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« L'administration veut en finir avec les accords «façade» »

Enquête | L'entretien avec | publié le : 19.01.2010 |

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« L'administration veut en finir avec les accords «façade» »

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E & C : Denis Combrexelle, directeur général du travail, a adressé, le 10 décembre dernier, un courrier aux entreprises de plus de 1 000 salariés, concernées par le plan gouvernemental sur la prévention du stress. Quelles en sont les informations clés ?

S. N. : Le premier point important de la procédure à suivre concerne les interlocuteurs- mêmes de la négociation, c'est-à-dire les organisations syndicales représentatives de l'entreprise. En clair, il ne s'agit ni d'un plan présenté au CE, ni d'une concertation avec une cellule ad hoc, mais d'une véritable négociation collective d'entreprise.

Ensuite, ce courrier réaffirme l'obligation d'aboutir à un accord sans pouvoir lui substituer un plan ou une décision unilatérale. Nous nous situons donc dans une obligation de résultat et non de moyens. Pour la rendre réalisable, l'administration admet la signature d'un accord de méthode. Cela signifie, pour les partenaires sociaux, de s'entendre sur un calendrier, sur les différents intervenants, sur l'éventuelle mise en place d'une enquête pour établir l'état du stress dans l'entreprise, sur la formation des différents acteurs...

Ces diverses modalités tout comme le processus de négociation devront être reportés sur une application informatique, disponible depuis mi-décembre et accessible sur Internet via un mot de passe. Celles-ci devant alimenter la réflexion d'un groupe de travail ministériel.

E & C : Ce courrier menace d'une mise en ligne les noms des mauvais élèves. Trois listes seront publiées sur < travailler-mieux.gouv.fr > : la verte pour les entreprises ayant conclu un accord, l'orange pour celles en cours de négociation (après au moins deux réunions) et la noire pour les autres. C'est une nouveauté...

S. N. : C'est, en effet, une première de voir un ministre «blacklister» certaines entreprises. Cela s'inscrit dans une réflexion plus large sur la sanction dans le droit du travail et sur sa dépénalisation. L'exemple de la problématique de l'égalité salariale entre hommes et femmes peut illustrer mon propos. Il n'existe pas moins de sept lois sur le sujet. Leurs effets ? Quasi nuls ! En médiatisant les entreprises hors des clous, la Direction générale du travail les soumet à une sanction sans doute plus dissuasive qu'une condamnation de nature pénale. En ligne de mire : l'image de marque et le marketing social des intéressées.

Certaines entreprises clientes risquent d'écarter ces mauvais élèves de leurs appels d'offres. Ce rejet pourra aussi s'exprimer du côté des organisations syndicales de grands comptes à l'égard de fournisseurs «blacklistés».

Et que dire du sort des dirigeants d'une entreprise sur cette liste noire si un salarié se suicide au travail ? Selon certains, l'approche est originale et sûrement plus efficace qu'un nouveau texte législatif dont on fustige, par ailleurs, la profusion.

Nous pouvons, toutefois, nous interroger : quid du processus parlementaire ? La règle de droit a ici été élaborée dans une simple lettre, sans débat démocratique. Quels peuvent être, dès lors, les moyens de recours des entreprises incriminées par un tel affichage ? Je pense qu'il leur sera toujours possible de saisir le tribunal administratif. Mais le temps judiciaire n'étant pas celui des affaires, il y a fort à parier que le préjudice sera important avant que le juge ne se prononce.

E & C : L'administration précise que le contenu des accords doit viser en priorité les voies d'un engagement durable. Qu'est-ce que cela sous-entend ?

S. N. : C'est une manière d'en finir avec les accords «de façade». Cette approche a été initiée avec les accords et plans seniors. Désormais, il est exigé non plus de simples bonnes intentions mais une démarche et des engagements concrets pour éviter le stress toxique, celui qui rend malade et qui tue.

E & C : Selon vous, pourquoi le seuil de 1 000 salariés a-t-il été retenu ?

S. N. : Cette démarche est expérimentale et va servir à envisager l'opportunité d'une loi et, dans ce cas, d'un projet de texte. Il est donc pertinent d'expérimenter le sujet grandeur nature auprès d'une catégorie d'entreprises en général innovantes en matière de RH, car disposant de moyens organisationnels.

Cela évitera certaines aberrations à l'instar de celles observées avec la loi Aubry I. Lorsque les entreprises se sont approprié les 35 heures, elles l'ont fait sous le prisme des JRTT. Or, la loi ne prévoyait juridiquement pas de telles organisations du temps de travail.

Au total, 2 400 entreprises référencées entrent dans le champ de cette obligation de conclure un accord antistress. Pour autant, certaines ne recevront pas le courrier de l'administration quand d'autres, employant moins de 1 000 salariés, en seront destinataires. J'invite ces dernières à contacter la DGT afin de leur transmettre les justificatifs prouvant leur effectif réel et sollicitant leur retrait de la liste ministérielle.

De même, pour être exclu de la liste, je suggère à celles de plus de 1 000 salariés qui ne peuvent pas conclure un accord collectif conforme à la loi du 20 août 2008 - celles sans délégué syndical, cas exceptionnel, mais recevable -, de se rapprocher aussi de leur DRT.