toutes les entreprises ne pourront malheureusement pas être aussi bien outillées en matière de sécurisation des parcours professionnels. » Alors que le Medef vient de proposer un dispositif de «mobilité professionnelle individuelle sécurisée», pour l'heure contesté par les syndicats - qui permettrait à tout un chacun de réintégrer son entreprise en cas d'échec d'un projet professionnel (lire ci-contre), nombre d'observateurs préfèrent miser sur le développement de la «GPEC territoriale». « Troisième étage de la fusée, cette démarche se développe actuellement sous l'impulsion de la GPEC d'entreprise et de la GPEC de branche, à qui elle apportera, en retour, une plus grande transversalité », explique Paul-Edmond Medus, de la DGEFP.

Quel périmètre d'action ?

« La responsabilité de l'entreprise s'arrête inévitablement à ses propres frontières, remarque Thierry Colomer, du groupe Alpha. C'est le territoire qui apparaît aujourd'hui comme le bon périmètre pour traiter les questions des transitions professionnelles. » Même si, comme le regrette Alain Gatti, secrétaire général de la CFDT Lorraine, qui compte parmi les signataires d'un accord régional qui a permis de financer la formation de plus de 500 salariés lorrains au chômage partiel, les initiatives territoriales pâtissent encore parfois d'un déficit de diagnostic partagé en matière de besoin des entreprises et des salariés (lire p. 27).

Or, de belles réussites sont d'ores et déjà à mettre à leur actif, comme ces bilans de compétences collectifs organisés par l'Afpa des Vosges, dans le cadre de la plate-forme de transitions professionnelles textile du département. Destinée à des salariés licenciés ou risquant de l'être, la démarche visait à identifier et à valider un socle de compétences utilisables dans d'autres secteurs d'activité. Un groupe de 18 anciennes ouvrières du textile a ainsi intégré une formation diplômante d'aide-médico-psychologique pour se reconvertir dans des établissements de santé ou des maisons de retraite du département.

* Les trajectoires et mobilités professionnelles, septembre 2009. Etude disponible sur <www.coe.gouv.fr/>

L'essentiel

1 Parler de mobilité professionnelle fait souvent craindre la préparation d'un plan social.

2 Les antennes emploi mises en oeuvre dans le cadre de plans de départs volontaires pourraient préfigurer un nouveau type de dispositif d'accompagnement permanent.

3 Pour pallier les limites de la GPEC d'entreprise, beaucoup misent sur le développement de la «GPEC territoriale».

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