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Les pratiques

Un plan social évité grâce aux dispositifs d'amortissement

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 19.01.2010 |

Neuf mois après avoir créé un fonds de solidarité pour compenser les effets du chômage partiel, Renault Trucks propose un plan de dispense d'activité à 650 salariés. Avec un mot d'ordre : ne licencier personne.

Faire face à la crise sans licenciements. Tel a été - et reste - le mot d'ordre chez Renault Trucks. « Cela permet de préserver les compétences en attendant la reprise », assuret-on à la direction... « Cela évite aussi les coûts d'un plan social et, plus tard, les frais de retour à l'emploi », tempère Daniel Gendrin, délégué CFDT et secrétaire du CE. Car la crise qui affecte le constructeur de poids lourds perdure. Fin août 2009, les ventes avaient encore baissé de 59 % par rapport à la même période un an plus tôt.

Recours au chômage partiel

Après avoir, fin 2008, supprimé 2 500 postes en intérim et modulé le temps de travail, l'entreprise a fortement eu recours au chômage partiel en 2009. Dès janvier pour les opérateurs, en moyenne treize jours par mois ; à partir de mars, à raison de sept jours par mois, pour les Atam et les cadres. Seuls sont épargnés les salariés des activités stratégiques, de la recherche, de la défense et des services commerciaux.

Côté compensation, l'entreprise a connu trois étapes distinctes. De janvier à juin, le dispositif légal de chômage partiel est mis en oeuvre, de manière innovante : l'indemnisation est complétée jusqu'à 95 % du net pour les plus bas salaires par un fonds de solidarité. Constitué en février sur le modèle de celui de Renault, ce fonds, de 7,1 millions d'euros, est alimenté par les salariés eux-mêmes, par monétisation de jours (voir Entreprise & Carrières n° 943 du 24 février 2009) et abondé pour 1 million d'euros par la direction. Les cadres, eux, maintiennent leur net à 100 %, conformément à la convention collective de la métallurgie. Tous les syndicats ont signé l'accord, même la CGT, qui « n'était pas très favorable, mais a suivi les salariés », selon Bernard Grand, son délégué au CCE. Christian Miletto, représentant la CFE-CGC au CCE, salue, lui, « une démarche assez originale », et Daniel Gendrin est « complètement partant ».

Deuxième étape, jusqu'à septembre : alors qu'elle accepte un prêt de 250 millions d'euros de l'Etat, dans le cadre du «pacte automobile», l'entreprise adhère à la convention «chômage partiel automobile». Elle s'engage à organiser des formations et à ne pas licencier jusqu'à fin 2009, avec une compensation du chômage toujours soutenue par le fonds de solidarité. « Ça s'est plutôt bien passé, commente Bernard Grand, mais il y a eu du chômage partiel de complaisance dans quelques services tertiaires, et certaines formations étaient insuffisantes »...

Accord d'activité partielle longue durée

Troisième étape à l'automne : la signature d'un accord d'activité partielle de longue durée (APLD). Cet accord, renouvelable, a pris effet début octobre, pour trois mois, avec une indemnisation portée à 75 % du brut, sans recours au fonds de compensation. A nouveau, l'entreprise s'engage à ne pas licencier, cette fois jusqu'à fin mars 2010.

D'ici là, Renault Trucks mettra en place un plan de dispense d'activité (PDA), signé le 10 novembre par tous les syndicats, sauf la CGT. Le PDA propose à quelque 650 personnes nées entre 1948 et 1952 de suspendre leur activité dès février 2010, en attendant la retraite. Pendant cette période, elles restent salariées de l'entreprise, et perçoivent 75 % du salaire brut de référence, financés à 50 % par l'entreprise. Le reste provient d'une monétisation de leurs compteurs (congés payés, repos compensateur, compte épargne temps individuel, compte épargne formation), d'une petite part de leur indemnité de départ en retraite et, si nécessaire, du fonds de solidarité. Un revenu que Bernard Grand juge insuffisant, d'autant que « ce système fait encore reposer 25 % du financement sur les salariés eux-mêmes ».

Rajeunissement des effectifs

Pour la direction, qui présente le PDA comme un dispositif anticrise, celui-ci s'inscrit aussi dans une dynamique de rajeunissement des effectifs déjà bien amorcée. Pendant les trois dernières années, 880 des 3 300 personnes recrutées avaient moins de 25 ans.

LE DIALOGUE SOCIAL A TENU

Si la contestation ne s'est pas éteinte à Renault Trucks, « il y a eu, en 2009, un véritable dialogue social », analyse Olivier Barde, directeur des relations sociales. En effet, les syndicats n'ont pas chômé, avec un CCE par mois, au lieu de 4 ou 5 par an, et un CE supplémentaire par mois.

A la CGT, pourtant, Bernard Grand reste méfiant : « Une période de chômage partiel se termine le plus souvent par un plan social. Et c'est aussi un moment où le patron reprend la main sur le temps de travail ». La CFE-CGC et la CFDT sont plus positives. « Renault Trucks a été assez précurseur pour préserver les emplois », estime Christian Miletto. « Jusqu'à présent, précise Daniel Gendrin, les dirigeants du groupe AB Volvo en France ont mené une politique courageuse, alors qu'en Suède, notamment, on n'a pas hésité à licencier massivement en 2009. »